Variant Omicron : "On rentre dans le dur, il va falloir que nous soyons inventifs", alerte le professeur Emmanuel Hirsch
Alors que le conseil de défense sanitaire se réunira lundi, Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris-Saclay, assure que la réponse vaccinale n'est pas une "martingale".
"On rentre dans le dur, on rentre dans le long terme et il va falloir qu'on cohabite d'une manière sérieuse avec le virus", a expliqué Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris-Saclay, lundi 27 décembre sur franceinfo. Face à la montée en puissance du variant du Covid-19 Omicron, "la réponse vaccinale n'est pas la réponse exclusive. Ce n'est pas la martingale. Et donc, il va falloir qu'on soit inventif", a t-il insisté alors que le conseil de défense sanitaire se réunit cet après-midi et que le projet de pass vaccinal sera présenté lors d'un Conseil des ministres extraordinaire.
franceinfo : La perspective d'un pass vaccinal vous inquiète ?
Emmanuel Hirsch : C'est la situation qui m'inquiète. Ce qui me rassure, c'est l'adaptation aujourd'hui des mesures qui vont être des mesures politiques difficiles, délicates. La philosophie du gouvernement, c'est la progressivité, la prudence et la vigilance. Il n'y a pas d'attentisme possible. C'est en quelque sorte Omicron aujourd'hui qui marque le la. Je pense que d'un point de vue éthique et d'un point de vue politique, ce qui est important, c'est d'être cohérent et d'être en cohésion avec l'action gouvernementale qui aujourd'hui s'impose. On n'a pas le choix. Tout le monde préférerait qu'on dise que 2022 commence sous de meilleurs auspices, alors qu'on voit qu'on s'inscrit dans le long terme d'une gestion où il faut trouver les bons équilibres. La réalité qui est aussi à prendre en compte dans cette évolution du pass sanitaire à un pass vaccinal, c'est l'incertitude sur l'efficacité de la stratégie vaccinale sur des personnes qui présentent des comorbidités. C'est quelque chose qui me semble obligé, mais qui est aussi annonciateur probablement de mesures plus intenses, plus graves en fonction de l'évolution de la situation. Et l'acceptabilité de la société a ses limites. C'est là où l'exercice gouvernemental est très délicat.
Vous projetez déjà au-delà du pass vaccinal ?
Le pass vaccinal est une manière, en quelque sorte, d'introduire d'une manière plus acceptable l'obligation vaccinale. Le gouvernement a pour lui le résultat tout à fait exceptionnel de la campagne de vaccination, puisque la société française y a adhéré et a compris les enjeux. Deux ans après le début de la crise, je crois qu'il y a une pédagogie qui, d'une certaine manière, imprègne la société. On est responsable et on comprend qu'il y a un principe de réalité. Donc, on est prêts à s'adapter. Le seul problème, c'est qu'il y a des personnes en situation de vulnérabilité, qu'ont moins cette capacité d'adaptation et donc il ne faudra pas les laisser pour compte.
Ce passeport vaccinal va quand même confronter chacun à une forme d'inquiétude, dans la mesure où on n'a pas le sentiment que le bouclier vaccinal est l'arme absolue. Comment on va accompagner par des évolutions dans nos comportements, par exemple? Quelles seront les incitations ? Quelles seront les mesures qui vont suivre ? C'est un moment fort à la fois de rupture et de transition. On rentre dans le dur, on rentre dans le long terme et il va falloir qu'on cohabite d'une manière sérieuse avec le virus. Et personne aujourd'hui n'a véritablement la réponse la plus adaptée. On s'adapte.
Pourquoi mettre en place un pass vaccinal alors qu'on s'interroge sur l'efficacité vaccinale ?
C'est la limite de l'exercice et ma crainte profonde, c'est que malheureusement la montée en puissance d'Omicron nous saisisse et en quelque sorte nous soumette un nouveau défi, c'est de considérer que la réponse vaccinale n'est pas la réponse exclusive. Ce n'est pas la martingale. Et donc, il va falloir qu'on soit inventifs. Et effectivement, ce débat parlementaire intervient à un moment où il y a une certaine forme de doute et a commencé à pénétrer l'opinion publique. Il y avait une contrepartie. Je me vaccine en contrepartie d'une sécurité qui m'est assurée à la fois à titre personnel et globalement pour la société, puisque l'acte vaccinal est un acte civique. C'est un acte aussi d'engagement citoyen qui a un coût en termes de décision, puisqu'on sait qu'il y a aussi des incertitudes. Imaginons que l'on se retrouve avec des données scientifiques qui montrent à quel point le vaccin ne serait plus suffisant pour lutter efficacement à la fois dans la transmissibilité et la protection des personnes, qu'elle va être l'arme de recours ?
On a le sentiment que dans la décision, dans cette solennité, dans son urgence, on a un gouvernement qui constate comme nous qu'on est très démunis. Ce sentiment d'impuissance, deux ans après le début de la crise sanitaire, est un élément qui peut être de l'ordre d'une inquiétude supplémentaire au niveau de la société, c'est toute la dimension politique et la dimension sociétale. Mais avoir un gouvernement qui est en cette période de fête prend les choses en main avec une résolution qui, j'espère, sera soutenue par l'ensemble des forces politiques en France est pour moi, l'élément rassurant.
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