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Covid-19 : l'article à lire pour comprendre le nouveau variant du coronavirus qui sévit au Royaume-Uni

Ce variant du Sars-CoV-2, impliquant plusieurs mutations génétiques, inquiète les autorités sanitaires de nombreux pays. Elles craignent une contagiosité accrue, bien qu'aucun lien direct ne soit établi pour l'heure entre son émergence et l'accélération des contaminations outre-Manche.

Article rédigé par Benoît Jourdain, Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 13 min
Une famille fait son shopping de Noël à Manchester, le 21 décembre 2020, alors qu'un nouveau variant du coronavirus prolifère au Royaume-Uni depuis le mois de décembre. (MI NEWS / NURPHOTO / AFP)

Vent de panique au Royaume-Uni, en Europe et à l'échelle de la planète. Un nouveau variant du Sars-CoV-2, le coronavirus à l'origine du Covid-19, a poussé le Royaume-Uni à se reconfiner de manière stricte, bousculant des fêtes de fin d'année déjà chamboulées par la pandémie. Nommé "B.1.1.7" ou "VUI-202012/01" (pour Variant Under Investigation n° 1 du mois de décembre 2020), il serait plus contagieux que la forme actuelle du virus. Franceinfo revient en détail sur cette mutation et ses conséquences.

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1"Variant", "mutation", "nouvelle souche"... Ça veut dire quoi exactement ?

"Depuis qu’il est passé à l’homme, le virus s’adapte constamment à son nouvel environnement", rappelle à franceinfo Olivier Schwartz, responsable de l’unité virus et immunité à l’Institut Pasteur. Autrement dit, il mute, comme tous les virus, à l’instar de celui de la grippe. Le patrimoine génétique du virus est constitué d’une longue séquence d’ARN de 30 000 nucléotides, chacun symbolisé par l'une des quatre lettres de l'alphabet génétique (A, T, G, C). Lorsque le virus se réplique pour infecter de nouvelles cellules, ce patrimoine est reproduit, "comme une photocopie, illustre le scientifique, grâce à des enzymes virales". "Ces enzymes font parfois des erreurs ponctuelles pendant la copie, en changeant une lettre pour une autre, créant ainsi une mutation. D’autres erreurs peuvent se produire, par exemple des délétions (disparition d’une ou quelques lettres) et le virus se modifie ainsi", explique-t-il. Comme si dans un livre contenant un total de 30 000 caractères, quelques lettres étaient modifiées ou supprimées lors de sa reproduction.

"Le virus accumule un peu moins de deux mutations chaque mois, ce qui fait environ 22 depuis son apparition il y a environ un an. Le variant anglais, lui, présente plus de changements que la moyenne avec 17 mutations, non pas par rapport au virus originel, mais par rapport au variant le plus récent", note auprès de franceinfo Etienne Simon-Lorière, responsable du groupe de recherche génomique évolutive des virus à l’ARN à l'Institut Pasteur.

Les deux scientifiques de l’Institut Pasteur contactés par franceinfo parlent de "variant", et non de nouvelle "souche". "Car c’est toujours le même virus", affirme Olivier Schwartz. "Parler de nouvelle souche aurait une connotation de divergence plus forte. Or, il n'y a que peu de mutations par rapport à la taille du génome (presque 30 000 nucléotides)", ajoute Etienne Simon-Lorière.

"Parler de variant est plus logique. Il n’y a qu’une seule souche du Sars-CoV-2 découverte jusqu'à présent."

Etienne Simon-Lorière, responsable d'unité à l'Institut Pasteur

à franceinfo

2D'où vient ce nouveau variant ?

Le consortium Covid-19 Genomics UK (COG-UK), qui s’occupe de la surveillance et du séquençage des mutations du Sars-CoV-2 au Royaume-Uni, a formellement nommé ce variant le 13 décembre. Et le ministre de la Santé britannique, Matthew Hancock, l'a évoqué le 14 décembre. Mais les premiers génomes porteurs des mutations spécifiques à ce lignage de virus (nommé B.1.1.7) ont été identifiés dès le 20 septembre dans le Kent et le 21 septembre dans le Grand Londres, rapporte Le Monde.

Pourquoi une telle modification au Royaume-Uni ? Il est difficile à ce stade d’émettre autre chose que des hypothèses. "Le hasard, avance Olivier Schwartz, a entraîné l’apparition de ce variant, qui a pu ensuite être favorisé grâce à sa meilleure capacité à se multiplier." Etienne Simon-Lorière évoque la possibilité d'une "contamination d’une personne immuno-déprimée chez qui le virus aurait énormément muté en raison du manque de défenses immunitaires".

Il est également impossible d'affirmer que cette nouvelle forme est née au Royaume-Uni. Ce pays "est le leader mondial en matière de séquençage (...) Donc s'il existe un variant et qu'il arrive au Royaume-Uni, il a de bonnes chances d'y être détecté", note Emma Hodcroft, épidémiologiste à l'université de Berne, citée par l'AFP. "Même s'il n'est pas né au Royaume-Uni, il semble bien qu'il y ait grandi. C'est en Angleterre qu'il s'est développé", assure toutefois la scientifique.

Sur les 17 mutations que compte le nouveau variant, celle qui intéresse particulièrement les scientifiques est la "N501Y" car elle affecte la protéine Spike (spicule) qui se trouve à la surface du Sars-CoV-2. Or, "la protéine Spike est la clé qui permet au Sars-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules", explique l'Inserm. Ce n'est cependant pas la première mutation à toucher la protéine Spike depuis le début de l'épidémie : le variant le plus répandu est porteur d'une mutation nommée "D614G", qui se situe aussi au niveau de cette protéine.

3Pourquoi cette mutation inquiète-t-elle autant ?

Le ministre de la Santé britannique Matthew Hancock a tiré la sonnette d’alarme, dimanche 20 décembre, en estimant que ce variant était "hors de contrôle".

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a évoqué une contagiosité supérieure de 70%. Elle pourrait, selon lui, augmenter de 0,4 le taux de reproduction du virus. Le taux de reproduction (aussi appelé "R effectif") est l'un des indicateurs étroitement sur surveillés par les autorités. En dessous de 1, il est synonyme de régression de l'épidémie, tandis qu'au-dessus de 1, il signifie que l'épidémie gagne du terrain.

En France, depuis le début de l'épidémie, le taux de reproduction n'est jamais descendu en dessous de 0,6, selon les chiffres du gouvernement. On comprend donc pourquoi une augmentation du R effectif de 0,4 point pourrait rendre l'épidémie très difficile à maîtriser.

Boris Johnson a évoqué cette piste au conditionnel mais Chris Whitty, le conseiller médical du gouvernement britannique, n'a pas caché les inquiétudes de nombreux scientifiques. "Le groupe consultatif sur les menaces nouvelles et émergentes des virus respiratoires [Nervtag] considère maintenant que ce nouveau variant peut se propager plus rapidement", a-t-il indiqué.

4Ces craintes sont-elles justifiées ?

Ce catastrophisme a été nuancé par le responsable des situations d'urgence sanitaire de l'OMS, Michael Ryan, le 21 décembre. Pour lui, la situation "n’est pas hors de contrôle".

Si les scientifiques s'accordent à dire que ce nouveau variant est plus contagieux, aucun lien direct n'a encore été établi entre son émergence et la hausse du nombre de contaminations outre-Manche. "Il semble que la pathologie provoquée par ce variant n’est pas plus grave que précédemment, tempère Olivier Schwartz. L’hypothèse la plus probable est que sa spicule est plus efficace pour permettre l’entrée du virus dans les cellules cibles".

"Les mutations peuvent apporter un avantage sélectif au virus. Il aura par exemple de meilleures capacités à se multiplier, et dans le cas présent d’être plus transmissible d’un individu à un autre."

Olivier Schwartz, responsable d'unité à l'Institut Pasteur

à franceinfo

Comme le spécialiste de l’Institut Pasteur, plusieurs scientifiques outre-Manche restent prudents sur cette contagiosité plus importante : "Les raisons de cette infectiosité accrue ne sont pas encore claires. Nous devons encore savoir si elle est due à une plus grande réplication virale ou à une meilleure liaison avec les cellules qui tapissent le nez et les poumons", a expliqué Peter Openshaw, professeur de médecine expérimentale à l'Imperial College de Londres, dans le Science Media Center (en anglais), organisme spécialisé sur les sujets scientifiques et techniques. Pour Mark Harris, professeur de virologie à l'université de Leeds, le gouvernement britannique pourrait se servir de ce variant comme d'un "écran de fumée" pour faire oublier un déconfinement trop rapide, début décembre, à Londres et dans le sud-est.

Autre hypothèse avancée : "Il faut savoir que cette région du sud-est de l'Angleterre avait été assez épargnée, l'immunité de groupe dans la population est donc faible et le virus a trouvé un terrain pour se développer", explique à l'AFP Vincent Enouf, le directeur adjoint du Centre national de référence des virus respiratoires de l'Institut Pasteur.

5Dans quels pays cette mutation a-t-elle été trouvée (pour l'instant) ?

Outre le Royaume-Uni, ce nouveau variant a déjà été détecté en Italie, aux Pays-Bas, au Danemark, au Brésil ou encore en Australie. Pour ce dernier pays, il s'agit des premiers cas confirmés dans la région Asie-Pacifique. Les autorités régionales ont précisé qu'aucune personne en Australie n'avait été infectée par ce variant sur le sol australien. "Nous avons eu quelques voyageurs de retour du Royaume-Uni avec des mutations particulières", a déclaré Kerry Chant, directeur de la santé publique de la Nouvelle-Galles-du-Sud, l'Etat le plus peuplé d'Australie.

La situation en Afrique du Sud est particulière. Le variant qui y circule est légèrement différent de celui qui a été détecté au Royaume-Uni et qui se propage à grande vitesse. Il en est toutefois très proche, rapporte Le Monde.

Avoir une idée précise de la propagation réelle du variant qui sévit au Royame-Uni s'avère impossible pour le moment. Les connaissances s'étoffent en continu, les identifications se font au fil des jours.

6Ce nouveau variant a-t-il été détecté en France ?

Pas encore, mais il s'y trouve peut-être déjà de façon silencieuse. Régulièrement, "nous faisons des études génotypiques, c'est-à-dire que les scientifiques prennent des virus identifiés par PCR chez une certain nombre de malades, et font ce que l'on appelle un séquençage génétique . Et donc ils sont tout à fait capables de l'identifier", a expliqué le ministre de la Santé, Olivier Véran, lundi, sur Europe 1.

"Sur les derniers jours, 500 souches virales ont été identifiées, analysées", a détaillé le ministre. "Ce variant n'a pas été retrouvé" en France mais "cela ne veut pas dire qu'il ne circule pas" dans le pays, a-t-il souligné. "Nous le saurons."

Mais peut-être pas dans l'immédiat. "Sur les quelque 240 000 séquençages dans le monde, quasiment la moitié vient du Royaume-Uni. Ce n’est pas aussi au point en France", relève Etienne Simon-Lorière, le chercheur de l'Institut Pasteur.

"Si le variant est présent dans notre pays, on ne le saura que dans quelques semaines."

Etienne Simon-Loriere

à franceinfo

Ce variant est "déjà chez nous", tranche pour sa part Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses de l’Hôpital Henri-Mondor (Val-de-Marne), invité de franceinfo, mardi. Il invite à "prendre des précautions mais pas non plus à affoler les foules". Dans ce contexte, Emmanuel Macron a appelé à "redoubler de vigilance" face à cette "mutation problématique du virus, avec une forme beaucoup plus agressive".

7Quelles mesures ont été prises par le Royaume-Uni, en Europe et ailleurs dans le monde ?

Le Premier ministre britannique a annoncé, dès le 19 décembre, le reconfinement de Londres et du sud-est de l'Angleterre, face à une montée en flèche des cas de contamination. Une mesure qui concerne quelque 16 millions d'habitants.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé ses membres en Europe à "renforcer leurs contrôles". Pour tenter de limiter la propagation de ce variant, plusieurs pays européens ont annoncé la suspension de leurs liaisons avec le Royaume-Uni. Parmi eux, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, la Norvège, la Suède ou encore la Finlande. Au-delà du continent européen, le Canada, l'Inde ou encore la Russie ont également suspendu leurs liaisons aériennes avec le Royaume-Uni. Et la liste continue de s'allonger.

Le mystère qui entoure encore ce variant pousse les gouvernements à prendre des mesures drastiques dans l'urgence : "Les scientifiques anglais se demandent si ce nouveau variant du virus pourrait être plus contagieux que les autres. Ils n'en ont pas de preuves. Mais dès lors que l'on se pose la question, vous comprenez que l'on prenne toutes les dispositions nécessaires", a justifié Olivier Véran, lundi. Mardi soir, le Premier ministre Jean Castex a annoncé une "reprise limitée des flux de personnes du Royaume-Uni vers la France sous condition sanitaire de tests négatifs, sensibles au variant" du coronavirus. Cela vaut pour "les Français et les ressortissants de l’Espace européen, les ressortissants britanniques ou de pays tiers qui résident habituellement en France, dans l’Union européenne ou dans l’Espace européen".

Le gouvernement suisse a interdit l'accès de son territoire aux ressortissants étrangers en provenance du Royaume-Uni et d'Afrique du Sud. Berlin prépare également des restrictions de liaisons aériennes avec l'Afrique du Sud.

8Le vaccin est-il efficace face à ce variant ?

Cette mutation nouvelle fait craindre le pire alors que la Commission européenne a autorisé l’utilisation du vaccin Pfizer-BioNTech. Là encore, les scientifiques se montrent plutôt optimistes.

"Ce variant ne semble pas plus résistant aux anticorps produits par les personnes infectées, et il est donc très probable que les vaccins disponibles actuellement seront efficaces pour empêcher sa propagation."

Olivier Schwartz

à franceinfo

"L'idée du vaccin est que la protéine Spike dans son ensemble est montrée à votre système immunitaire, et vous apprenez donc à en reconnaître de nombreuses parties différentes", détaille Emma Hodcroft. "Même si quelques parties changent, vous avez toujours toutes les autres parties pour reconnaître" le virus, affirme-t-elle.

Le professeur Jean-Daniel Lelièvre abonde dans ce sens : "Des résultats qui datent de plusieurs semaines montrent que cette mutation n'impacte pas la réponse immunitaire." "Pour le moment, il n'existe aucune preuve suggérant que ce vaccin ne soit pas efficace contre le nouveau variant", a résumé lundi Emer Cooke, la directrice générale de l'Agence européenne des médicaments, qui a donné le feu vert au produit développé par Pfizer-BioNTech.

9Ce variant est-il détecté par les tests PCR ?

Olivier Véran a assuré, lundi sur Europe 1, que le test PCR "reste tout aussi performant pour diagnostiquer ce variant du virus". L’OMS a toutefois émis des doutes sur "l’efficacité de certaines méthodes de diagnostic", sans davantage de précision.

En effet, les tests PCR ne sont pas tous identiques. D'après les scientifiques britanniques, ce variant pourrait être "manqué" par certains tests à cause d'une mutation spécifique sur les 69e et 70e acides aminés de la protéine de spicule, note Le Monde. Cela pourrait donc engendrer un résultat négatif lors du dépistage.

Mais d'autres tests PCR visent au moins deux cibles génétiques du virus pour "s’affranchir du risque de non-détection en cas de mutation", explique à Heidi News le professeur Gilbert Greub, directeur de l’Institut de microbiologie du CHUV. "Heureusement, la plupart des laboratoires utilisent des kits avec deux ou trois cibles", assure à franceinfo Etienne Simon-Lorière, ce qui permet donc au nouveau variant d'être détecté malgré ces mutations.

10Je n'ai pas eu le temps de tout lire, pouvez-vous me faire un petit résumé ?

Un nouveau variant du virus a été détecté mi-septembre au Royaume-Uni. La hausse du nombre de cas de contaminations observée au début du mois de décembre a obligé le gouvernement britannique a reconfiné Londres et la partie sud-est du pays dès le 19 décembre.

Les mutations sont courantes dans la famille des coronavirus. Celle-ci touche notamment la protéine Spike (spicule) du coronavirus. Elle se trouve à la pointe du Sars-CoV-2 et c'est elle qui lui permet de s'attacher aux cellules humaines pour les pénétrer et donc d’être plus transmissible d’un individu à un autre. Il est difficile pour l’instant de savoir si ce variant a bien vu le jour outre-Manche puisque d’autres pays (Australie, Danemark, Pays-Bas, Italie) ont détecté des formes similaires. Une chose est sûre, c’est au Royaume-Uni que ce variant s'est le plus propagé.

Le gouvernement britannique estime qu'il est "hors de contrôle". Une affirmation contredite par l’OMS et que les scientifiques prennent avec des pincettes. Pour l'instant, aucun lien direct n'a encore été établi entre l'émergence du variant et la hausse du nombre de contaminations. Ce variant n’a pas encore été officiellement détecté en France, même si "il est tout à fait possible" qu’il y circule déjà, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran. Face à cette menace, de nombreux pays ont suspendu les liaisons avec le Royaume-Uni. Alors que l’arrivée du vaccin est imminente, ce variant ne devrait pas altérer son efficacité et reste majoritairement détectable grâce aux tests PCR.

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