"On vient à peine de rouvrir qu'on nous tombe déjà dessus" : à Angoulême, des patrons de bar agacés par les menaces de fermeture administrative
Des tables rapprochées, des clients un peu trop collés-serrés... Depuis la réouverture des bars et des restaurants, les autorités guettent le non-respect des consignes de distanciation physique et menacent de sanctions. Exemple en Charente.
Il dirait que c'était "digne d'une Fête de la musique", "bien plus fort qu'un samedi soir" en tout cas. Quatre jours ont passé, et Pierre Allory est bien incapable de dire combien de personnes ont pu franchir les portes du Blues Rock, son bar du centre-ville d'Angoulême (Charente), à l'occasion de la réouverture post-confinement, mardi 2 juin. Une "bonne" première soirée, "avec du monde" et "une super ambiance". Le patron savoure : "Après quasiment deux mois de fermeture, ça se sentait que les gens étaient contents de revenir."
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Dans ces conditions, pas toujours simple de faire respecter toutes les mesures de distanciation physique mises en place pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. Des tables très rapprochées, des clients un peu trop collés-serrés... La mairie veille et n'apprécie guère. "On a parfois constaté un manque de vigilance, explique-t-elle à franceinfo, on voulait agir vite." C'est le moins que l'on puisse dire : "On a eu un coup de fil de la municipalité dès le mardi soir, raconte à franceinfo Philippe Lhomme, le vice-président de la fédération charentaise du Groupement national des indépendants (GNI). On nous faisait remarquer qu'il fallait mettre un peu d'ordre, que c'était limite à certains endroits." Le lendemain matin, rebelote. Nouvel avertissement, de la préfecture cette fois. "Ce n'étaient pas les mêmes mots mais c'était le même message, résume le restaurateur. On nous demandait de faire attention pour éviter d'en arriver à des fermetures administratives." Des propos démentis par la préfecture auprès de franceinfo.
"Nous nous faisons taper sur les doigts"
"Histoire que tout le monde soit bien au courant", Philippe Lhomme décide de relayer ce rappel à l'ordre directement sur son compte Facebook. "Chers collègues, faites respecter les protocoles qui vous ont été adressés. Pas de masques pour certains, aucune distance de sécurité, écrit-il. Je sais que c'est aléatoire tout ça. Nous nous faisons taper sur les doigts ce matin. Mairie, police, préfecture. Alors s'il vous plaît, avant qu'une décision administrative ne vienne faire refermer nos établissements, respectez les conditions."
Chers collègues Hier soir belle réouverture des bars et restaurants sur le plateau. Trop certainement. Faites respecter...
Publiée par Philippe Philippe Lhomme sur Mercredi 3 juin 2020
Car c'est ainsi : "Même si les gestes barrières liés à l'épidémie de coronavirus ne sont pas formalisés dans le droit, c'est bien aux établissements de veiller à leur bon respect, rappelle à franceinfo Laurent Bidault, avocat en droit public. Les préfectures, avec les mairies, peuvent s'appuyer sur le non-respect des règles d'hygiène et de salubrité publique pour sanctionner."
"Je ne peux pas être derrière tout le monde"
Derrière leur comptoir, certains professionnels de la ville l'ont un peu mauvaise. "On vient à peine de rouvrir qu'on nous tombe déjà dessus en brandissant la menace de la fermeture, grince Pierre Allory. On pourrait peut-être se calmer un peu et faire preuve d'un brin de souplesse, non ?" Puis, juste après : "A croire que des gens pensent qu'on fait n'importe quoi. Non ! L'épidémie, c'est quelque chose de sérieux, on le sait. C'est la santé des gens, la nôtre, celle de nos clients."
Depuis la réouverture, je passe beaucoup de temps à recadrer des clients, dire à l'un qu'il doit décaler sa chaise, dire à l'autre qu'il faut un masque pour aller aux toilettes à l'intérieur. Mais je ne peux pas être derrière tout le monde.
Pierre Allory, patron de barà franceinfo
Même agacement chez ce propriétaire d'un autre bar qui a contacté le live de franceinfo. "Madame la préfète nous menace de fermeture car les gestes ne sont pas respectés, peste-t-il. N'étant pas policier, je ne vais pas répéter 1 000 fois les consignes (quelquefois aberrantes) à une clientèle qui est ravie de nous revoir, et vice-versa. Je propose à madame la préfète de mettre un policier dans chaque établissement."
"C'est aussi aux clients de nous aider"
Toujours à Angoulême, toujours dans le quartier des Halles, le patron du Privilège estime que c'est aussi aux clients de se comporter "de manière responsable". "Ils doivent faire attention à nous et à nos entreprises, insiste Carlos Monteiro, vingt-sept ans dans le métier. Travailler dans des conditions comme ça, c'est très, très difficile."
Ce serait dommage qu'on gâche tout par des comportements égoïstes.
Carlos Monteiro, patron de barà franceinfo
Philippe Lhomme acquiesce. "Je ne dis pas que tout le monde fait tout bien, répète le numéro 2 du Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration dans le département. Mais ceux que je connais veulent bien faire les choses. C'est aussi aux clients de nous aider, Sinon, il va y avoir des drames. Si des établissements doivent fermer administrativement, ils mourront."
En Charente, le message semble en tout cas être passé. Depuis la réouverture des bars et des restaurants, aucune fermeture administrative n'a dû être prononcée dans le département, selon nos informations. La mairie d'Angoulême n'a pas non plus eu à prendre de sanction à ce jour. En revanche, elle nous indique vouloir "continuer à faire de la prévention toute la semaine sur le terrain".
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