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Vaccination contre le Covid-19 : comment certains pays ont réussi à couvrir 100% de leur population âgée, alors que la France plafonne

La vaccination des personnes âgées de 80 ans et plus a toujours été une priorité en France. Mais certains pays affichent un meilleur taux de couverture vaccinale, atteignant même 100%.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La vaccination des personnes âgées de 80 ans et plus atteint 86% en France alors que dans d'autres pays européens ce taux est à 100% (ERIC DERVAUX / HANS LUCAS)

Ils ont fait partie des premiers vaccinés contre le Covid-19 en France. Mais aujourd'hui, près de 15% des personnes âgées de 80 ans et plus ne le sont toujours pas. Elles sont 83% à avoir reçu un schéma vaccinal complet et 86% une seule dose, selon les données de Santé publique France du 21 septembre. Un chiffre qui inquiète le professeur Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique, car le "redémarrage de l'épidémie à l'automne" n'est pas à écarter, a-t-il alerté mardi 21 septembre dans Le Parisien (article abonnés)

Si la France doit encore vacciner "15% des 80 ans", qui font partie des plus fragiles face au Covid-19, d'autres pays d'Europe, eux, affichent un taux à 100%. Comment ont-ils procédé ? Quels sont les freins en France ? Explications. 

La vaccination totale des plus âgés va de pair avec un fort taux de vaccination global

Sur les 27 Etats membres de l'UE, ils sont six à avoir vacciné, avec au moins une dose, 100% de leur population de 80 ans et plus, selon les derniers chiffres du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). En tête du classement : l'Autriche, le Danemark, l'Irlande, Malte, le Portugal et l'Espagne. La France arrive en quinzième position derrière le Luxembourg, avec un taux de 85,8%.

Tous ces pays, dans leur campagne vaccinale, ont donné la priorité aux personnes âgées en commençant par les résidents de maisons de retraite et d'établissements de soins. Puis, étape par étape, le reste de la population a été vacciné, en commençant par les personnes âgées de 80 ans et plus. 

Ces taux à 100% sont corrélés à un taux élevé de vaccination générale dans ces six Etats européens, le Portugal en tête. Après avoir été rattrapé par la pandémie en début d'année et critiqué sur la mise en place tardive d'une stratégie vaccinale, le pays a très largement accéléré sa campagne. Il a atteint la barre des 84,5% de sa population totale ayant reçu un schéma vaccinal complet au 23 septembre, selon les chiffres de la plateforme Ourworldindata (lien en anglais). Il est même le premier pays sur l'échiquier mondial de la vaccination, selon ces données. Ensuite, se placent Malte (81,5%) et l'Espagne (près de 78%). La France, quant à elle, a pour l'heure vacciné totalement 72% de sa population.

Une forte adhésion des personnes âgées au principe de la vaccination dans ces pays

Balayons d'emblée l'hypothèse de la vaccination obligatoire. Elle n'a été appliquée dans aucun des pays qui ont totalement vacciné les 80 ans et plus. La première explication, c'est la forte adhésion des populations âgées, dans ces pays, au principe de la vaccination contre le Covid-19. Là encore, les Portugais sont les premiers Européens à considérer que les bénéfices du vaccin l'emportent sur les risques, avec un taux à 87% d'adhésion selon l'Eurobaromètre publiée le 10 septembre et dont se fait l'écho la direction générale de la santé portugaise (lien en portugais). Ce sont eux également qui défendent le plus le "devoir civique" de la vaccination. Chez sa voisine, l'Espagne, le mouvement antivax, ou du moins des réfractaires à la piqûre, a aussi eu peu d'ampleur.

Selon une récente étude de la Fondation espagnole pour la science et la technologie (Fecyt) (lien en espagnol), 83% de la population locale fait confiance à la vaccination contre le Covid-19. Dans la péninsule ibérique, la stratégie vaccinale a été "d'aller chercher les gens, un par un, méthodiquement, grâce aux registres de la Sécurité sociale", rapporte Le Monde (article abonnés). Plus particulièrement en Espagne, les centres de santé publics des quartiers, où sont regroupés les médecins, infirmiers et pédiatres de la santé publique, ont, par ordre de leur année de naissance, invité toutes les personnes âgées à se faire vacciner. Soit dans un centre proche de chez eux, soit à domicile. "Ils ont également rappelé les plus de 80 ans qui n'avaient pas répondu au premier appel", détaillent Les Echos (article abonnés)Parallèlement, les départements de santé des régions ont systématiquement envoyé un rendez-vous vaccinal par SMS.  

Malte et l'Islande (qui n'est pas membre de l'UE, mais qui figure dans ce classement) ont, eux, opté dès le départ pour la recherche d'une immunité collective avec une vaccination totale de la population. L'Islande, qui a dépisté très tôt ses habitants, a également tracé et isolé systématiquement la population contaminée. Le succès de cette stratégie repose aussi sur l'adhésion de la population islandaise à la vaccination, rappelle Le JDD (article abonnés).

En France, de la défiance et du retard

Dans l'Hexagone, le contexte est différent. Les Français figurent parmi les Européens les plus opposés à la vaccination. Courant juillet, ils étaient encore 16% à ne pas avoir "l'intention de se faire vacciner", selon un sondage OpinionWay, réalisé du 13 au 15 juillet pour Les Echos et Radio Classique. Selon l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, "même s'il faut continuer à rassurer les hésitants, il sera plus difficile de convaincre les opposés à la vaccination"

Car parmi les non-vaccinés, 52% se déclarent réfractaires à toutes les incitations à la vaccination telles que l'obligation du pass sanitaire, la fin de la gratuité des tests PCR ou encore la participation à l'effort collectif, selon la même étude. Un chiffre qui pourrait expliquer la difficulté à atteindre 100% des résidents vaccinés en Ehpad, pourtant cibles prioritaires depuis le début de la campagne de vaccination en France. Le taux de personnes vaccinées y plafonne à 92%, rapporte l'assurance-maladie aux Echos (article abonnés). "On arrive au seuil incompressible de la vaccination, avec des résidents sous tutelle ou sous curatelle dont les enfants refusent qu'ils soient vaccinés", analyse l'organisme de santé. 

Une autre explication réside dans l'autorisation tardive donnée aux médecins généralistes afin qu'ils appellent leurs patients non vaccinés dans le but de les "informer et sensibiliser" sur la vaccination. Fin juillet, la Cnil a donné son feu vert à la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) pour qu'elle puisse fournir les fichiers idoines aux médecins traitants. Le 21 septembre, environ 23 000 médecins sur les 56 000 recensés comme médecins traitants ont demandé leur liste, précise la Cnam à franceinfo. En parallèle, depuis le 26 juillet, le service médical de l'assurance-maladie appelle les 200 000 personnes ayant une ou des pathologies les plus à risque de développer des formes graves du Covid-19, parmi lesquelles de nombreuses personnes âgées. Au 16 septembre, sur les 57 231 appels passés, seuls 9 588 ont abouti à un rendez-vous de vaccination.

Quant aux caisses primaires d'assurance-maladie, présentes dans les départements, une vingtaine d'entre elles ont, ou vont, commencer des actions auprès des 75 ans et plus. Notamment en leur envoyant un courrier avec un créneau de vaccination et un bon de transport pour se rendre au rendez-vous.

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