Le rendez-vous de la médiatrice. L'application de traçage StopCovid
L'application StopCovid est disponible sur Google Play et sur le magasin d'application d'Apple, depuis ce mardi 2 juin 2020. Pour en parler Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, reçoit Jérôme Colombain, journaliste spécialiste des nouvelles technologies à la rédaction de franceinfo.
Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France reçoit Jérôme Colombain, journaliste spécialiste des nouvelles technologies sur franceinfo pour parler de l’application StopCovid, l’appli de traçage disponible depuis mardi 2 juin.
Emmanuelle Daviet : un auditeur écrit : "On se demande pourquoi franceinfo sort l’artillerie lourde contre l’application StopCovid." Jérôme, vous avez largement couvert cette actualité, trouvez-vous cette critique justifiée ?
Jérôme Colombain : j’aurais plutôt craint qu’on nous fasse le reproche inverse, on a beaucoup relayé la communication du gouvernement sur cette affaire, mais en réalité, c’est toujours un peu la même chose, on essaie de rendre compte, de donner la parole aux deux facettes du débat. Car c’est véritablement devenu un débat, c’est assez curieux d’ailleurs.
Il y a des interrogations qui sont légitimes par rapport à l’application StopCovid, on a essayé d’être équitable au maximum. Par exemple, à une semaine d’intervalle, j’ai interviewé, Jean-Gabriel Ganascia, du Comité d’éthique du CNRS qui expliquait que refuser StopCovid c’était refuser le principe même de notre système de santé. Puis la semaine d’après, un hacker très pointu en système de sécurité qui disait que cette application ne servait à rien.
On est sur le fil du rasoir, c’est un sujet qui n’est pas très facile, parce qu’il est technique. Il n’est pas toujours facile d’expliquer les subtilités techniques. En réalité, c’est assez révélateur de nos peurs par rapport au numérique.
Où réside la difficulté en tant que journaliste pour parler d’une appli lorsqu’elle est en cours d’élaboration et que l’on n’a aucun recul pour l’évaluer et la juger ?
La juger ce n’est pas vraiment notre rôle. On avait malgré tout, l’exemple de ce qu’il s’est passé dans d’autres pays, par exemple l’Australie où l’application a été utilisée, mais n’a pas servi à grand chose, elle aurait détecté apparemment un cas de contamination au coronavirus.
On avait aussi l’exemple de certains pays asiatiques, en matière de vie privée, Singapour où il y a eu une vraie dérive, en matière de flicage des utilisateurs. Ce qui était intéressant, c’est de voir le dilemme auquel le gouvernement a dû faire face, car il y a avait une solution technique proposée par Apple et Google qui était très fiable techniquement mais qui posait un problème de souveraineté numérique. Le gouvernement a préféré choisir une solution 100% française, donc respectueuse de la souveraineté numérique, avec un serveur centralisé mais un peu moins respectueux de la vie privée.
On poursuit avec ce commentaire d’un auditeur : "Comme tous les médias, vous êtes les promoteurs de ce système, mais aussi les bénéficiaires, car ces données personnelles sont revendues par les GAFAs aux médias. Ayez l’honnêteté de le dire ouvertement." Que lui répondez-vous ?
Halte-là ! C’est n’importe quoi ! D’abord l’application elle-même ne capte pas les données. Ensuite, le rapport entre les GAFAs et les médias, oui il existe, mais il ne faut pas être dans l’idée que les GAFAs détroussent les gens pour engraisser les médias.
Il y a un débat actuellement, sur l’utilisation des données numériques privées, c’est important. Mais il y a beaucoup de confusion. Ce que veut dire cet auditeur, c’est qu’il y a des sites médias qui collectent des données de navigation, sur leurs pages web, pour analyser les comportements des lecteurs, pour cibler la publicité. C’est vrai ! Dans certains cas, c’est un peu abusif, en même temps, on a toujours analysé les comportements des lecteurs dans la presse, pour mieux affiner l’offre éditoriale et publicitaire, donc il n’y a pas de complot. Surtout cela n’a rien à voir avec StopCovid.
On termine avec la remarque lexicale d’un auditeur : "Le tracking est un mot constamment utilisé. C’est un anglicisme inutile car traçage ou traçabilité fonctionnent parfaitement." Jérôme Colombain, l’univers numérique est truffé de mots d’origine anglaise, est-il possible d’en limiter l’usage ?
Oui, je pense que c’est possible, mais pas toujours facile. Quand un nouveau mot arrive dans l’actualité, on est obligé de l’utiliser tel quel, pour être sûr que l’on parle tous de la même chose, car c’est souvent un terme technique, qui est nouveau dans le vocabulaire. On a dit "tracking" au début, puis après, on peut se permettre de franciser ces mots-là lorsqu’ils entrent dans le langage courant. Mieux vaut dire traçage. Je pense qu’on ne peut pas tout franciser. J’avoue qu’avec certains termes j’ai du mal : "couriel", "ordiphone" au lieu de smartphone, c’est tellement loin de la réalité des utilisateurs, que je me refuse la plupart du temps à les utiliser, ces mots-là.
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