Santé : pourquoi les tarifs des mutuelles grimpent (et pourraient encore grimper)
Les seniors sont particulièrement concernés par cette hausse des prix, qui peut dépasser les 14%, malgré des frais en baisse pour les complémentaires santé en raison de la pandémie.
Un paradoxe. Alors que les mutuelles ont économisé plus de 2 milliards d'euros, selon le gouvernement, en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus (opérations reportées, tests pris en charge à 100% par l'Assurance-maladie...), les tarifs des complémentaires santé se sont envolés en 2020. Les seniors sont les plus touchés avec des augmentations qui dépassent parfois les 14%, selon une étude du comparateur Meilleurassurance.com révélée mardi 6 octobre par Europe 1 et Le Parisien. Pour les contrats "renforcés" choisis par 20% de cette population âgée, le tarif moyen national, qui s'élevait à 2 560 euros l'an dernier, "est passé à 2 871 euros, soit une inflation de... 12,1% !" pointe Le Parisien. Pourquoi cette hausse risque-t-elle d'être durable ?
Parce que les lunettes sont remboursées à 100%
Parmi les causes de cette flambée des prix : la réforme "100% santé" mise en place cette année et qui prévoit le "reste à charge zéro" pour certaines lunettes, prothèses auditives et prothèses dentaires. Selon le porte-parole de Meilleurassurance.com, Fabien Soccio, cité par Europe 1, "l'envolée des prix en mutuelle santé s'explique surtout par la hausse des frais de santé. Tous les ans, ils augmentent d'environ 3 à 4% et on a des contrats qui augmentent d'autant". Mais s'y ajoute aussi en 2020 "l'instauration du '100% Santé'".
En janvier, Capital estimait déjà que cette réforme pourrait susciter, en rythme de croisière, "de 200 à 300 millions d’euros de dépenses supplémentaires par an". "Si bien qu’une hausse des cotisations dès 2021, et encore plus en 2022, semble inéluctable", concluait le magazine. En 2018, l'exécutif avait pourtant assuré que cette réforme n'entraînerait pas d'augmentation des tarifs des mutuelles.
Des propos démentis, à la même époque, par une étude du cabinet de conseil en assurance-santé Santiane publiée par Le Parisien. Celle-ci prédisait une hausse moyenne des tarifs de 6,8% au terme des trois ans de déploiement du dispositif. Elle prévoyait également que la facture serait plus salée pour les retraités, gros consommateurs de soins dentaires et d'appareils auditifs.
Parce qu'elles sont surtaxées pour le Covid-19
Second facteur de la hausse des tarifs : "la surtaxe Covid" que le gouvernement veut imposer aux mutuelles. Le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2021 prévoit ainsi d'augmenter la taxe sur les complémentaires santé à hauteur d'un milliard d'euros en 2021, puis encore de 500 millions en 2022. L'argument de l'exécutif est le suivant : ce milliard et demi de taxes est inférieur aux économies – de plus de 2 milliards d'euros, selon lui – réalisées par les complémentaires à cause de la pandémie (déprogrammation d'opérations chirurgicales, etc.). Il est donc juste de les mettre à contribution.
Un raisonnement contesté par le Centre technique des institutions de prévoyance (représentant les complémentaires santé spécialisées dans les contrats d'entreprises). Celui-ci réfute l'existence d'une "cagnotte" liée à l'épidémie. Il défend une "contre-proposition" basée sur le résultat de chaque organisme avec un "taux progressif" en fonction des bénéfices constatés en fin d'année. Faute de quoi, une hausse des cotisations serait à l'ordre du jour. "Si nous augmentons les tarifs, ce ne sera pas au titre du '100% Santé', ce sera au titre de la taxe", a ainsi expliqué sa déléguée générale Marie-Laure Dreyfuss, citée par l'AFP, le 2 octobre.
Parce que les cotisations baissent avec la crise
Enfin, le choc sur l'économie a des conséquences directes sur les rentrées d'argent des complémentaires. "Au premier semestre, 20% de nos cotisations ne sont pas rentrées, soit 600 millions d'euros, et nous estimons que la moitié seront définitivement perdues" à cause de la crise économique, a précisé Marie-Laure Dreyfuss, toujours citée par l'AFP.
Or, selon les prévisions de la Banque de France, la crise n'en est qu'à ses débuts. La France pourrait perdre "presque un million" d'emplois cette année et le taux de chômage atteindre un pic de 11,8% mi-2021. Cette vague de faillites et de licenciements pourrait accroître le coût de la "portabilité" des contrats (un salarié reste assuré jusqu'à 12 mois après la perte de son emploi). Et ce coût sera de "200 millions d'euros cette année et 400 millions en 2021", selon Marie-Laure Dreyfuss.
Avec la possibilité, là encore, que ce manque à gagner soit répercuté à terme sur les assurés.
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