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Covid-19, manque de personnel, journées à rallonge : l'hôpital croule sous une "charge de travail monstrueuse"

Alors que le personnel manque dans tous les services hospitaliers, les soignants s'apprêtent à passer des fêtes difficiles, sur le pont. Comment le vivent-ils ? Quel est leur quotidien ? Nous avons recueilli le témoignage de l'un d'entre eux.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Soignants dans un couloir de l'hôpital de Valenciennes (Nord), le 6 avril 2021 (DENIS CHARLET / AFP)

Le docteur Nicolas Winter est médecin aux urgences pédiatriques de l'hôpital de Valenciennes, dans le Nord. Il nous a donné rendez-vous le matin : c'est, explique-t-il, le seul moment calme de la journée.

"C'est toujours une montée en puissance. Vous avez des gens qui vont arriver au compte-gouttes. Après, il y en a qui vont arriver par plusieurs. Au fur à mesure de la journée on a des vagues, surtout vers les 18 heures, par exemple, et les enfants vont s'accumuler dans la salle d'attente. Quand on a un tableau avec 40 patients et que nous sommes quatre soignants, on ne peut pas se dédoubler. Il y a toujours une attente à rallonge, jusqu'à 9 heures d'attente. On a une salle d'attente qui ne désemplit pas, qui déborde et on essaye d'écoper un peu au mieux. En fait, c'est comme si vous affrontiez une vague et que vous essayiez de rester la tête hors de l'eau."

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Il faut gérer l'incompréhension voire l'agressivité de certains parents. "On a des enfants qui arrivent pour des choses plus graves, qui nous prennent plus de temps et qui vont passer avant. Du coup, c'est ça aussi qui va créer cette espèce de mécontentement. Les gens sont à bout, ils attendent énormément. Ils sont inquiets aussi pour leurs enfants, ce qui est légitime. 'Pourquoi mon enfant n'est pas encore vu et que celui-ci que j'ai vu passer, il est vu avant ?'"

"Il y a une exaspération qui est surtout liée à la fatigue. Ça génère du stress, et le stress génère du conflit."

Dr Winter, médecin urgentiste

à franceinfo

Bronchiolite, maladies d'hiver... En ce moment, les quatre médecins du service prennent en charge jusqu'à 120 enfants malades chaque jour. Et souvent la "bobologie" occupe beaucoup de leur temps. "Je ne jette pas la pierre parce que je peux comprendre que certains parents viennent : ils n'ont aucun moyen de recours. Quand vous avez un enfant qui va 'chauffer', pas être bien, vous avez d'habitude d'aller peut-être au bout de 48 heures ou même le lendemain voir votre médecin traitant. Mais si votre médecin traitant n'a pas de place avant une ou deux semaines, qu'est-ce que vous faites ? Vous n'avez pas de recours. On a une médecine de ville qui est à bout de souffle. Ça, il faut le dire. Il n'y a pas que l'hôpital qui est à bout de souffle : la médecine de ville aussi."

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Le médecin estime ainsi que de nombreuses consultations pourraient être évitées si l'on éduquait les parents, si on leur expliquait par exemple comment surveiller et gérer la fièvre de leur enfant. 

Deux infirmières pour 40 lits

Les journées de travail du Dr Winter durent 16 heures, et même 24 heures pour ses collègues : "On travaille d'affilée. On essaye de prendre des pauses en coupant, en se relayant quelques minutes pour pouvoir aller manger, mais on est 16 heures d'affilée. Et mes collègues pédiatres, 24 heures aux urgences. Moi, je sais que je sors de 16 heures en me réveillant le lendemain à 13 heures ou 14 heures, parce que de toute façon on est vidé. On est vidé parce qu'on voit en continu des patients, on doit gérer l'angoisse des parents, on doit savoir réfléchir sur les patients qu'on voit, savoir réfléchir sur la gravité, sur sur les examens qu'on doit donner et c'est toujours quelque chose qui va vous vider les batteries. Donc, à la fin, vous êtes logiquement épuisé."

Même chose pour les auxiliaires de puériculture, les infirmières : de nombreux postes restent vacants, faute de candidats. "Nous avons deux infirmières pour 40 lits. La charge de travail est monstrueuse et c'est dangereux, pour le personnel et pour les enfants."

"La question qui reste, qui est peut-être la plus importante, c'est : si nous on ne le fait pas, qui va le faire ?"

Dr Winter, médecin urgentiste

à franceinfo

Dans ces conditions, le Dr Winter dit comprendre ceux de ses collègues qui abandonnent, qui démissionnent : "Je le comprends et souvent, je me demande pourquoi ils n'ont pas arrêté avant." Et lui-même se demande s'il doit rester à l'hôpital : "Il est très possible qu'un jour prochain, je suspende mon activité quelques mois pour reprendre mon souffle. Il faut toujours qu'un soignant puisse dire stop parce que il y a aussi la propre santé de la personne. Je peux ressortir de ma garde en étant extrêmement fatigué et démoralisé, je ne m'en cache pas. Je peux ressortir de ma garde en me demandant pourquoi je continue à faire ce métier et surtout ce poste, en fait."

Le témoignage du Dr Winter, recueilli par Solenne Le Hen

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