Cet article date de plus de quatre ans.

Déconfinement : les salariés "vont aller au travail la peur au ventre", craint Philippe Martinez

Le gouvernement a présenté, jeudi, les derniers détails du déconfinement prévu le 11 mai. Le secrétaire général de la CGT, invité éco de franceinfo, a estimé que "le Premier ministre et les ministres qui lui ont succédé ont annoncé peu de chose".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le secrétaire général du syndicat CGT, Philippe Martinez, à l'Hôtel de Matignon, le 19 décembre 2019. (MARTIN BUREAU / AFP)

"Toutes les situations que nous remontent les salariés dans les entreprises, notamment là où il n'y a pas de syndicats, c'est qu’ils vont aller au travail la peur au ventre", critique Philippe Martinez, invité éco de franceinfo jeudi 7 mai, après la présentation par Edouard Philippe et plusieurs de ses ministres des derniers détails du déconfinement prévu le 11 mai. Pour le secrétaire général de la CGT, le gouvernement n’a pas répondu à la question de la protection de salariés qui vont retourner au travail.

>> Suivez l'évolution de l'épidémie de coronavirus en France dans notre direct

franceinfo : Pensez-vous que le Premier ministre a trouvé un équilibre entre reprise du travail et protection sanitaire dans ce plan de déconfinement ?

Philippe Martinez : Le déconfinement a déjà commencé. Beaucoup de salariés sont déjà retournés au travail cette semaine. Ça se voit en région parisienne vu l'affluence des voitures. La question qui reste posée et là, on n'a pas de réponse, c’est la question de la protection de ceux qui vont retourner travailler et des mesures qui n'ont pas été annoncées. Hormis nous présenter des cartes rouges et vertes, le Premier ministre et les ministres qui lui ont succédé ont annoncé peu de chose.

Je ne suis pas à sa place. J'aurais fait d'autres choix, même si la situation, je le reconnais, est difficile.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

à franceinfo

À la CGT, nous aurions fait d'autres choix, c'est ce que nous disons depuis huit semaines. Malheureusement, nous sommes écoutés mais très peu entendus. L’équilibre [entre vie économique et sécurité sanitaire] n’est pas bon. Ce sont les remontées que nous avons des entreprises et surtout des salariés. Ils regrettent premièrement de ne pas avoir de matériel de protection. Je pense au masque. La position du gouvernement vis-à-vis des masque est très ambiguë. Il faut que les salariés soient protégés par des masques, avec des mesures de barrières, avec des gels, etc. Toutes les situations que nous remontent les salariés dans les entreprises, et notamment là où il n'y a pas de syndicats, c'est qu’ils vont aller au travail la peur au ventre. Nous leur donnons des conseils en matière de protection. Si ces conditions ne sont pas réunies, nous leur recommandons de ne pas travailler et de faire valoir leur droit de retrait partout où c'est nécessaire.

L’Insee annonce que près de 500 000 emplois ont déjà disparu. Est-ce que la reprise, même encadrée, progressive et prudente peut attendre ?

Je ne vous ai pas dit qu'il ne fallait pas reprendre. Il faut qu'elle soit effectivement progressive et avec le matériel de protection nécessaire. Ça fait huit semaines que malheureusement, un certain nombre de salariés sont au boulot parce qu’ils étaient indispensables à la vie des autres citoyens. Ça fait huit semaines que nous réclamons des protections. Je peux vous citer le cas d'Amazon. Il aura fallu, là aussi, une décision de justice pour faire respecter le minimum de protection. Vous avez vu comme moi, des images, des photos de la façon dont on fait travailler les salariés. Il faut savoir ce qu'on veut. La santé prime avant tout. C'est le message du gouvernement, alors faisons respecter la santé. C'est pour cela que, par exemple, nous revendiquons le fait que les masques soient gratuits. La grande distribution a gagné beaucoup d'argent ces deux derniers mois. Elle pourrait mettre à disposition gratuite des masques pour la population.

Plus de 80% des écoles vont ouvrir très partiellement la semaine prochaine. Vous étiez opposé à cette réouverture. Est-ce que vous l'êtes toujours ?

Nous sommes opposés à cette réouverture. Nous proposions qu'elle se fasse en septembre parce que nous avons entendu l'avis des scientifiques et des médecins. Nous n'avons pas l'expertise et nous écoutons ceux qui l'ont. Ce sont les médecins et les scientifiques qui ont dit : "il vaudrait mieux rouvrir en septembre". Le président de la République a choisi de les rouvrir. Ce sera 80%, dans des conditions particulières parce qu’il n'y aura pas tous les élèves. Cela fait porter de lourdes responsabilités aux enseignants, aux personnels de l'éducation en général et aux maires. D’ailleurs, un certain nombre de maires refusent de rouvrir les écoles. Je vous signale que, par exemple, en Italie les écoles ouvriront en septembre. En Allemagne, ils me disent que ce sont plutôt les grands qui vont retourner à l'école. On a une autre stratégie en France. Nous considérons, peut-être, que le gouvernement a voulu que les plus jeunes, les plus petits reprennent parce qu’eux ne savent pas se garder tout seuls, et ça peut aider les parents à reprendre le boulot.

Le gouvernement annonce une mesure salariale pour les salariés des Ehpad, notamment dans les zones les plus touchées, avec une prime de 1 500 euros pour ces salariés. L’approuvez-vous ?

Ce n'est pas une mesure salariale, c'est une prime. Je pense que bon nombre des salariés des Ehpad vont apprécier, et je suis péjoratif quand je dis ça, que leur niveau de qualification soit reconnu en fonction du département où ils travaillent et non pas en fonction de la réalité de leur boulot. Si j'ai bien compris, il n'y aura que dans 33 départements où cette prime sera de 1 500 euros, dans les autres elle sera moindre. Or, ils ont tous la même qualification. Je suis convaincu qu'ils ont tous fait les mêmes efforts. La question se pose, par exemple, pour les aides à domicile. On renvoie ça à plus tard. Ce qu'il faut, et les salariés des Ehpad le disent depuis longtemps, c'est revaloriser leurs salaires. On attend des mesures précises. Il faut augmenter les effectifs dans les Ehpad. Cette annonce aurait été, je pense, appréciée par beaucoup de salariés des Ehpad.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.