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Infographies Films reportés, box-office sinistré... Quand le coronavirus plonge Hollywood dans un scénario catastrophe

Depuis quatre mois, le cinéma américain est touché de plein fouet par la crise provoquée par le Covid-19, tandis que l'évolution de l'épidémie ne laisse guère d'espoir pour un retour rapide à la normale.

Article rédigé par Brice Le Borgne
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Il était prévu pour le 25 mars. Mais coronavirus oblige, il a été décalé au 22 juillet. Puis au 19 août. Avant d'être une nouvelle fois reporté, à une date indéterminée. Quand le film Mulan sera-t-il diffusé en salles ? La date est inconnue, mais le film sera d'abord disponible en streaming, ont annoncé les producteurs mardi 5 août. Ces derniers mois, les studios Disney n'ont pu avancer qu'à tâtons, illustrant la crise que traverse le cinéma américain. 

Même des projets à plus long terme, comme les nouveaux volets de Star Wars ou d'Avatar, ont été repoussés. Dans un tweet, le coproducteur et réalisateur d'Avatar, James Cameron, a indiqué que la pandémie empêchait la reprise du travail sur les effets spéciaux. D'autres grands studios sont aussi touchés par cette crise inédite. La sortie du nouveau James Bond, No Time to Die, prévue en avril par la MGM, a ainsi été reportée à l'automne. Hollywood et ses millions d'emplois sont durement frappés par le tarissement des productions d'un côté et celui des spectateurs de l'autre.

Des reports de sorties en cascade 

D'après nos calculs, basés sur un suivi très détaillé réalisé par le site américain The Numbers (article en anglais), les productions américaines ont annoncé 300 reports de films entre mars et mai 2020, contre une quarantaine par mois en temps normal.  

L'évolution de l'épidémie aux Etats-Unis rend les conditions de tournage très instables et les prévisions très difficiles. Comme au niveau national, le Covid-19 continue sa progression en Californie, qui fut le premier Etat à imposer un confinement général fin mars. A Los Angeles, berceau d'Hollywood, on dénombrait 176 000 cas et 4 375 morts au 28 juillet.

Sur place, des dirigeants de sociétés de production témoignent, dans le journal Variety (article en anglais), d'une anxiété généralisée. Les trois derniers mois, racontent-ils, ont tourné autour de la même inquiétude, du même dilemme : reprendre la production ou la laisser à l'arrêt par précaution sanitaire. Pour ceux qui franchissent le pas, reprendre même partiellement les tournages a un coût : les studios Pinewood Atlanta (Avengers, Captain America), situés dans l'Etat de Géorgie, ont investi plus d'un million de dollars en mesures sanitaires pour réduire les risques pour leurs salariés. Ou encore, le 17 juin, le tournage du feuilleton The Bold and the Beautiful (Amour, gloire et beauté, en VF), de CBS, a dû stopper seulement un jour après la reprise, à la suite de plusieurs tests positifs au Covid-19.

Un nombre de nouveautés proche du néant

Corollaire de l'arrêt des tournages et des annonces de reports, le nombre de nouveaux films à l'affiche s'est réduit à la portion congrue. Alors que le nombre de sorties américaines oscillait entre 80 et 120 nouvelles productions hebdomadaires depuis l'été 2019, il a frôlé le zéro en mars, avant de remonter à une dizaine de nouveaux films par semaine à la fin juin, d'après les données du site Box Office Mojo (en anglais).

Il faut dire que les salles des chaînes de cinémas AMC, Regal et Cinemark ont totalement fermé. A la mi-juillet, les médias américains estimaient (article en anglais) que seulement 17% des salles obscures étaient ouvertes dans le pays. Et les quelque 300 "drive-in", où les spectateurs assistent au film en restant dans leur voiture, sont loin de compenser cette situation. Pour la filière, les dommages sont énormes.

Le crash du box-office

Les revenus du box-office américain se sont effondrés ces derniers mois, passant de centaines de millions de dollars hebdomadaires à... à peine plus de 5 000 dollars à la mi-mars. En juin, ces revenus dépassaient difficilement les 700 000 dollars, et le regain de l'épidémie a douché les espoirs de retour rapide à la normale. Le 13 juillet, le gouverneur de Californie a ordonné un reconfinement partiel, incluant la fermeture, de nouveau, des cinémas.

La société américaine AMC Entertainment, une des plus grandes chaînes de cinémas au monde, a vu son action perdre les deux tiers de sa valeur début mars. Elle enregistre une perte de 2,2 milliards de dollars pour le premier trimestre 2020, comme le rapportait le Wall Street Journal (article en anglais) alors que l'entreprise avait connu des chiffres encourageants pour les deux premiers mois de 2020. "Nous vivons une période sans précédent", déplore Adam Aron, PDG d'AMC.

Pressés de rouvrir leurs portes pour tenter d'endiguer la crise, les grandes chaînes de cinéma ont annoncé, et reporté, des réouvertures partielles au cours de l'été. D'abord prévue pour la mi-juillet, la réouverture des salles d'AMC a été reportée à la mi-août. Cinemark prévoyait de reprendre les projections dans quelques cinémas fin juillet, et Regal a annoncé une reprise le 21 août.

Dans sa chute, Hollywood risque d'entraîner le cinéma occidental, qu'il a l'habitude d'alimenter. En France, les patrons de salles tirent la sonnette d'alarme. Pour Richard Patry, le président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), interrogé par franceinfo, la très faible fréquentation des cinémas français s'explique par la quasi-disparition des longs-métrages américains. "Il y a des films français, mais il n'y a aucun film américain", alors que l'été, les cinémas font "70% des entrées sur les films américains". Mêmes craintes outre-Manche, où les retards des films américains mettent aussi en péril le futur des salles obscures britanniques.

Plus généralement, la crise liée au Covid-19 a accéléré des changements majeurs que subissait le secteur du cinéma depuis des décennies. C'est du moins le point de vue de Stefan Hall, économiste spécialiste des médias de divertissement pour le Forum économique mondial (article en anglais). La baisse d'affluence dans les salles obscures, la compétitivité galopante du streaming sont autant de tendances lourdes que le Covid-19 n'a fait que catalyser. De même que la réduction de la "fenêtre cinéma", période durant laquelle un film n'est disponible qu'en salles, avant d'avoir sa version DVD ou streaming. A ce titre, la diffusion de Mulan en streaming avant de sortir, peut-être, dans les salles, est une décision unique. Avant la pandémie, les studios de cinéma attendaient traditionnellement 90 jours pour diffuser leurs films sur les plateformes en ligne après leur sortie en salle.

"Ces problèmes, combinés au coup supplémentaire porté par le Covid-19, risquent d'être trop importants pour renverser la tendance", craint Stefan Hall. "En revanche, Hollywood est toujours l'industrie du cinéma la plus avancée au monde. Même en mettant en place des protocoles sanitaires, elle devrait maintenir un environnement très porteur pour la filière", espère-t-il.

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