En Serbie, l'information victime de l'épidémie de coronavirus
Dans ce pays du sud-est de l’Europe, la situation sanitaire s’est aggravée. On compte selon le dernier bilan 2 447 cas et 61 décès. Et une victime supplémentaire : la liberté de la presse.
Informer sur la situation sanitaire n’est pas facile en ce moment en Serbie. Une journaliste a même été arrêtée la semaine dernière, quelques heures seulement après avoir publié un reportage sur la situation chaotique dans une clinique du nord du pays. Dans son article, cette journaliste du site d’information indépendant Nova, Ana Lalic, rapportait les inquiétudes du personnel soignant : des médecins et urgentistes affirmaient que l'institution était complètement désorganisée et manquait d'équipements de base pour faire face à l'épidémie de coronavirus. Faute de masques de protection, certaines infirmières avaient même refusé de travailler. Interpellée chez elle, la journaliste a été placée en garde à vue pour 48 heures, mais sous la pression de la société civile, elle a été libérée le lendemain.
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Le gouvernement tente de contrôler l'information sur l'épidémie
Sous prétexte de lutter contre les fausses informations, le gouvernement a tenté d'imposer une mesure interdisant à tous les établissements médicaux et les cellules de crises régionales de parler directement aux médias. Toute l’information sur la situation sanitaire du pays devait être centralisée auprès de la Première ministre, Ana Brnabic. Mais après la polémique suscitée par l’arrestation de la journaliste, la cheffe du gouvernement a fait volte-face, et annoncé la suppression de cette mesure. Mais, selon la journalise d’investigation Milica Saric, cette affaire est un signal d’avertissement envoyé aux journalistes : "Cela a des conséquences, pas seulement pour le ou la journaliste qui se fait arrêter mais aussi pour tous les autres. Les autorités envoient un message : 'Faites attention à ce que vous racontez, à qui vous parlez et ce que vous publiez'." Pour faire face à la pandémie, le gouvernement serbe a instauré l’état d’urgence et restreint les libertés le 15 mars dernier.
La presse régulièrement mise en cause par le pouvoir
À la fin des années 1990, en pleine guerre du Kosovo, l’actuel président serbe, Aleksandar Vučić, était le ministre de l’Information du dirigeant ultra-nationaliste Slobodan Milosevic. Depuis son arrivée au sommet du pouvoir il y a cinq ans, Aleksandar Vučić s’en prend régulièrement aux journalistes indépendants et il est lui-même accusé de relayer de fausses informations. Sous le feu des critiques pour sa gestion de la pandémie, le président serbe a trouvé ces jours-ci un nouveau bouc émissaire : il a accusé les dizaines de milliers d’émigrés serbes revenus au pays d’être responsables de l’expansion du virus. Les médias pro-gouvernementaux ont relayé ces accusations, en évoquant le chiffre de 3 % de personnes revenues infectées par le virus. Un chiffre impossible à vérifier puisque le pays n’a pas les capacités de tester massivement sa population.
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