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Covid-19 et festivals : "Pour nous, ce pass sanitaire reste une obligation vaccinale déguisée", dénonce le président du syndicat des musiques actuelles

Laurent Decès tire un bilan mitigé de cet été 2021 marqué par la réouverture des salles de spectacles, avec jauges et pass sanitaire. Selon lui, les petits festivals ont été très affectés par la présentation obligatoire du QR Code pour y accéder.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le festival Bon Moment, à la prairie de la Méchelle de Nancy, en juillet 2021. (LÉO LIMON / RADIO FRANCE)

"Pour nous, ce pass sanitaire reste une obligation vaccinale déguisée", a affirmé vendredi 20 août sur franceinfo Laurent Decès, président du syndicat des musiques actuelles et directeur de Petit Bain, salle de concert sur la Seine dans le 13ème arrondissement de Paris, alors que le festival We Love Green a annoncé son annulation la veille.

franceinfo : Comment se passe cet été 2021 pour les professionnels ? Le pass sanitaire a-t-il découragé des spectateurs ?

Laurent Decès : Il est mouvementé. Il y a eu énormément d'évolutions du cadre juridique. Le pass sanitaire a eu le mérite de permettre de maintenir des concerts avec une capacité d'accueil raisonnable, puisqu'en intérieur c'est 75% et en extérieur 100%, debout et sans le masque. C'est assez positif après de longs mois d'arrêt d'activité. Il met les organisateurs dans une situation extrêmement délicate. Notre rôle, en tant que professionnels du spectacle, est de rassembler tous les publics et on sait que ce pass est discriminant pour les personnes qui ne l'ont pas. Pour les contrôles, du personnel supplémentaire est mobilisé. On y arrive, c'est relativement fluide, le public est compréhensif. Ce qui est plus difficile à jauger, c'est la part du public qui décide, d'entrée de jeu, de ne pas se rendre sur place. On peut quand même le voir sur les baisses d'achat de billets.

"Les festivals de moins de 1000 personnes, qui ont finalement dû se soumettre au pass sanitaire, ont vu les ventes de billets s'arrêter net."

Laurent Decès, président du syndicat des musiques actuelles

à franceinfo

Au-delà de l'impact financier, se posent des questions éthiques de discrimination d'un public. On sait qu'ils ne vont pas pouvoir se faire tester tous les deux jours, en plus les tests vont devenir payants à l'automne. Pour nous, ce pass sanitaire reste une obligation vaccinale déguisée. L'État demande aux professionnels d'assumer une responsabilité qui ne leur incombe pas véritablement.

Comment avez-vous passé cet été dans votre établissement, Petit Bain ? Le pass sanitaire obligatoire pour les travailleurs au contact du public à partir du 30 août concerne-t-il vos salariés ?

On a organisé des concerts en extérieur, sur notre terrasse. On a dû soumettre le public au pass sanitaire, avec des réponses mitigées. Globalement, les publics sont compréhensifs, mais on voudrait que 100% des publics puissent venir. À partir du moment où on met en place ce pass sanitaire et où on fait les efforts de filtrer le public, autant nous laisser exploiter à 100% les jauges. Après l'obligation de vérifier le pass des publics, on devra vérifier le pass des salariés. Ça veut dire briser un secret médical, ce qui pose de nombreuses questions éthiques.

"Ça peut dire aussi précariser des salariés qui n'ont pas besoin de ça. Si on suspendait leur contrat de travail, ça les mettrait dans une situation très délicate."

Laurent Decès, directeur du Petit Bain, salle de concert à Paris

à franceinfo

Si demain, à Petit Bain, je dois suspendre le contrat par exemple de mon directeur technique parce qu'il n'a pas le pass sanitaire, ça met mon lieu dans une situation difficile en termes de pérennité de fonctionnement.

Quel est l'état d'esprit des professionnels du secteur pour la rentrée ?

Ils sont plutôt inquiets. On a eu énormément de vagues de reports et d'annulations de concerts, avec des grilles extrêmement remplies en fin d'année. On commence à observer de nouvelles annulations, de nouveaux reports, en raison de problèmes de circulation des artistes qui viennent de l'étranger. On est assez inquiet, et on espère que le gouvernement sera à nouveau au rendez-vous pour accompagner les professionnels dans les potentielles pertes d'exploitation à venir.

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