"Il vaut mieux les voir là que dans les halls" : à Marseille, les associations sportives de quartier attendent l'assouplissement des règles
Les salles de sport attendent les nouvelles annonces du Premier ministre, jeudi, avec une certaine impatience. Dans les quartiers populaires de Marseille, on espère aussi des directives plus souples.
Alors que les tournois de foot sauvages se multiplient un peu partout dans les cités françaises, notamment à Marseille, les associations de quartier attendent du gouvernement des directives pour reprendre leur travail de terrain avec, déjà, de fortes demandes pour cet été. Le sport est souvent leur porte d’entrée pour renouer le dialogue avec les jeunes.
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À Marseille, cela fait déjà quelques semaines que des tournois de foot ont lieu, surtout le soir, au pied des immeubles, souvent même au seul éclairage de la lune, décrivent les habitants. La journée, sous le cagnard, ce sont de plus petits groupes qui jouent dès qu’un bout de terrain se présente. Impossible de résister : "C’est obligé sinon on s’ennuie. Et puis on retrouve les copains. La compétition nous a manqué aussi", nous expliquent-ils. Et quand on leur fait remarquer les gestes barrières à respecter, la réponse fuse : "On fait attention, on a confiance en nous, on reste entre nous", déclare Jimmy, en train de jouer au basket, sur l’un des terrains en dur du quartier de la Pomme.
Parfois, comme au citystade Félix Pyat, les parents sont là pour les regarder, presque soulagés finalement, malgré l’interdiction de la pratique et le risque, de les voir occuper : "On peut dire que c’est presque vital", explique Sendie. "Parce qu’ils s’ennuient, ils sont livrés à eux-mêmes et il vaut mieux les voir là que dans les bâtiments ou les halls en train de…" renchérit Moussa, "parce qu’en général, quand ils restent trop à la maison, ils finissent par faire des bêtises", complète Sendie.
L’urgence de pouvoir reprendre des activités sportives encadrées
Les bêtises, c’est la crainte aussi des associations de terrain, comme Synergie Family. Naïm Zriouel, son directeur général adjoint, connaît parfaitement la situation dans les quartiers Nord de la ville, les quartiers dits "prioritaires". Il ne cautionne pas mais comprend : "Finalement, il faut y voir un aspect optimiste. Il faut se dire qu’une heure de foot pour un jeune, il se prépare, il va jouer, il va discuter, c’est tout un temps qui contribue à la paix sociale."
Je comprends ceux qui sont indignés par rapport aux consignes sanitaires. Et d’un autre côté, je comprends aussi complètement les jeunes qui n’ont que cela pour se dépenser.
Naïm Zriouel, association Synergie Family à Marseilleà franceinfo
L’école pourrait jouer un rôle aussi dans ce temps particulier mais très peu de jeunes y sont retournés. C'est le problème qu'a constaté Mathilde Lasnon, responsable d’insertion professionnelle avec l’association Sport dans la Ville, au cœur de Frais Vallon, une cité du 13e arrondissement. "En interrogeant les familles, en téléphonant aux parents, les trois-quarts n’ont pas remis leurs enfants à l’école pour diverses raisons, par crainte du coronavirus ou autres. Du coup, le sport peut être un moyen de recréer le lien avec les jeunes, dans les quartiers", dit-elle.
Mathilde redoute sinon que le nombre de décrocheurs n’aille en s’accélérant jusqu’à la prochaine rentrée. Il y a donc urgence à reprendre des activités sportives encadrées, souligne Valérie Martin, directrice régionale de l’association, avec en ligne de mire, explique-t-elle, un été très particulier à gérer : "On a à peu près 20% des jeunes de ces quartiers qui partent dans leur famille d’origine tous les étés. Je pense que cette année, cela va être réduit. Et puis, il y a aussi les centres sociaux qui, avec les règles sanitaires, vont avoir aussi des capacités d’accueil réduites."
Oui, il y a urgence à ce que cela se mette en place et encore plus à ce qu’on sache ce qu’on peut faire.
Valérie Martin, association Sport dans la Villeà franceinfo
"Là, on le voit, il y a de plus en plus de jeunes qui sont décalés dans leurs horaires, qui vivent la nuit et dorment le jour. Une activité sportive leur permettra de reprendre des horaires, de se dépenser et donc d’être fatigués le soir, de recréer des liens aussi et de leur redonner de la joie". Et Mathilde de nous raconter comment, via le sport et le terrain de football, elle a pu engager le dialogue avec ces jeunes, leur redonner un cadre puis de travailler ensuite l’accompagnement scolaire, la recherche de formation ou d’emploi parce que, grâce au sport, ils lui ont fait confiance.
Les associations préparent leur plan pour cet été et les "quartiers d’été"
En conséquence et en attendant d’avoir des consignes claires du gouvernement, toutes les associations ont prévu de renforcer leur présence durant tout l’été. Avec ses éducateurs sportifs, Sport dans la Ville souhaite proposer des activités tous les après-midi des mois de juillet et août. Après-midis avec du sport au cœur des quartiers, des sports collectifs si possible mais l’association réfléchit aussi à des cours de crossfit et de danse, les deux autres journées seraient consacrées à des sorties dans la région, comme dans les calanques grâce à ses partenaires.
Synergie Family va, elle, sortir encore plus des centres qu’elles gèrent pour aller proposer toutes sortes d’activités au pied même des immeubles. Naïm Zriouel évoque ce projet où des cours de yoga seront proposés aux parents pendant que les enfants seront occupés par des activités éducatives, pour permettre aux parents aussi de se dépenser et de souffler.
À Marseille, une réunion est d’ores et déjà prévue début juin avec les institutions locales pour se coordonner au mieux. Pendant ce temps-là, les ministères des Sports et de la Ville travaillent également avec les fédérations sportives pour les inciter elles aussi à la pratique hors les murs, au cœur des quartiers dès cet été. Des annonces sont espérées dans la foulée.
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