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Covid-19 : pourquoi certains arrêtés imposant le masque à l'extérieur sont-ils retoqués par la justice ?

Le tribunal administratif du Bas-Rhin s'est prononcé mercredi contre l'obligation généralisée de porter un masque à Strasbourg et dans 12 autres villes du département. Une quinzaine de recours semblables ont été déposés en France.

Article rédigé par franceinfo avec AFP - Coline Renault
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A Bordeaux, le port du masque est obligatoire dans les rues commerçantes depuis le 15 août 2020. (LAURENT PERPIGNA IBAN / HANS LUCAS / AFP)

Les anti-masques se réjouissent : le tribunal administratif du Bas-Rhin a demandé à la préfète, mercredi 2 septembre, de réécrire son arrêté imposant de porter le masque en extérieur dans la métropole de Strasbourg et dans 12 autres grandes villes du département. Cet arrêté préfectoral du 28 août visait à lutter contre l'épidémie de Covid-19, qui a fait plus de 7 000 nouveaux cas positifs ces dernières 24 heures en France.

Le juge a estimé qu'il n'était pas légal d'exposer les administrés non masqués à une amende en tout lieu et à toute heure du jour et de la nuit. En France, 13 200 communes de 88 départements ont généralisé le port du masque obligatoire à l'extérieur, d'après Le Monde. A Marseille, Lyon, Nice ou Paris, une quinzaine de recours contre cette mesure ont été déposés. Les décisions de ce type pourraient donc se multiplier.

Pas de consensus scientifique 

D'abord déconseillé à l'intérieur − hormis pour les professionnels de santé et les proches des malades , ensuite obligatoire dans les lieux clos, puis dans certaines rues, et finalement partout à l'extérieur : le port du masque à l'air libre ne fait l'objet d'aucun consensus scientifique. Le gouvernement a régulièrement changé d'avis à ce sujet. Le protocole sanitaire dans les entreprises prévoit même des exceptions au principe du port du masque obligatoire, même celui-ci est obligatoire dans les rues de la ville.

Le sujet "sème la confusion", regrette le collectif Victimes Coronavirus France, qui a déposé une quinzaine de recours auprès des tribunaux administratifs. "Une mesure qui n'est pas comprise ne sera jamais appliquée, explique à BFMTV Fabrice Di Vizio, avocat du collectif. Les gens ont peur, et on est dans une hystérie collective depuis le début de la pandémie. (…) Il n'est pas normal qu'une personne qui se promène seule dans la rue soit verbalisée parce qu'elle n'a pas son masque. Parfois même, on peut être verbalisé si on n'a pas le masque seul dans sa voiture, comme à Nice. C'est complètement incohérent." L'obligation du port du masque est-elle légale ? Le collectif demande à la justice de statuer une bonne fois pour toute sur l'utilité de porter le masque à l'extérieur, afin de rendre la consigne plus intelligible, donc plus efficace.

Des arrêtés "trop généraux" au regard de la loi

Le juge administratif de Strasbourg a estimé que l'arrêté préfectoral "porte une atteinte immédiate à la liberté d'aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer". Attention, il ne s'agit pas d'envoyer le masque aux oubliettes, mais d'une disposition légale qui contraint le préfet du Bas-Rhin à préciser son arrêté. Selon le tribunal administratif, la mesure devra dispenser du port du masque obligatoire les lieux et les plages horaires qui ne présentent pas une "forte densité de population" ou des "circonstances locales susceptibles de  favoriser la diffusion" de l'épidémie. La préfète du Bas-Rhin a jusqu'au lundi 7 septembre pour réécrire son arrêté, auquel cas celui-ci sera annulé. 

Les autres tribunaux administratifs saisis pourraient prendre une décision semblable, car les arrêtés préfectoraux ou municipaux concernant le port du masque obligatoire doivent répondre à un principe de droit public fondamental : la proportionnalité, explique Jason Graindepice, maître de conférences en droit administratif à Sciences Po. "Ce principe de droit public implique que toute restriction de liberté doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché, détaille-t-il. La liberté est la règle, la restriction, l'exception. Une décision réglementaire doit trouver l'équilibre entre agir pour l'ordre ou la salubrité publique, sans trop atteindre les libertés." 

Ce principe permet d'éviter des lois trop générales ou trop absolues. "En l'occurrence, le juge a trouvé qu'il était trop général dans le Bas-Rhin d'obliger les gens à porter un masque partout, et tout le temps, proportionnellement aux risques", précise Jason Graindepice. Il ne serait donc pas légal d'obliger un passant qui sort seul son chien à minuit à porter un masque. Au risque de multiplier les cas particuliers.

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