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Covid-19 : quatre questions sur la situation du variant identifié en Angleterre, qui se répand en France

Le taux de pénétration dans l'Hexagone de ce variant était proche de 14% le
27 janvier, selon les résultats d'une enquête. Les spécialistes craignent que ce pourcentage augmente dans les semaines qui viennent.

Article rédigé par franceinfo
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Une campagne de dépistage du Covid-19 est menée en milieu scolaire. Photo d'illustration (MAXIME FRAISSE / HANS LUCAS / AFP)

Il est sur toutes les lèvres et dans toutes les têtes. Nommé B.1.1.7 ou VUI-202012/01, le variant du coronavirus apparu en Angleterre fait une percée en France depuis le début de l'année. Si la circulation du Covid-19 s'est stabilisée "à un niveau très élevé", a relevé vendredi Santé publique France, avec autour de 20 000 nouveaux cas chaque jour (19 715 nouveaux cas selon les chiffres de Santé publique France publiés dimanche, contre 20 586 la veille), une propagation rapide et incontrôlée du variant fait craindre le pire aux spécialistes. Franceinfo fait le point sur la situation.

Où en est ce nouveau variant en France ?

Selon les résultats d'une première enquête flash menée sur deux jours, les 7 et 8 janvier dernier, le variant identifié en Angleterre représentait entre 1 et 2% des tests PCR positifs au Covid-19 en France. Une deuxième enquête flash menée le 27 janvier, et dont les résultats ont été rendus publics la semaine dernière, a constaté une progression : son taux de pénétration était passé à 13,8%Ce taux atteignait déjà 18% en Ile-de-France, 23,7% dans le Grand Est et même 33,6% en Bretagne.

"S'il a continué sur le même rythme, on est aujourd'hui à peu près à 20%" sur le territoire, affirme lundi sur BFMTV l'épidémiologiste et membre du Conseil scientifique Arnaud Fontanet. "Ce virus continue de progresser et nous avons des données parcellaires qui disent que cette proportion augmente encore. On savait qu'elle allait augmenter", assure à Europe 1 Bruno Lina, professeur de virologie au CHU de Lyon et membre du Conseil scientifique. Ce nouveau variant prend progressivement le pas sur la forme originelle du virus. "Avec les mesures mises en place depuis janvier, le virus que l'on connaît recule de 6% chaque semaine, mais le nouveau variant, lui, progresse de 60% tous les sept jours", résume au Parisien l'épidémiologiste Philippe Amouyel.

Faut-il s'en inquiéter ?

Pas encore. Contrairement aux autres pays européens, la France maîtrise, pour l'instant, la propagation du variant. Une augmentation estimée entre 14 et 20% n'est pas la même chose que "si elle augmente de 50% ou 150% toutes les semaines", indique Bruno Lina sur Europe 1. Les restrictions en France durant les vacances de Noël ont donc limité la diffusion du variant apparu en Angleterre. "Les mesures prises actuellement freinent probablement un peu le nouveau variant puisque sa propagation est moins rapide que celle constatée au Royaume-Uni, mais on ne peut pas le bloquer complètement comme on a réussi à le faire avec les anciens variants", abonde sur BFMTV Philippe Amouyel, l'épidémiologiste qui a modélisé, pour Le Journal du Dimanche, l'avancée du variant.

Cependant, certains épidémiologistes craignent que ce soit "le calme avant la tempête", comme l'assure au Parisien, Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie à l'École des hautes études en santé publique. "Il faut considérer que nous avons deux épidémies différentes aujourd'hui, avec des taux de reproduction distincts. On a un plateau ou une baisse parce que les mesures sont efficaces sur le premier variant (la version originelle), mais peut-être pas assez pour le deuxième (la version anglaise)", ajoute-t-il. "Si on continue sur cette trajectoire, avec un R de 1,5 pour le variant anglais, on atteindra 30-35% à la mi-février, et le nombre d'admissions à l'hôpital sera alors autour de 2 000 par jour. Le variant deviendra majoritaire autour du 1er mars", conclut l'épidémiologiste et membre du Conseil scientifique Arnaud Fontanet au Journal du Dimanche.

Est-il plus difficile à repérer ?

D'après une étude publiée mardi 2 février dans le British medical journal, et réalisée sur 6 000 personnes atteintes par les deux formes du virus, les symptômes liés au variant diffèrent légèrement. Ainsi, la toux toucherait par exemple 35% des patients qui ont contracté le variant identifié en Angleterre, contre 28% chez les personnes touchées par le premier variant. "On retrouve davantage la toux, peut-être aussi des éternuements, ainsi que des maux de gorge. Ça pourrait expliquer la contagiosité, du moins c'est une hypothèse", explique ainsi  à Europe 1 Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement des Hôpitaux de Paris. D’autres symptômes sont également moins présents avec ce variant.

"On retrouve avec le variant anglais un peu moins de ces signes caractéristiques que sont la perte du goût ou de l'odorat. Il y en a, mais c'est moins fréquent."

Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement de l'AP-HP

à Europe 1

Outre les symptômes, pour détecter le nouveau variant parmi les tests PCR positifs réalisés quotidiennement, un nouveau kit de criblage a été mis au point et approuvé par l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). Il a été développé par le laboratoire français Eurofins Biomnis qui l'a développé. C'est dans ce laboratoire, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), que les tests PCR positifs vont converger. Le site peut en analyser jusqu'à 50 000 par jour. Depuis samedi 23 janvier, les tests PCR positifs doivent être analysés une deuxième fois afin de détecter les nouveaux variants du virus, indique une note de la Direction générale de la santé (DGS).

Quelles mesures pour contrer son expansion?

Les vaccins autorisés en France semblent pour le moment efficaces pour lutter contre ce variant. "Nous n'avons aucun élément indiquant que le variant britannique pourrait échapper à la vaccination. Les premières données sont plutôt rassurantes", expliquait à France 2 Jacques Izopet, chef du service du laboratoire de virologie du CHU de Toulouse.

Néanmoins, la Direction générale de la santé (DGS) a  renforcé, dimanche 7 février, le traçage, les règles d'isolement des malades et facilité les fermetures de classes, pour contrer ce variant, ainsi que celui qui est apparu en Afrique du Sud. Ainsi, tous les tests, antigéniques ou PCR, qui donnent lieu à un résultat positif doivent désormais "obligatoirement faire l'objet d'une RT-PCR de criblage de seconde intention, réalisée dans un délai de 36 heures maximum", indique la DGS. Ensuite, la durée d'isolement passe de 7 à 10 jours pour les malades.

Par ailleurs, le couvre-feu à 18 heures encore en vigueur partout sur le territoire hexagonal va-t-il suffire ? "Le contrôle de l'épidémie par les mesures actuelles sera plus difficile dès que le variant aura pris le dessus et le pourcentage de Français protégés par la vaccination encore trop bas pour réduire le nombre de formes graves", déclarent Philippe Amouyel et Luc Dauchet, respectivement professeur et maître de conférences en santé publique au CHU de Lille. Les deux experts ont réalisé, pour Le Journal du Dimanche, une modélisation de l'avancée du variant identifié en Angleterre. Dans ce contexte, un retour du confinement, comme à Mayotte, est-il incontournable ? "Il faut juste davantage de mesures fortes, mieux suivies et plus efficaces. Ça dépend des décisions politiques, mais aussi des comportements de chacun. Il n'y a pas besoin que le gouvernement décrète un confinement dès aujourd'hui pour limiter ses contacts", note Pascal Crépey au Parisien. En revanche Renaud Piarroux, épidémiologiste et chef du service de parasitologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, estime, toujours dans Le Parisien, qu'il faudra bientôt "fermer les lieux de transmission actuels, en particulier les lycées, les collèges et peut-être les écoles".

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