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Vidéo "Le trafic a fait ce qu’aurait dû faire l’État !" : face au coronavirus, les favelas de Rio abandonnées aux gangs

Les populations des quartiers les plus défavorisés pointent les défaillances de la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement brésilien.

Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Santa Cruz, une des favelas de Rio de Janeiro (Brésil), le 21 mai 2020. (ELLAN LUSTOSA / MAXPPP)

Le chef du gang local de la favela de Penha nous donne son feu vert, mais il ne communiquera que par message audio. Il nous dit qu’il ressent les symptômes du coronavirus. Il se soigne avec un cocktail de médicaments pour pouvoir se remettre sur pied car c’est aussi lui qui fixe les règles de quarantaine dans le quartier pendant l’épidémie de coronavirus.

Dans cette favela de Rio de Janeiro, comme dans tant de quartiers délaissés par le gouvernement brésilien, la gestion de la crise sanitaire est entre les mains des organisations criminelles et des trafiquants de drogue. "Le trafic a fait ce qu’aurait dû faire l’Etat !", s'emporte Zein, un producteur culturel. En ce moment tout est à l’arrêt pour lui, alors il participe. Il aide à évacuer notamment les cadavres des habitations. Il s’est occupé de huit victimes du Covid-19 depuis le début de l’épidémie. "L’idée de ceux qui gouvernent, c’était que tout le monde soit contaminé ici, dénonce Zein. Mettre un cordon sanitaire autour de nous et dire à la police : 'Laissez-les mourir à l’intérieur !'"

Relancer l’économie à tout prix

Le Brésil recense une moyenne de 1 200 morts chaque jour. Avec un bilan officiel de 32 548 décès au 3 juin 2020, c'est le pays d'Amérique latine le plus durement frappé par l'épidémie. Pourtant, certaines villes comme Rio rouvrent progressivement les commerces. Au-delà des pharmacies et supermarchés restés ouverts, seuls les concessionnaires automobiles et les magasins de meubles et de décoration ont pu reprendre leurs activités, de même que les lieux de culte. Des décisions politiques contradictoires et confuses menées par le président d’extrême droite Jaïr Bolsonaro qui fait pression pour relancer l’économie malgré les victimes.

Jaïr Bolsonaro n’a jamais appelé les Brésiliens à rester confinés. Dans la favela, nombreux sont ceux qui se sont vus mourir. Après avoir été contaminée, Fabiana ne voit plus les choses de la même manière. "Je suis en faveur du gouvernement Bolsonaro mais j’ai mon propre point de vue, explique-t-elle désormais. Jamais je ne ferai ce qu’il est en train de faire : dire que l’on doit sortir, se réunir... Ça n’est pas possible ! C’est facile de parler du virus sans jamais en avoir ressenti les effets."  

Un sentiment d'abandon

Malgré le couvre-feu et l’obligation de porter un masque, impossible d’éviter la circulation et la promiscuité dans les ruelles de la favela de Penha. Ici le sentiment d’abandon est encore plus fort avec l’épidémie. Camila se sent humiliée. "Lui, en tant que président, c’est une merde ! s'emporte-t-elle. Il passe son temps à provoquer le chaos, la guerre entre les gens. Il ne fait absolument rien pour le peuple !" 

C’est honteux ce que fait le gouvernement ! Ils arrivent avec un petit sac, deux kilos de riz, un kilo de haricots. On va faire quoi avec ça ? C’est misérable !

Camila

à franceinfo

Difficultés d’accès aux soins et à la nourriture, chômage de masse qui se profile... Rares sont ceux qui doutent ici que bientôt un chaos social succédera à la crise sanitaire.

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