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Covid-19 : en Martinique, la violence de la vague épidémique pousse des sceptiques à se faire vacciner

La campagne de vaccination en Martinique connaît un frémissement depuis la mi-juillet. Chaque jour, un millier d'habitants en moyenne reçoivent leur première dose. Une réaction à la troisième vague épidémique, extrêmement violente sur l'île.

Article rédigé par franceinfo - Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Les centres de vaccination connaissent un regain de fréquentation depuis la mi-juillet en Martinique, comme ici, au palais des sports de la ville du Lamentin.  (LIONEL CHAMOISEAU / AFP)

"Avec tout ce qu'il se passe, on s'est décidés à le faire !" Sabrina a franchi le pas du centre de vaccination du CHU de Fort-de-France. Depuis de longues semaines, elle avait des doutes sur le vaccin. Et puis, la situation sanitaire dramatique en Martinique, reconfinée depuis mardi 10 août et pour au moins trois semaines, a agi comme un déclic dans l'esprit de cette femme, désormais convaincue. Aucun des membres de sa famille n'a été contaminé, "mais des voisins. Ça nous a vraiment touchés."

Depuis quelques jours, le centre de vaccination voit de plus en plus ce type de profils. "C'est la peur de ce qui est en train de se passer en Martinique qui conduit les personnes à se faire vacciner", constate André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Fort-de-France.

Son hôpital, comme tous les établissements médicaux de l'île, connait le plus fort taux d'admission en réanimation de toute la France, et le plus fort taux d'occupation de lits d'hôpitaux pour des patients Covid.

Décidés, mais pas complètement convaincus

Les habitants qui viennent se protéger, en recevant leur première dose, répondent "le plus souvent à la question 'pourquoi maintenant ?' qu'ils ont eu des décès dans leur famille". La population "se rend compte de la gravité du Covid, même si certains disent qu'ils ne sont pas encore complètement convaincus", poursuit André Cabié. 

"Ils sont toujours inquiets de la vaccination, mais finalement plus inquiets aujourd'hui de ce que l'on est en train de vivre."

Pr André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Martinique

à franceinfo

Depuis la mi-juillet, un millier de Martiniquais se font vacciner quotidiennement. Un chiffre encore jamais atteint depuis le début de la campagne vaccinale, mais insuffisant selon les autorités de santé. À peine un quart des habitants de Martinique ont reçu leur première dose, contre plus de 70% en moyenne, à l'échelle nationale.

La défiance envers les autorités reste grande

À côté de ceux qui viennent se protéger, d'autres continuent de rejeter le vaccin. C'est le cas de Mirielle. Pourtant, elle a été contaminée par le Covid-19. "J'ai vu ma mort, c'est une maladie dure !", décrit-elle. Sortie d'affaire, elle est immunisée contre la maladie. Mais pour quelques temps seulement, car elle refuse de se faire vacciner. Pourtant, outre ses longues journées de souffrance, elle vient ici, au CHU de Fort-de-France, voir son neveu. Personne à risque, âgé de 32 ans seulement, il lutte pour rester en vie, sur un lit de réanimation. Lui non plus n'est pas vacciné. 

"Il y a tellement de choses qui se passent. On te dit que c'est pas bon", se justifie Mirielle. "C'est embrouillé dans la tête un peu, je réfléchis toujours." Les médecins sont confrontés quotidiennement à cette défiance envers le vaccin en outre-mer, et à ses conséquences dramatiques, notamment en Guadeloupe et en Martinique. Mais ils ne sont pas étonnés. 

"La défiance vaccinale vient d'abord d'une défaillance très importante vis-à-vis de ce qui vient de Paris, de l'autorité, qui s'explique en grande partie par l'histoire de ce territoire", explique André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Martinique. 

"Le scandale du chlordécone rend très difficile toute parole publique et toute proposition sanitaire venant de l'Hexagone."

Pr André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Martinique

à franceinfo

En tête aussi, le scandale du chlordécone, "un véritable scandale sanitaire". Ce pesticide a été utilisé de 1972 à 1993 aux Antilles pour sauver la monoculture de la banane, alors même qu'il a été interdit dès 1976 aux Etats-Unis. Le produit, détecté dans le sang de 95% des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais selon une étude de Santé Publique France en 2018, est suspecté d'être à l'origine de nombreux cancers de la prostate.

La violence de la vague épidémique en Martinique pousse des sceptiques à se faire vacciner - Reportage de Boris Loumagne

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