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Téléconsultations, réserve sanitaire, services de réanimation... Comment la médecine française s'adapte au coronavirus

L'intensification de l'épidémie de coronavirus en France requiert une mobilisation exceptionnelle des services de soins.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Une consultation en télémédecine chez la docteur Smadja, à Paris, le 10 mars 2020. (LÉO TESCHER / RADIO FRANCE)

Jour après jour, l’épidémie du coronavirus Covid-19 se renforce en France. Le dernier bilan officiel, mardi 10 mars, faisait état de 33 décès sur les 1 784 cas confirmés. Toutes les personnes décédées sont des adultes et pour 23 d'entre elles, étaient âgées de plus de 75 ans.

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Les 157 établissements de santé référents se préparent à passer au stade 3 de la veille épidémique, avec un nombre plus important de cas graves à traiter. Une situation difficile pour les hôpitaux déjà affaiblis. La médecine française tente de s'adapter pour faire face à cette situation de crise.

Le nombre de places en réanimation renforcé

La France compte en temps normal 5 000 lits de réanimation pour les patients à risque de défaillance vitale et 7 360 lits de soins intensifs. Ces moyens peuvent augmenter, explique Jérôme Salomon, directeur général de la Santé : "On a, grâce au plan blanc, la possibilité de déprogrammer. Dès qu'on déprogramme une opération de chirurgie, on récupère des moyens pour pouvoir parfaitement réagir dès les premiers cas."

La France pourrait ainsi monter à 11 000 lits de réanimation. Mais le problème peut venir des personnels : la loi prévoit 2,5 soignants par lit. Or, depuis des mois, les personnels hospitaliers sont au bord de l’épuisement.

On l'impression qu'on nous fait courir tous les jours avec les jambes coupées, et là qu'on demande de faire un marathon en plus.

Anne Geoffroy Wernet, présidente d'un syndicat d’anesthésistes réanimateurs

à franceinfo

Des soignants épuisés, mais volontaires, qui risquent de se heurter à un autre problème : le matériel de réanimation. Sa disponibilité est pour l’heure difficile à évaluer et les soignants risquent de devoir choisir entre les patients. "On ne sait pas si on a assez de respirateurs suffisamment sophistiqués, ou si on va être obligé, peut-être à un moment, d'être en situation de guerre et d'avoir des solutions dégradées", explique ainsi Anne Geoffroy Wernet, la présidente du SNphar, syndicat d’anesthésistes réanimateurs.

"Cela peut être faire des choix, mais faire des choix on a toujours fait. La question c'est 'est-ce qu'on va être obligé de pousser le tri à des critères qu'on n'aurait pas utilisé jusqu'à maintenant ?'. 'Est-ce raisonnable de faire ça ou n'est-ce pas raisonnable ?' Il va peut-être y avoir des positions plus tranchées." La capacité du système de soins à répondre dépendra du nombre de contaminations simultanées.

La réserve sanitaire mobilisée

C'est évidemment la mobilisation générale parmi les personnels soignants. L'ordre des médecins et l'ordre des infirmiers ont appelé tous les médecins et infirmiers retraités ou inactifs à rejoindre la réserve sanitaire, déjà composée de 3 600 personnes. Elle fonctionne sur le même principe que la réserve militaire : ce sont des professionnels de santé qui acceptent de se rendre disponibles pour épauler des confrères en période de crise sanitaire.

Il se trouve que la réserve a déjà été omniprésente depuis le début de la crise du coronavirus. Ce sont par exemple des réservistes qui ont participé au rapatriement et au confinement des Français de Wuhan, en Chine. Eux aussi qui ont constitué une équipe médicale d’accueil des voyageurs à l’aéroport de Roissy. Encore eux qui ont mené les consultations des collégiens et lycéens de Crépy-en-Valois.

C'est une cohorte importante, parce que c'est presque 40 000 médecins et probablement autant, si ce n'est plus, d'infirmiers.

Patrick Bouet, président de l'Ordre des médecins

à franceinfo

L'appel à renforcer cette réserve est particulièrement dirigé vers les professionnels retraités depuis moins de cinq ans, explique Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins : "Il nous a semblé aujourd'hui opportun de lancer cet appel et de permettre à l'ensemble de ces professionnels de voir qu'ils peuvent participer à l'effort national en rejoignant la réserve sanitaire."

Tout professionnel de santé peut s’inscrire sur le site internet de la réserve sanitaire. S’il est mobilisé pour une mission, il sera rémunéré. Au-delà de la réserve sanitaire, l’ordre des médecins invite également tous les médecins disponibles à se faire connaître auprès des conseils départementaux de l'Ordre, pour venir renforcer les cabinets de leurs confrères libéraux.

La téléconsultation facilitée

Les conditions de réalisation de la télémédecine ont été assouplies, pour "simplifier l'accès des patients à un médecin en téléconsultation", a affirmé le ministre de la Santé. Olivier Véran a notamment "décidé de lever l'obligation de passer par son médecin traitant et d'avoir eu une consultation présentielle les 12 mois avant la réalisation d'une consultation à distance".

Objectif : désengorger les salles d'attente et protéger les patients les plus fragiles. Exemple chez la docteure Smadja, dans le 16e arrondissement de Paris. Depuis quelques jours, les 11 créneaux quotidiens de téléconsultation sont tous complets, c'est 30 à 40% en plus que d'habitude. "Les gens m'appellent un peu pour tous et n'importe quels symptômes, décrit la médecin. Donc l'idée, c'est vraiment aussi de les rassurer." Échanger, mais sans prise de tension, de température... Peut-on parler de véritable acte médical ? "Déjà, juste en regardant le patient et en l'écoutant, on arrive à voir s'il est plus ou moins bien, s'il a de la détresse respiratoire."

Ce n'est pas forcément complet, mais ça nous aide et ça nous oriente.

Docteur Smadja

à franceinfo

Dans la salle d'attente, il y a toujours autant de patients. Tout cela, c'est du travail en plus, entre deux consultations. "La question, c'est est-ce que vous avez le coronavirus ou pas, je ne peux pas vous répondre comme ça. Ce qui est sûr, c'est que là, vous ne m'inquiétez pas", explique la docteure Smadja à un patient, dont le visage s'affiche sur l'écran d'ordinateur.

Ce patient est jeune, en bonne santé, pas "à risque" donc. Mais par précaution, la médecin lui délivre un arrêt maladie de trois jours. "Et après, en fonction de son évolution, on verra. C'est surtout pour ne pas contaminer les autres. Il peut être en contact avec d'autres personnes fragiles, donc l'idée c'est qu'il reste chez lui, avec son virus, que ce soit la grippe, le coronavirus, ou n'importe lequel."

Si le patient guérit, tant mieux, personne n'aura pris de risque. Si non, le suivi médical aura commencé dès la téléconsultation, au même prix qu'en cabinet et remboursable par la Sécurité sociale depuis fin 2018. La téléconsultation "reste une consultation dégradée", tempère pour sa part Jean-Christophe Calmes, vice-président du syndicat MG France, fédération française des médecins généralistes. "Cela sous-entend qu'on connaît le patient, c'est pour ça qu'on insiste sur le rôle du médecin traitant."

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