L'amour au temps du coronavirus : en couple, séparés ou célibataires, vous nous avez ouvert votre cœur à l'heure du confinement
Comment s'aimer lorsqu'on reste enfermé chez soi ? A une période où tout semble être mis sur pause, franceinfo se plonge dans nos sentiments.
La France est confinée depuis le mardi 17 mars. Une épreuve qui perturbe le quotidien et l'intimité de chacun. Dans ces conditions très particulières, des couples font l'expérience de la vie commune pour la première fois. Une révélation pour certains, un enfer pour d'autres. Il y a aussi les relations qui devaient se concrétiser, mais qui restent coincées au stade virtuel. Des amoureux, officiels ou extra-conjugaux, séparés par les circonstances. Ou bien encore ceux qui vivent ensemble mais ne se supportent plus et qui, pourtant, doivent composer avec l'autre pour un temps indéterminé.
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Durant cette période historique, nos habitudes sont perturbées. Certaines vont disparaître, d'autres vont naître. Comment aime-t-on, comment drague-t-on en période de confinement ?
Autant de questions que nous vous posions dans un appel à témoignages. Vous avez été plus de 400 à y répondre, en moins de 24 heures. Sachez déjà que nous les avons tous lus, un à un. Des récits d'amoureux qui ont le confinement heureux, ou d'autres dont le cœur est brisé par la séparation, qu'elle soit choisie ou subie. Malheureusement, nous avons dû faire un choix pour n'en garder que quelques-uns et avons fait en sorte de prendre ceux qui, nous l'espérons, parleront au plus grand nombre. Bonne lecture !
Odette, 68 ans, en couple depuis 38 ans
"J'ai eu deux cancers et maintenant je suis handicapée. Jean-Pierre, mon mari, s'est occupé et continue de s'occuper de moi pendant tout ce temps. Je lui dois la vie, c'est grâce à lui que j'ai tenu. C'est quelqu'un d'adorable – parfois un peu colérique, mais nous avons tous nos défauts, non ? –, de très attentionné. Et très bon cuisinier, en plus de ça ! Nous nous complétons bien : je suis très angoissée et lui, même dans des moments difficiles comme le confinement, garde le moral. J'ai une chance inouïe de l'avoir rencontré. Avec l'épidémie, les rôles s'inversent : comme c'est lui qui va faire les courses, j'ai très peur qu'il tombe malade.
Je savais déjà qu'il était mon bonheur, mais je m'en rends d'autant plus compte en ce moment.
Odetteà franceinfo
Une chose est sûre, s'il lui arrivait quelque chose, il irait à pieds joints au paradis. Mais j'espère bien mourir avant lui ! Alors, je fais extrêmement attention pour qu'il applique les gestes préventifs : lavage de mains minutieux obligatoire après être allé en courses. Nos habitudes n'ont pas changé : nous sommes à la retraite, nous sommes souvent ensemble. Mais nous faisons des efforts pour être plus souriants et à l'écoute que d'habitude aussi. Et surtout, nous nous disons encore plus souvent à quel point nous nous aimons."
Coline, 25 ans, célibataire et bien contente de l'être
"J'ai essayé deux applications de rencontre en début d'année. Ça a abouti sur deux rencontres dans la 'vraie vie', mais je me suis rapidement rendu compte que je n'avais ni l'envie, ni l'énergie pour m'investir dans une relation. Je suis donc célibataire, entièrement par choix, depuis mi-janvier.
Le confinement me rend on ne peut plus heureuse : vu que je reste chez moi, je ne me mets plus la pression en mode 'il faut que je ressemble à une personne civilisée et que je rencontre quelqu'un'.
Colineà franceinfo
J'organise mes journées comme je veux, sans avoir à prendre en compte quelqu'un qui aimerait bien autre chose à la place, et c'est profondément libérateur. Quand je vois, sur les réseaux sociaux, les couples confinés ensemble, je suis contente pour eux si ça leur apporte une satisfaction, mais je sais que ce n'est pas pour moi en ce moment. Je ne regrette absolument pas de ne pas avoir cherché à ne pas être seule en cette période, au contraire : je me félicite d'avoir placé mon bien-être au premier plan plutôt que de chercher à répondre aux attentes de la société et aux injonctions à être en couple. Quand je ne télétravaille pas, je profite de mon temps pour me préparer de bons petits plats et laisser libre cours à ma créativité."
Eric, 42 ans, les difficultés de la famille recomposée
Nous aurions aimé être confinés ensemble, mais nos appartements respectifs sont trop petits pour accueillir cinq personnes à temps plein (moi et mes deux enfants, elle et son fils). Nous vivons donc séparément par la force des choses. Le manque est difficile et on ressent encore plus fort le besoin de se voir, de se câliner, de se réconforter et de se soutenir moralement. Nous avons tous les deux envie d'être là, d'être présent physiquement l'un pour l'autre.
Même si nous nous appelons beaucoup, rien ne remplace un sourire ou une caresse.
Ericà franceinfo
S'ajoute à cela la frustration d'être si proches géographiquement (6 km à peine, 10 minutes en voiture) et à la fois si éloignés. Chaque jour ou presque je lui écris une lettre, en évoquant un souvenir commun, une anecdote amusante que nous avons vécue, quelques mots romantiques ou drôles. Pour garder une trace palpable de cette épreuve et de notre éloignement forcé, mais aussi car j'aime lui écrire et elle aime me lire. Une manière de conserver finalement un souvenir commun qui sera positif quand tout cela sera derrière nous."
Rachel, 45 ans, en couple mais seule
"Un sujet délicat a éclaté en dispute juste avant le confinement : notre emménagement commun, qui devait avoir lieu début mai. Vu comme c'est parti, le confinement peut remettre en cause notre emménagement – et pas seulement pour des questions pratiques. Pris par l'urgence de la situation, nous n'en parlons plus. Nous sommes confinés, ce n'est plus le sujet du moment. Pourtant, c'est un sujet primordial pour moi. Le fait que nous n'ayons même pas réfléchi à être confinés ensemble, même si cela semble compliqué, me semble aussi dire quelque chose de notre relation... Avec ce sujet, qui me reste en travers de la gorge, je n'arrive plus à répondre à ses appels.
Cette expérience met notre relation à l'épreuve de la réalité. Et la réalité, c'est que nous n'habitons pas ensemble.
Rachelà franceinfo
Donc quand quelque chose d'aussi imprévu que le confinement arrive, notre relation est comme à l'arrêt, à cause d'un désaccord. Surmonterons-nous cette période à distance ? Cela me semble complexe."
Fabrice, 38 ans, accro aux SMS
"Nous venions de nous rencontrer quand le confinement a été déclaré. C'est très fusionnel ! Nous n'avons pas pu être ensemble pour vivre cette épreuve, alors nous compensons avec des SMS – plus de 200 chaque jour ! Le premier au réveil, le dernier dans un demi-sommeil, tard le soir. On se projette virtuellement. Nous évitons les appels et préférons les messages : comme notre relation est toute nouvelle, nous préférons cette option, moins intrusive, qui est libre de réponse. Nous échangeons des photos de notre quotidien, également. Certes, c'est un jeu de brainstorming pour se renouveler, et éviter les interprétations. Mais ça entretient la séduction des (tout) débuts.
Et bien sûr, il y a les sextos...
Fabriceà franceinfo
C'est très rigolo car nos personnalités s'inversent complètement à ce moment : moi qui suis 'dans la vraie vie' très 'nature' et cash, je prends des pincettes et elle, douce et politiquement correcte, se lâche complètement ! Notre deuxième rendez-vous avait été génial, et on sait déjà que l'on se reverra à la fin du confinement."
Gisèle, 45 ans, retournée vivre avec son ex pour les enfants
"Depuis le début du confinement, je suis retournée vivre avec mon ex-mari. Comme nous nous entendons bien, ça nous a semblé plus simple pour la garde alternée de nos enfants. Evidemment, ce n'est pas toujours facile. Le fait que mon ex-mari ait une grande maison aide beaucoup. Et je fais partie des personnes qui vont au travail, étant salariée dans une entreprise qui fabrique du gel hydroalcoolique. Ça nous laisse respirer un peu. Quant à mon compagnon, la jalousie envers mon ex n'est absolument pas sujette à disputes : c'est acquis depuis des années que nous nous entendons bien.
Ça a été très compliqué au début, mais pour de tout autres raisons. Mon ex faisait partie de ces personnes qui ne respectaient ou ne comprenaient pas les consignes.
Gisèleà franceinfo
Il s'y est mis petit à petit. Je dirais que, globalement, c'est une expérience extrêmement enrichissante et rare – du moins, j'espère !"
Carole, 44 ans, en couple depuis 25 ans
"En temps normal, mon conjoint et moi-même vivons à Annecy. J'ai rejoint mes parents dans le Jura (notre département natal) pour le confinement. Moi, j'aide mon père à m'occuper de ma mère, malade d'Alzheimer et qui n'y arrive plus depuis que les aides à domicile sont en arrêt. Mon conjoint est quant à lui chez ses parents, à quelques kilomètres de là. Bien que nous soyons proches, mon chéri me manque beaucoup. En temps normal nous vivons et travaillons ensemble 24h/24, puisque nous sommes indépendants. Au début du confinement, nous avons réussi à nous rejoindre à vélo, tous les deux jours, dans des endroits déserts de la petite ville où vivent nos parents. Nous avons déjà été séparés pour diverses raisons (voyages professionnels par exemple), mais ce que nous vivons est différent.
Ce confinement amène une autre dimension... plus angoissante et tragique, mais romantique aussi.
Caroleà franceinfo
Nous nous posons beaucoup de questions : 'Et si je ne pouvais plus jamais le revoir ? Et si l'un de nous deux tombait malade ?' Quand je l'attends lors de nos 'rendez-vous clandestins', je suis comme une adolescente. A la fois excitée de le retrouver et angoissée à l'idée d'être séparée de lui à nouveau. Désormais, nous allons certainement arrêter nos 'mini-retrouvailles' car nous souhaitons respecter le confinement. Ça va être très difficile. Mais nous nous aimons depuis plus de vingt-cinq ans et ce confinement renforce encore plus notre amour."
Annabelle, 24 ans, obligée d'éviter tout contact physique
"Je suis infirmière en réanimation néonatale. Mon conjoint est éducateur spécialisé, donc il travaille davantage depuis que les adolescents n'ont plus cours. Nous nous voyons encore moins qu'avant. Pour nous qui d'habitude partageons tout, c'est très compliqué : l'ambiance anxiogène donne lieu à des difficultés relationnelles. Et puis on doit forcément redoubler de précautions et éviter au maximum les contacts physiques : on se lave les mains encore plus que de besoin, on change de vêtements sur le pas de la porte en rentrant du travail, on ne boit plus dans le verre de l'autre comme ça pouvait nous arriver de le faire, on ne se fait qu'un bisou de temps en temps, sur le front… Je ne peux pas prendre le risque de transmettre le Covid-19 à mes petits patients, des bébés prématurés de 500 grammes ! Sachant que nous sommes moralement épuisés par nos boulots, c'est très compliqué."
On se sent un peu seuls alors que l'on vit ensemble.
Annabelleà franceinfo
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