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Covid-19 : la fin du port du masque dans les lieux soumis au pass sanitaire est-elle vraiment raisonnable ?

Pour le ministre de la Santé, cette mesure va "améliorer le quotidien des Français". Mais pour les scientifiques interrogés par franceinfo, il est trop tôt pour enlever le masque à l'intérieur.

Article rédigé par franceinfo
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Des visiteurs masqués au musée du Louvre à Paris, le 2 juillet 2021. (MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS / AFP)

Cinémas, musées, établissements sportifs... Le port du masque ne sera plus obligatoire pour le public dans les lieux où l'entrée est conditionnée à la présentation d'un pass sanitaire. C'est ce qu'a annoncé, mardi 20 juillet, le gouvernement, à quelques heures de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire. Cette annonce peut paraître surprenante alors que la quatrième vague est là, du fait de l'extrême contagiosité du variant Delta. Surtout, certaines communes ou départements, comme les Pyrénées-Orientales, réimposent le port du masque en extérieur. Alors que pensent les scientifiques de cette mesure ?

"C'est une mauvaise idée"

"Là où il y a le pass sanitaire" attestant d'une immunité contre le Covid-19, les personnes "pourront enlever le masque", a déclaré Olivier Véran mardi sur RTL. Selon le ministre de la Santé, le masque ne s'y impose plus car le pass sanitaire implique "qu'on est sûr que toutes les personnes qui rentrent sont vaccinées complètement ou ont un test très récent qui est négatif".

"La fin de l'obligation du masque pour le public de ces lieux-là va améliorer le quotidien des Français petit à petit."

Olivier Véran, ministre de la Santé

sur RTL

Toutefois, le préfet mais aussi l'exploitant du lieu soumis au pass sanitaire pourront réimposer le port du masque. Ce document sera exigible dans les lieux de culture (cinémas, musées, théâtres, etc.) qui accueillent plus de 50 personnes à partir de mercredi, puis dans les restaurants, cafés, centres commerciaux et certains transports à partir de début août. Contrairement au public qui y accède, les salariés qui travaillent dans ces endroits devront garder le masque pour l'instant, a précisé le ministère du Travail.

L'annonce d'Olivier Véran laisse sceptique les scientifiques. Interrogée par France Inter, l'épidémiologiste Dominique Costagliola dit avoir appris cette mesure "avec stupeur". "C'est une mauvaise idée", a-t-elle asséné, visiblement en colère.  

"Il faudrait avoir ceinture et bretelles pour essayer de combattre cette épidémie, et pas enlever certaines mesures quand on en met d'autres en place."

Dominique Costagliola, épidémiologiste

à France Inter

Sous l'effet du variant Delta, plus contagieux, la pandémie repart en France, à tel point que l'exécutif parle désormais d'une quatrième vague. Au niveau national, la moyenne quotidienne des nouveaux cas sur les sept derniers jours est supérieure à 8 000, contre seulement 1 850 fin juin. Ces dernières 24 heures, une hausse de 18 000 cas de nouvelles contaminations a même été rapportée, selon Olivier Véran. "Nous n'avons jamais connu cela", s'est alarmé le ministre en commission à l'Assemblée.

"C'est casse-gueule"

Dominique Costagliola n'est pas la seule scientifique à s'inquiéter. "Cela pose pas mal de questions", assure à franceinfo Samuel Alizon, biologiste de l'évolution et directeur de recherches au CNRS. Ce dernier commence par rappeler que le pass sanitaire se présente sous trois formes possibles : un certificat de vaccination, un test PCR de moins de 48 heures ou un certificat de rétablissement du Covid-19 de moins de six mois prouvant donc que vous avez des anticorps contre la maladie. Concernant les tests PCR, "il y a des faux négatifs", note Jérôme Marty, médecin généraliste de Haute-Garonne et président de l'Union française pour une médecine libre (UFML).

"Vous ne pouvez pas exclure le fait de faire entrer dans ces lieux une personne infectée qui en infectera d'autres."

Jérôme Marty, médecin généraliste

à franceinfo

Le président de l'UFML ajoute : "Je suis d'accord pour ne pas porter le masque avec du 100% vaccinés. Mais, mixer les vaccinés avec ceux qui ont un test PCR, c'est casse-gueule."

"Il faut bien qu'il y ait des soupapes"

Le manque d'informations est tout aussi grand pour le certificat de rétablissement du Covid-19. "Il y a beaucoup d'incertitudes dessus, le variant Delta pourrait peut-être échapper à une immunité préalablement acquise. En clair, une personne infectée par le variant Alpha pourrait être infectée par le Delta", explique Samuel Alizon. Le chercheur rappelle qu'il existe énormément de preuves sur la transmission aéroportée du virus.

"Lever le port du masque en extérieur, d'accord, mais en intérieur, ce n'est clairement pas le moment."

Samuel Alizon, chercheur

à franceinfo

Si scientifiquement, la mesure semble donc risquée, c'est oublier que le gouvernement a aussi toujours en tête l'aspect social de la crise. "On paye l'épuisement de la population française soumise à des restrictions très fortes depuis longtemps. Il y a la logique épidémiologique et il y a la dimension sociale", reconnaît Samuel Alizon. 

"La gestion politique n'est pas la gestion sanitaire", réagit Jérôme Marty. "On a une population qui a souffert des restrictions depuis longtemps et qui voyait arriver les vacances comme un exutoire. Et on se prend le variant Delta. Je comprends le gouvernement, il faut bien qu'il y ait des soupapes, mais je pense qu'ils corrigeront", poursuit le médecin. Ce dernier se dit très inquiet face à "un virus extrêmement contaminant et qui va très vite".

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