Covid-19 : instaurer un passeport sanitaire européen, c'est "mettre la charrue avant les bœufs", estime Manon Aubry (LFI)
La député européenne rappelle que moins de 8% de la population européenne est vaccinée pour le moment.
Le passeport vert, "ça me paraît mettre la charrue avant les bœufs, quand on sait que moins de 8% de la population européenne est vaccinée", a déclaré ce mercredi 17 mars sur franceinfo Manon Aubry, députée européenne La France insoumise à propos du projet de certificat sanitaire qui va être présenté mercredi par l'Union européenne.
"Est-ce que la Commission européenne n'aurait pas mis la charrue avant les bœufs et ne se serait pas précipitée, notamment pour masquer son fiasco sur la stratégie vaccinale ?" de demande la co-présidente du groupe de la gauche GUE/NGL au Parlement européen.
franceinfo : Sur le principe, vous soutenez ce projet de "passeport vert" ?
Manon Aubry : On attend encore les détails qui seront présentés aujourd'hui par la Commission européenne. Mais, à ce stade, ça me paraît mettre la charrue avant les bœufs, quand on sait que moins de 8% de la population européenne est vaccinée, qu'on est quasiment sûr que toute la population ne sera pas vaccinée d'ici l'été. Cette annonce en grande pompe, si vous voulez, me paraît surtout masquer un fiasco.
Il ne s'agit pas forcément de présenter une preuve de vaccination. Ce passeport pourra attester d'un simple test négatif ou de la présence d'anticorps dans le corps...
Bien sûr, mais en fait c'est quasiment déjà le cas. Quand vous traversez les frontières aujourd'hui, par exemple entre la France et la Belgique, vous devez déjà présenter un test PCR qui atteste du fait que vous n'êtes pas porteur du virus. Je pose la question : pourquoi faire une appli gadget quand, en réalité, il suffit de présenter un papier ?
Une appli pose des questions en matière de caractère obligatoire de la vaccination et, surtout, des questions en matière de confidentialité des données personnelles, les mêmes questions qu'on s'était posées en France sur l'appli StopCovid, voire même une question sur le contrôle de l'utilisation de ces données par des entreprises privées, de tourisme, de restauration. On ne sait pas encore qui va faire cette application, quelle entreprise Gafam [acronyme des géants Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] sera impliquée à un moment ou un autre.
A ce stade, ça soulève des problèmes qui ne me semblent pas nécessaires, alors même que l'enjeu, c'est de répondre à l'urgence de la vaccination. Et donc, je m'interroge : est-ce que la Commission européenne n'aurait pas mis la charrue avant les bœufs et ne se serait pas précipitée, notamment pour masquer son fiasco sur la stratégie vaccinale ?
Pourquoi parlez-vous de fiasco vaccinal ?
On est à moins de 8% de la population européenne qui est vaccinée, on a des retards de livraison en cascade. Globalement, la Commission européenne s'est couchée devant des laboratoires pharmaceutiques qui nous baladent, qui nous mentent, qui refusent de publier les contrats de leur intégralité. On a des discours contradictoires sur le vaccin AstraZeneca, qui sèment le doute. Et, cerise sur le gâteau, on n'a toujours de levée des brevets qui empêchent de produire des vaccins en grande quantité et donc de vacciner la population le plus largement possible. Donc on va probablement arriver à l'été avec un pourcentage encore très élevé de la population européenne qui n'est pas vaccinée, je pense particulièrement aux plus jeunes.
Sur AstraZeneca, Jean Castex dit qu'il faut désormais montrer les crocs en Europe, vous êtes d'accord ?
Oui, mais je suis un peu fatiguée d'entendre qu'il faut montrer les crocs parce que ça fait des mois qu'on nous dit ça. J'ai rencontré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui nous a demandé à nous, eurodéputés, quasiment d'implorer les laboratoires pharmaceutiques et en particulier AstraZeneca, qui était très en retard sur son calendrier de livraison, comme si on n'avait pas les moyens de demander des comptes.
Et puis maintenant, il y a cette question posée avec la suspension temporaire du vaccin. Si, ce que je ne souhaite pas évidemment, il était prouvé que ce vaccin avait des conséquences négatives sur la santé, on ne sait pas quelle serait la responsabilité du laboratoire AstraZeneca, puisque nous n'avons pas accès aux clauses de responsabilité du contrat. Vous le voyez, ça fait beaucoup de conditions qui nous sont imposées par les laboratoires pharmaceutiques. Il y a pour moi un paradoxe : on impose de grandes restrictions de liberté aux gens au quotidien, alors qu'on est incapable d'imposer un minimum de conditions aux laboratoires pharmaceutiques, qui semblent faire la loi en Europe.
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