"Il faut aller là où l'air se renouvelle le plus souvent" : un professeur de médecine défend la réouverture des parcs et jardins
Pour Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l'université Paris-Descartes, il faut "ouvrir les espaces qui ne sont pas confinés" car c'est là que le risque est le moindre. Et si le coronavirus est toujours présent, sa circulation est bien plus faible qu'en mars ou avril.
France des plages ouvertes contre France des parcs fermés... Les espaces verts dans les grandes villes restent pour la plupart interdits d'accès, dans les départements classés en zone rouge, malgré le déconfinement. À l'inverse, les plages sont pour la plupart rouvertes. "Il faut ouvrir les espaces qui ne sont pas confinés, les bois, les parcs" pour éviter des rassemblements massifs en ville, explique pourtant Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l'université de Paris-Descartes et directeur de l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (Irmes). "Les plages sont les endroits où on a le moins de chance d'être contaminé et elles n'auraient pas dû être fermées."
Selon Jean-François Toussaint, en phase de déconfinement, le critère qui doit guider les décisions est la circulation du virus. "On sait qu'il a diminué de 95% par rapport aux maxima de fin mars, début avril, et donc le risque est moindre", explique-t-il. Si les parcs restent pourtant fermés en zone rouge, c'est parce qu'il "se maintient une forme de peur, d'inquiétude massive." Pourtant, Jean-François Toussaint se veut optimiste : même si l'hypothèse d'un rebond n'est pas à écarter, "partout, on voit des effets de diminution de la maladie".
franceinfo : D'un point de vue sanitaire, comprenez-vous que des parcs municipaux restent fermés dans les villes des départements en zone rouge ?
Jean-François Toussaint : L'évaluation du risque, c'est le seul facteur qui doit tenir la conduite des décisions. Or, les plages, par exemple, sont les endroits où l'on a le moins de chance de se contaminer. Elles n'auraient pas dû être fermées. C'est d'ailleurs Eric Caumes [chef du service des maladies Infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière] qui le disait : il ne faut pas laisser les personnes dans des endroits confinés, il faut au contraire aller là où l'air se renouvelle le plus souvent. Il n'y a pas d'autre endroit que les plages pour voir un tel renouvellement. Pour les parcs, les parcs nationaux, les forêts, ces endroits où vous ne croisiez personne pendant la phase de confinement, c'est la même chose. Au moment du déconfinement, la seule inquiétude est celle de la circulation du virus. On sait qu'il a diminué de 95% par rapport aux maxima de fin mars début avril. Et de la même façon, le risque est moindre : il est toujours présent et il n'est pas nul, mais il est beaucoup plus faible. Il faut voir ensuite quelles sont les populations à risque, quelles sont les populations vulnérables, quels sont les gens qui risquent de développer les formes sévères.
Ce qui focalise l'attention, ce sont les parcs en ville, à Paris, notamment. Ces parcs-là sont fermés, ce qui fait qu'il y a une forte densité dans les rues de Paris. Faudrait-il les rouvrir ou non ?
Si on voit la question sous l'angle de la propagation, on comprend que sur le boulevard Richard-Lenoir, par exemple, toutes les personnes se retrouvent agglutinées au milieu du terre-plein central du boulevard, sur lequel les enfants, les personnes âgées, tout le monde, se retrouve dans des conditions de densité beaucoup trop importantes. Alors à ce moment-là, il faut reconfiner ! Ce n'est pas du tout la chose qu'il faut faire maintenant, c'est au contraire d'ouvrir les espaces qui ne sont pas confinés : les bois, les parcs... Et l'ensemble de ces éléments qui doivent être considérés par rapport aux seuls risques.
Qu'est-ce qui inquiète tant le gouvernement ? Pourquoi maintient-il cette fermeture des parcs dans les zones rouges, à Paris ou à Strasbourg ?
Il se maintient une forme de peur, d'inquiétude massive par rapport au mois de mars. Nous ne sommes plus au mois de mars : au mois de mai, la circulation du virus a diminué de 95%, les formes sévères sont très rarement présentes, et on voit des effets de plus en plus faibles de la maladie dans l'ensemble des pays européens. Dans l'ensemble du monde, la mortalité a réduit de 50% par rapport aux maxima du 16 avril. Partout, on voit des effets de diminution de la maladie. Elle a même cessé dans cinquante pays et régions du monde.
Pour vous, l'épidémie est en train de se terminer, comme le dit par exemple le professeur Didier Raoult, ou c'est le confinement et les gestes barrières qui ont évité ou vont éviter une deuxième vague ?
C'est ce qui focalise notre attention. L'hypothèse la plus probable est celle qu'elle se termine maintenant. Cinquante pays comme la Nouvelle-Zélande, par exemple, ou plus proche de nous, l'Albanie, n'ont vu aucun cas de contamination, aucun décès depuis trois semaines. Si c'est le cas chez nous, comme dans ces cinquante pays, alors on va voir l'épidémie s'arrêter.
Vous considérez qu'un rebond aujourd'hui est à exclure ?
Non. C'est une hypothèse à retenir, mais une hypothèse parmi toutes les autres. Les effets des gestes de distanciation ont été extrêmement importants. C'est ceux-là qui ont permis de réduire la transmission. L'effet du confinement n'est pas certain du tout. Les pays qui n'ont pas confiné ont eu beaucoup moins de décès qu'il n'était attendu. Le point le plus important maintenant est de regarder le risque réel aujourd'hui. Et ce risque a considérablement diminué.
Il y a aussi l'hypothèse avancée, avec des cas dès l'automne dernier en France, que nous ayons en fait déjà subi cette deuxième vague.
Plus exactement, ce sont deux phases différentes de la maladie. Une phase de diffusion qui est sous le radar, qu'on ne détecte pas et qui, probablement, remonte à l'automne 2019 dans le monde entier, avec la circulation sur les voies touristiques et les voies commerciales. Des échanges avec la Chine, très probablement. Et c'est ensuite au printemps que les phases exponentielles, les phases explosives vont apparaître : en janvier en Asie, en Iran ensuite, en février en Italie, puis en mars en France, en Espagne et dans tous les pays européens. Cette propagation du virus nous donne l'idée que la situation était probablement en place très en amont, très longtemps avant.
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