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"Ce sont des criminels" : dans le cortège des manifestants pour l'hôpital public, les soignants mettent en cause les gouvernants

Les soignants étaient appelés à manifester samedi pour alerter sur les difficultés de l'hôpital public. Dans le cortège parisien, les professionnels racontent un quotidien fait de manque de moyens, aux conséquences désastreuses.

Article rédigé par franceinfo, Anne-Laure Dagnet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des soignants lors de la manifestation pour l'hôpital public, le samedi 4 décembre 2021 à Paris. (ANNE-LAURE DAGNET / RADIO FRANCE)

"Olivier Variant !", scandent les manifestants dans le cortège. Samedi 4 décembre, à l'appel de dizaines de collectifs, syndicats et organisations, des membres du personnel de l'hôpital public ont manifesté dans toute la France, notamment à Paris, pour "défendre le système de santé". Tous ont dénoncé le manque de personnel, les problèmes de rémunération et des conditions de travail dégradées. Ils ont lancé un cri d'alerte car ces problèmes ont été accentués par la crise du Covid-19, poussant l'hôpital public à un point de rupture.

Des conséquences dramatiques pour les patients

Bien qu'ils viennent de toute la France, le constat est le même pour les personnels : l'hôpital public est à l'os. Ils décrivent une situation qui devient dramatique. "Aujourd'hui, en France, il y a des morts parce qu'il n'y a plus de Smur", les structures mobiles d'urgence et de réanimation, s'écrie Christelle, infirmière-anesthésiste à l'hôpital du Bailleul (Sarthe).

"Je suis dans un endroit où il n'y a plus de Smur la nuit, depuis deux ans. C'est à pleurer !"

Christelle, infirmière-anesthésiste à l'hôpital du Bailleul (Sarthe)

à franceinfo

Julie, médecin en soins intensif à Voiron (Isère), liste, elle aussi, de nombreux exemples des dysfonctionnements de l'hôpital public. "Un greffon rénal a été jeté à Grenoble par manque d'accès au bloc opératoire, des gens ne sont pas opérés dans les temps... C'est notre quotidien", déplore-t-elle. Elle estime que la situation est catastrophique : "Il y a déjà beaucoup de retards et de pertes de chances."

Manque de personnel et restrictions budgétaires

Mathieu, médecin à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), est confronté tous les jours au manque de moyens. Il estime que 20% des lits sont fermés au sein de son établissement. "Il y a 25 patients dans le couloir, tous les jours, aux urgences." Il impute principalement ces difficultés aux problèmes de recrutement. "Il nous manque du personnel soignant et nous sommes dans une politique de restrictions budgétaires majeures. Cela fait qu'on cherche des personnes en intérim la veille pour le lendemain, après avoir harcelé le personnel qui est épuisé", déplore ce professionnel. 

A l'hôpital de Mayenne, Florence, infirmière, subit les mêmes conséquences. "On travaille dans une usine. On ne peut pratiquement plus prendre nos pauses et on revient sur nos jours de repos pour remplacer les collègues parce qu'on est à flux tendu", décrit cette professionnelle de santé. Elle estime qu'il manque 22 infirmières dans son hôpital : "On voit que le métier n'attire plus parce qu'on n'a pas de moyens. On a été là pendant la crise du Covid-19, on est encore là aujourd'hui mais on est usés. On n'en peut plus."

Donner "des perspectives" à l'hôpital

Pour beaucoup de manifestants, la crise du Covid-19 a accéléré les départs des soignants, faisant exploser une organisation qui craquait déjà. "Le système, qui est tenu à bout de bras par ceux qui sont encore là, est en train de s'écrouler", alerte Julie. Les soignants quittent l'hôpital par vague : "Le système s'écroule parce qu'il tenait jusqu'ici sur des vocations quasi christiques et sacrificielles", analyse Emmanuelle Seris, médecin à Sarreguemines (Moselle) et porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).

Au-delà de leurs dirigeants directs, ces soignants en veulent aux gouvernements successifs qui n'ont rien fait d'après eux pour remettre sur pied l'hôpital public.  Christelle appelle notamment les directions d'hôpitaux et des agences régionales de santé à s'expliquer. "Qu'elles prennent leurs responsabilités de dire, devant nous, pourquoi les lits sont fermés, pourquoi les urgences ferment, pourquoi les Smur ferment. Ce sont des criminels !"

Seule solution, pour Emmanuelle Seris : prendre le problème à bras le corps. "Si maintenant on nous dit qu'on va augmenter les lits, les effectifs et les étudiants en médecine, on aura effectivement des perspectives. Tant que ce n'est pas le cas, les gens quittent le système de santé pour se réorienter parce que ce n'est plus possible de soigner correctement."

Les soignants ont manifesté à Paris, samedi 4 décembre. Un reportage d'Anne-Laure Dagnet

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