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Covid-19 : comment le Portugal, ex-bon élève européen, s'est-il laissé déborder par la pandémie ?

Des files d'ambulances devant les hôpitaux, des chiffres sans précédent... Depuis le mois de janvier, le Portugal est complètement dépassé par la progression du Covid-19. 

Article rédigé par franceinfo
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Des soignants allemands sont arrivés en renfort dans un hôpital de Lisbonne, au Portugal, vendredi 5 février 2020.  (PAULO MUMIA / DPA)

Le Portugal a été rattrapé par la pandémie. Salué pour sa bonne gestion de la crise sanitaire au printemps 2020 – en dépit d'une population âgée, d'un faible nombre de lits en réanimation et d'une proximité inquiétante avec l'un des pays les plus durement touché d'Europe, l'Espagne –, le pays a fini par perdre le contrôle de l'épidémie de Covid-19 depuis le début de l'année.

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En dépit de l'instauration d'un nouveau confinement le 15 janvier, le pays a franchi deux semaines plus tard la barre des 300 décès en une seule journée. Une première. A l'échelle de la France, cela correspondrait proportionnellement à environ 2 000 morts par jour, selon le calcul vertigineux de Paris Match. Sur l'ensemble du mois de janvier, le pays de 10 millions d'habitants a enregistré 5 576 morts, soit près de la moitié (44,7%) de son total de victimes depuis le début de la pandémie, selon le site Our World in Data. Il est aussi devenu le pays du monde présentant le plus de nouveau cas de contaminations sur sept jours par rapport à sa population. Franceinfo se penche sur les raisons qui ont fait basculer le Portugal.  

Le relâchement des fêtes de fin d'année

Dès le mois de novembre, les autorités portugaises ont imposé des confinements partiels et des couvre-feux dans les régions les plus touchées. Les commerces, les restaurants, les bars, les espaces culturels ou religieux, avaient quant à eux restreint leurs horaires, mais pas fermé leurs portes. A l'approche des fêtes de fin d'année, le Portugal avait affiché une souplesse à contre-courant de ses voisins européens, décidant d'un allègement de ces restrictions pour Noël. Refusant d'interférer dans les foyers portugais, le Premier ministre, Antonio Costa, a invité les citoyens à la prudence et au respect des gestes barrières sans fixer un nombre maximum de convives, rappelle Politico (lien en anglais)

Conséquence : la transmission du virus s'est accélérée dès les premiers jours du mois de janvier. Le 7, Antonio Costa a annoncé la prolongation et l'élargissement des restrictions à la circulation et du couvre-feu déjà en vigueur dans certaines régions. Une semaine plus tard, il annonçait un nouveau confinement, plus strict encore, pour au moins un mois. Réélu à la présidence du pays le 25 janvier, Marcelo Rebelo de Sousa a sous-entendu que les restrictions pourraient se prolonger : "Ce que nous faisons tous, jusqu'en mars inclus, déterminera comment sera le printemps et, qui sait, l'automne", a-t-il déclaré. 

L'inévitable et incontrôlable propagation du variant anglais 

Selon le Premier ministre portugais, le pays s'est retrouvé dépassé par l'irruption du variant apparu en Angleterre : s'il avait "su à temps l'existence du variant anglais, les mesures qui ont été définies pour Noël auraient été différentes", a assuré Antonio Costa le 28 janvier, rapporte Le Monde. Selon les autorités sanitaires locales, ce variant représente déjà près de la moitié des nouveaux cas dans les régions de Lisbonne et de la vallée du Tage. 

Quand le pays a annoncé en décembre la restriction des vols en provenance du Royaume-Uni aux seuls citoyens et résidents portugais muni d'un test négatif, le variant avait déjà atteint le Portugal, destination prisée des Britanniques. Politico rappelle ainsi que 170 000 Portugais vivent au Royaume-Uni, tandis que 35 000 Britanniques résident au Portugal, favorisant les échanges à l'approche des fêtes de fin d'année. 

Un système de santé fragilisé

Le gouvernement a annoncé vendredi que le Portugal allait examiner la possibilité d'envoyer une dizaine de malades se faire soigner en Autriche, afin de soulager les hôpitaux sous pression. Mercredi, une équipe médicale de 26 personnes, dont huit médecins, 50 appareils respiratoires, 150 appareils de perfusion et 150 lits médicaux ont été acheminés à Lisbonne, en provenance d'Allemagne.

"Nous aidons nos amis au Portugal qui se trouvent dans une situation particulièrement dramatique", a commenté la ministre de la Défense autrichienne dans un communiqué. "Les hôpitaux sont saturés (...) Il y a des files ininterrompues d'ambulances devant les hôpitaux où l'attente peut durer jusqu'à 24 heures, avec parfois des gens sous oxygène dans les ambulances", confirmait vendredi un journaliste de Paris Match de retour du Portugal. "En à peine deux semaines, on a doublé nos capacités. Après un an de pandémie, la fatigue est immense alors que c'est maintenant le plus dur", a raconté à franceinfo Pedro Marquès, responsable de la communication de l'hôpital Santa Maria, le plus vaste du pays. 

"Malgré la réduction du nombre de nouveaux cas, l'énorme pression continuera à se faire sentir pendant encore deux-trois semaines", s'est alarmé vendredi sur Twitter un infirmier portugais, Mario Macedo. "Les unités de soins intensifs atteignent leur plus haut niveau jamais enregistré, avec une occupation bien supérieure à toutes les capacités installées, publiques et privées, en janvier 2020." Dans un message publié dimanche sur le réseau social, il déplore des conditions de travail à l'origine de la fuite de ces collègues expérimentés. L'année dernière "au moins un millier de collègues ont émigré. Nous continuons à proposer des contrats précaires et sous-payés. A ne pas renouveler les contrats et à gaspiller des ressources spécialisées et rares", écrit-il. 

Preuve d'un grave manque d'effectif, le gouvernement a autorisé l'embauche sous certaines conditions de professionnels diplômés à l'étranger, "exceptionnellement" et "pour un an", ainsi que le retour de médecins à la retraite et le renfort de professionnels n'ayant pas encore validé leur spécialité, détaille Le Monde.  Selon RFI, 11 000 professionnels de santé, dont une majorité d'infirmiers, ne peuvent pas travailler, ayant été contaminés par le virus. 

Un plan vaccinal retardé et critiqué

Enfin, la presse portugaise pointe du doigt les ratés de la campagne de vaccination, débutée au début du mois de janvier. Dans la semaine, la directrice générale de la santé a d'ailleurs tenté de rassurer la population en s'engageant à ce que chacun puisse être vacciné contre le Covid-19. Car la colère monte face aux retards et aux passe-droits accordés dans le cadre de cette campagne, relève l'agence de presse Reuters. Plusieurs maires, le mari d'une femme médecin ou encore la mère d'un prêtre ont déjà été vaccinés alors qu'ils ne figuraient pas parmi les personnes prioritaires. Or, les premières doses de vaccin sont censées être réservées au personnel exposé, aux résidents des Ehpad et aux personnes de plus de 80 ans.

Mercredi, le directeur de la cellule de vaccination, Francisco Ramos, a remis sa démission après avoir reconnu des "irrégularités" dans le processus de sélection des personnes à vacciner à l'hôpital de la Croix-Rouge, dont il est le directeur général. Au Portugal, pays de 10,3 millions d'habitants, seules 350 000 personnes avaient reçu jeudi une première dose de vaccin, et 75 000 une seconde injection de rappel.

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