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Lavage fréquent des mains, port ponctuel du masque : les gestes qu'il faudra conserver pour limiter les épidémies hivernales après le Covid-19

Franceinfo a interrogé des professionnels de santé sur les éventuelles pratiques à pérenniser après la pandémie actuelle.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des enfants se lavent les mains dans une école élémentaire de Lille (Nord), le 1er septembre 2020. (DENIS CHARLET / AFP)

"Ce qui se passe là est un peu extraordinaire." Christèle Gras-Le Guen, pédiatre à l'hôpital femme-enfant-adolescent au CHU de Nantes, ne manque pas de mots pour faire part de son étonnement face au net recul de la grippe, de la bronchiolite ou encore de la gastro-entérite depuis le début de l'automne. "Nous sommes à une période de l'année où, habituellement [à cause de la bronchiolite] nous augmentons le nombre de lits dans les urgences pédiatriques, où nous recrutons du monde, où des parents dorment dans les salles d'attente, explique la spécialiste. Cette année, nos services sont en sous-activité." Et d'insister : "C'est du jamais-vu, c'était inimaginable."

>> Grippe, bronchiolite, gastro : les médecins face à un automne-hiver "inédit", quasi indemne des maladies habituelles

Les médecins contactés par franceinfo s'accordent à dire que la faible activité des épidémies qui sévissent traditionnellement en hiver s'explique, en partie, par le respect des gestes barrières adoptés par l'ensemble de la population en raison de la pandémie de Covid-19.

Plusieurs facteurs peuvent avoir une incidence sur la baisse des habituelles maladies hivernales. Laurent Chambaud, directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), mentionne le fort taux de vaccination contre la grippe, le fait que nous ne soyons qu'au début du mois de janvier, ou encore la prédominance actuelle du Sars-CoV-2 – qui empêche d'autres virus d'émerger – et le fait que les déplacements soient moins fréquents qu'en temps normal. Il relève toutefois que les "gestes barrières sont probablement un élément majeur" dans la situation actuellement observée dans l'Hexagone. Franceinfo a interrogé plusieurs professionnels de santé sur les éventuelles pratiques à pérenniser après cette période de crise sanitaire.

Elémentaire mais souvent négligé : se laver les mains fréquemment

Si les spécialistes joints par franceinfo ne prônent pas un maintien des mesures barrières actuellement suivies tous les ans et toute l'année, ils estiment que certains gestes sont à pérenniser. A commencer par le lavage fréquent des mains, fondamental pour limiter les risques de contaminations manuportées. "On se rend compte qu'en y mettant un peu plus de rigueur, des gestes simples, comme le lavage des mains, s'avèrent très utiles en hiver et permettent d'éviter que tout le monde n'attrape la gastro-entérite. Parce que la gastro, ce n'est vraiment que le lavage des mains", rappelle Fabienne Kochert, présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa). "Cela fait des années que nous attirons l'attention dessus tous les ans, mais cela passait inaperçu", poursuit-elle.

"On avait l'impression que le niveau d'hygiène était bon, alors que non."

Fabienne Kochert, présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire

à franceinfo

"Nous avons probablement laissé de côté des choses qui nous paraissaient tellement basiques que l'on s'en préoccupait finalement peu", commente Laurent Chambaud. Pourtant fondamentale, l'hygiène des mains était négligée. Alors, "remettre dans les habitudes le lavage des mains" est une excellente chose, estime le médecin généraliste Jean-Louis Bensoussan, secrétaire général du syndicat de médecins généralistes MG France.

Au-delà de la redécouverte de l'efficacité de ce geste élémentaire, Christèle Gras-Le Guen considère qu'"un dogme est tombé". Selon elle, "nous réalisons que ce ne sont pas les enfants qui font le lit des maladies hivernales", alors que c'est justement ce qu'elle avait appris lors de ses études supérieures et ce qu'elle enseignait à ses étudiants. 

"Le rôle des adultes, que l'on avait peut-être sous-estimé, est bien primordial dans la diffusion des virus hivernaux."

Christèle Gras-Le Guen, pédiatre au CHU de Nantes

à franceinfo

"La bronchiolite concerne les tout-petits. Il n'y a pas de vaccin. A la crèche et dans les écoles maternelles, les enfants n'ont pas de masques, et ils sont trop petits pour utiliser du gel hydroalcoolique dix fois par jour, relève la pédiatre. Donc ce sont vraiment les mesures adoptées par les adultes autour d'eux qui sont responsables de cette spectaculaire baisse du nombre de malades."

Vécu comme une corvée : porter le masque de façon occasionnelle

Avec le lavage des mains, le port ponctuel du masque est considéré par les professionnels de santé comme une pratique qui aurait intérêt à être poursuivie. Il ne s'agit pas, insistent-ils, de l'imposer, ni même de le recommander tout le temps, ou encore en extérieur. Ils suggèrent d'y recourir si l'on est amené à côtoyer des personnes fragiles du fait de leur âge ou de leur maladie. Fabienne Kochert attire l'attention sur les personnes "aux deux extrêmes de la vie : les plus jeunes et les plus âgés". Pour elle, "le port du masque par les personnes qui encadrent les collectivités de jeunes enfants et de personnes âgées fragiles est une chose qu'il va falloir étudier"Pour l'ensemble de la population, les spécialistes préconisent le recours au masque si l'on a des symptômes, notamment en période hivernale.

"Il a toujours été conseillé, lorsque l'on a une infection respiratoire, qu'elle soit virale ou bactérienne, de porter un masque pour protéger les autres. Personne ne l'utilisait chez nous, mais, dans d'autres pays, c'est systématique."

Jean-Louis Bensoussan, médecin généraliste

à franceinfo

"On avait tendance à sourire en voyant nos concitoyens d'origine asiatique qui portent le masque plus facilement que nous, alors que c'est une évidence aujourd'hui : quand on est malade, il faut mettre un masque", renchérit Christèle Gras-Le Guen.

Toutefois, la pédiatre ne cache pas son scepticisme. D'après ce qu'elle entend en consultation, "les gestes barrières sont vécus par les patients comme une corvée, comme quelque chose de lourd". Laurent Chambaud se montre pour sa part plutôt optimiste. Selon lui, un "glissement culturel" semble possible en France après la période Covid-19. Le directeur de l'EHESP estime que porter un masque dans les transports en commun ou au travail sera plus facile car il sera moins vu comme une étrangeté, étant maintenant socialement accepté dans l'espace public.

En 2015, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) écrivait dans un rapport (PDF) sur "la prévention de la grippe et des infections respiratoires virales saisonnières" que les études n'avaient pas mis en évidence l'efficacité des "masques respiratoires en population générale".

Loin d'être respecté jusqu'à maintenant : réduire ses interactions sociales en cas de maladie

En plus du lavage fréquent des mains et du port du masque, Isabelle Bonmarin, responsable de l'unité prévention des risques infectieux et environnementaux chez Santé publique France, attire l'attention sur une autre pratique à entretenir : une certaine réduction des interactions sociales quand une maladie, même bénigne, se déclare.

"Ne pas aller voir le petit dernier de la famille qui vient de naître ni une personne fragile lorsque l'on a un rhume, ce n'était pas du tout partagé au sein de la population. J'espère qu'on gardera ce comportement."

Isabelle Bonmarin, Santé publique France

à franceinfo

"C'est ce que les pédiatres disent depuis longtemps, mais nous n'étions pas écoutés", lance Fabienne Kochert. Un changement des habitudes est peut-être toutefois envisageable.

Bien qu'elle soit éprouvante pour la santé mentale, la vie sociale, et particulièrement dévastatrice sur le plan économique, la période que nous traversons en raison de la pandémie est "importante" pour Philippe Vanhems. Ce professeur des universités et praticien hospitalier espère qu'elle permettra un "déclic" au sein de la population, en la sensibilisant à certaines questions de santé publique et de prévention.

"Il va falloir trouver un équilibre entre le côté contraignant des mesures, leur efficacité et le maintien d'activités importantes : les interactions sociales sont essentielles pour nous maintenir tous en bonne santé", tempère Isabelle Bonmarin. Et d'assurer : "Il serait complètement ridicule de tous se mettre dans des bulles pour éviter tout risque d'infection virale et d'épidémie."

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