Covid-19 : pourquoi la flambée des contaminations en Chine pourrait aggraver la pénurie de paracétamol et d'antidouleurs en France
Avec la fin de sa stricte politique sanitaire "zéro Covid", la Chine fait face à une explosion des contaminations sur son territoire. Si les autorités ont annoncé, dimanche 25 décembre, qu'elles ne publieraient plus de statistiques officielles sur la pandémie, les hôpitaux sont bel et bien débordés.
L'envolée du nombre de cas entraîne aussi des pénuries de médicaments contre la fièvre et les douleurs. Pékin a donc décidé d'en limiter les exportations. Or, le pays est le principal fournisseur de médicaments et de paracétamol de l'Europe. Les professionnels français redoutent une aggravation des problèmes d'approvisionnement. Franceinfo vous détaille les raisons de cette crise.
1 La Chine fait face à une ruée sur les médicaments
La violente vague de Covid-19 qui touche la Chine depuis l'assouplissement des mesures de restrictions sanitaires, début décembre, entraîne des pénuries de certains traitements dans le pays. "Toute ma famille est malade et je n'arrive pas à acheter de médicaments contre la fièvre", explique à l'AFP une habitante de Chengdu, dans le sud-ouest du pays.
L'agence de presse a contacté une douzaine de pharmacies, qui rapportent des pénuries de médicaments contre la fièvre. "On n'en a plus du tout depuis une ou deux semaines. [...] Il me reste encore quelques anti-douleurs, mais très peu", précise une employée à Yinchuan, dans le nord du pays.
Face à ces difficultés d'approvisionnement, les Chinois se tournent vers leurs familles à l'étranger, explique le correspondant de RFI, Stéphane Lagarde. "La diaspora chinoise envoie tout ce qu'elle trouve à la famille et aux proches", détaille-t-il sur Twitter. Au point que des pharmacies en Australie demandent, en mandarin, de limiter les achats des médicaments contre la fièvre.
2 Des usines ont été réquisitionnées pour répondre à la demande locale
Selon l'AFP, au moins une douzaine d'entreprises pharmaceutiques ont été sommées par Pékin de "garantir l'approvisionnement" du pays en médicaments. Les usines chinoises tournent donc à plein régime depuis la résurgence de l'épidémie de Covid-19. L'un des plus grands groupes pharmaceutiques du pays, Sinopharm, a ainsi dépêché des dizaines de camions depuis sa filiale du Xianjing vers Pékin, transportant 100 000 boîtes de médicaments.
Franceinfo s'est rendu dans une unité de production de la province du Shandong, au sud de Pékin, qui fabrique de l'ibuprofène. "Il y a trois équipes qui travaillent huit heures par jour. Les machines, elles, fonctionnent 24 heures sur 24. Avec ce dispositif, je pense que la pénurie de médicaments pourra commencer à s'atténuer d'ici deux semaines", explique un responsable de l'usine. D'ordinaire, la plupart de ces médicaments sont destinés à l'étranger, mais la Chine a décidé d'en suspendre les exportations pour répondre à sa propre demande.
3 La majorité des matières premières de nos médicaments sont fabriquées en Chine
Depuis l'explosion des cas de Covid-19 en Chine, de nombreux experts rappellent à quel point nous sommes dépendants de l'Asie en matière de médicaments, et renouvellent leurs appels à relocaliser la production. Pas moins de "80% des principes actifs, la matière première pour nos médicaments, sont fabriqués en Chine et en Inde", détaille ainsi Rémi Salomon, président de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sur Twitter.
Dans une tribune publiée par Le Monde en mars 2022, les fondateurs de l'Observatoire de la transparence dans la politique du médicament demandaient déjà de reconstituer "la production française de médicaments". "Les médicaments 'basiques' comme le paracétamol et l'amoxicilline [un antibiotique] sont sous-traités par les Occidentaux à l'Inde et à la Chine depuis trente ans", confirme auprès de France 24 Hubert Testard, spécialiste de l'Asie et des enjeux économiques internationaux à Sciences Po. "Ces médicaments ne sont pas très rentables et leur production réclame de gros investissements, ce qui a abouti à leur délocalisation en Chine, provoquant une dépendance assez forte", souligne-t-il.
4 L'approvisionnement est déjà fragilisé en France
"Les conséquences pourraient se faire sentir rapidement" en France "car il n'y a pas de stock", estime Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l'université de Bordeaux, interrogé par franceinfo mardi 27 décembre. Un dirigeant d'une grande entreprise pharmaceutique confie ainsi aux Echos, sous couvert d'anonymat, qu'il craint des effets sur l'approvisionnement français de paracétamol et d'ibuprofène d'ici un mois. Un ministre confirme anonymement, dans les colonnes du quotidien, "un risque très identifié pour les semaines à venir".
Cela fait déjà plusieurs semaines que les professionnels de santé alertent sur les difficultés à trouver du paracétamol en France, notamment sous sa forme pédiatrique. Ces difficultés d'approvisionnement s'expliquent en partie par une surconsommation du médicament, liée à l'épidémie de Covid-19 durant l'été et aux épidémies de bronchiolite et de grippe en fin d'année, qui a empêché de renflouer les stocks.
Depuis le mois d'octobre, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) invite donc les pharmaciens et les médecins à limiter la consommation de paracétamol. Elle recommande notamment aux officines de ne délivrer que deux boîtes par patient lorsque ces derniers n'ont pas de prescription. "La France a un avantage, c'est qu'elle gaspille énormément de médicaments", avance Bernard Bégaud auprès de franceinfo. Elle a donc de la marge pour réduire sa consommation, selon cet expert. "Le paracétamol est le médicament le plus prescrit en France. Si on le réservait aux indications vraiment indispensables, on n'aurait peut-être pas de pénuries : il faudrait arrêter de le gaspiller." L'avertissement vaut aussi pour les antibiotiques.
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