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Coronavirus : six questions sur les "hôtels Covid" qui commencent à accueillir les malades

Dans plusieurs villes françaises, des malades du coronavirus convalescents ou atteints de formes légères sont hébergés dans des hôtels. L'Académie nationale de médecine plaide pour une généralisation de ce dispositif.

Article rédigé par franceinfo
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Un hôtel à Perpignan (Pyrénées-Orientales) accueillant des malades du coronavirus, le 15 avril 2020. (GUILLAUME HORCAJUELO / EPA)

Transformer des hôtels en centres d'accueil pour les malades du coronavirus. C'est ce que préconise l'Académie nationale de médecine dans un communiqué publié le 10 avril. Elle recommande que les malades du coronavirus atteints de "formes simples ou modérées" et les "patients convalescents sortant de l'hôpital" puissent être suivis dans des établissements hôteliers pour éviter la contamination au sein d'un même domicile.

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Le dispositif a déjà été mis en place dans plusieurs villes françaises, comme à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Mais la solution pourrait être généralisée sur tout le territoire pour prévenir une deuxième vague épidémique lors du déconfinement progressif. Franceinfo répond à six questions sur ces "hôtels Covid". 

1Pourquoi isoler les patients dans des hôtels ?

L'objectif est double. Il s'agit d'abord de soulager les hôpitaux, fortement sollicités par la crise. L'isolement de ces malades permettrait également de réduire la transmission au sein d'un même foyer, "qui contribuerait à l'entretien de l'épidémie", selon l'Académie nationale de médecine. Le dispositif s'appliquerait en particulier dans des situations où les caractéristiques du domicile et de l'entourage du patient ne permettent pas un confinement efficace. 

"Une grande partie des nouveaux cas de contaminations semblent se produire à la maison car à l'extérieur on est prudent, on respecte la distanciation sociale, on se lave les mains, mais une fois rentré chez soi, on baisse la garde, et c'est normal", illustre le professeur Yves Buisson, président du groupe Covid-19 de l'Académie nationale de médecine, au Figaro. Selon lui, le recours aux hôtels constitue une solution idéale puisqu'"en ce moment, [ils] sont pratiquement vides de leurs occupants habituels".

2Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

A Perpignan, 79 lits ont été libérés dans un hôtel qui accueille des patients depuis le 27 mars. Ils sont pris en charge par un médecin et deux infirmières, rapporte France 3 Occitanie. Des membres de la Fédération française de sauvetage et de secourisme se relaient également 24 heures sur 24, détaille 20 Minutes. Ils assurent une surveillance médicale, distribuent les repas et font le lien avec les familles. L'Etat et les collectivités locales financent ce dispositif. 

L'hôtel accueille deux types de patients : "Ceux à l'issue d'une hospitalisation qui n'ont plus besoin de soins hospitaliers et qui doivent rentrer à leurs domiciles. Puis, il y a ceux au tout début de la maladie, qui vont avoir besoin d'un confinement", indique Hugues Aumaître, chef de service maladies infectieuses du CHU de Perpignan, auprès de France 2

Pas question toutefois d'obliger les patients à s'isoler dans des hôtels. L'Académie de médecine recommande un placement sur la base du volontariat. "Le principe est d'offrir la possibilité aux gens malades ou susceptibles d'être contagieux d'éviter de contaminer leurs proches à la maison", explique Yves Buisson au Figaro.

On ne les oblige pas, on leur explique simplement qu'ils mettent en danger leur famille en rentrant chez eux.

Yves Buisson

au "Figaro"

A l'hôtel de Perpignan, les personnes admises ne sont pas autorisées à sortir de leur chambre. Mais elles peuvent quitter l'établissement au bout de quelques jours, si elles le souhaitent. La durée recommandée du séjour est variable. "Soit pendant une quatorzaine, si [la personne] n'est que 'contact', soit jusqu'à ce que deux tests par PCR négatifs aient confirmé sa guérison si [elle] est malade avec une forme modérée de la maladie", expose Yves Buisson.

3Qui est favorable aux hôtels Covid ?

Plusieurs médecins et spécialistes se sont prononcés en faveur de ces hôtels Covid. L'ancien directeur général de la santé, William Dab, regrette que cette mesure ne soit pas encore généralisée sur l'ensemble du territoire français. "On sait que les hôtels sont vides et on laisse retourner chez eux des gens contagieux. Et évidemment [...], ils contaminent d'autres gens", déplore-t-il, au micro de France Inter. "Il faut réquisitionner des hôtels et d'autres structures", insiste quant à elle Anne-Claude Crémieux, médecin infectiologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris, auprès de RTL. Elle y voit une solution indispensable "pour casser [la] transmission" du virus.

Comme à Perpignan, plusieurs villes ont montré leur intérêt pour ce dispositif. A Calvi (Haute-Corse) et à Poitiers (Vienne), des hôtels ont été réquisitionnés par les préfectures. La maire de Paris, elle, en fait l'une des pistes de son plan de déconfinement, envoyé au Premier ministre le 6 avril et révélé par Le Monde. Anne Hidalgo souhaite "faciliter la mobilisation de sites dédiés et d'hôtels" pour héberger les habitants atteints du coronavirus qui "ne peuvent être confinés chez eux dans des conditions satisfaisantes pour protéger leur entourage d'une contamination". Un centre d'entraînement de la Fédération française de tennis a déjà été mis à disposition de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). 

4Quelle est la position du gouvernement ?

Dès le 2 avril, le conseil scientifique mis en place par le gouvernement a évoqué (lien PDF) la nécessité de mettre en place "des modalités d'isolement des cas et de leurs contacts adaptées au contexte personnel" dans la stratégie de déconfinement.

Toutefois, au sein des autorités, les avis sont moins tranchés. Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a jugé samedi que l'isolement des personnes contagieuses ne constituait "pas un besoin particulier", pour le moment. "Personne ne sort avec 40 de fièvre et en toussant de l'hôpital", a estimé le directeur général de la santé, dans son point quotidien. 

Depuis l'allocution d'Emmanuel Macron, lundi soir, qui a esquissé les premières conditions préalables à un déconfinement progressif, le gouvernement se montre plus ouvert à cette idée. Olivier Véran, le ministre de la Santé, a assuré que "toutes les possibilités [étaient] à l'étude" pour isoler les malades, mardi matin, au micro de RTL. Même son de cloche chez Christophe Castaner, sur France Inter. "Ça fait partie des possibilités que nous retenons", estime le ministre de l'Intérieur, qui a souligné que la réquisition des hôtels était déjà mise en œuvre, "en particulier dans les Outre-mer" pour "mettre en quarantaine et accompagner des gens qui arrivent sur le territoire".

5Qu'en pensent les hôteliers ?

Dépourvus de voyageurs, ces établissements accueillent déjà des sans-abri ou du personnel soignant. Plus de 1 000 hôtels "pouvant être mis à disposition des préfets et des agences régionales de santé pour recevoir des personnels soignants, des routiers, des SDF et des malades sans gravité" ont été identifiés, selon Roland Héguy, président confédéral de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, première organisation patronale du secteur en France, au Figaro.

"Nous sommes prêts à rouvrir des hôtels, à condition d'être assurés d'un minimum de 50% de taux d'occupation"concède Jean-Virgile Crance, président du Groupement national des chaînes, auprès du quotidien économique. "Pour les malades, nous mettons à disposition l'hôtel, mais nous n'assurons pas un service hôtelier classique", poursuit-il. L'organisme réservataire (hôpital, Ehpad, Croix-Rouge…) "se charge de la gestion de quotidien" et les chambres sont facturées à prix coûtant.

Aujourd'hui, seules une poignée d'hôtels a été réquisitionnée pour accueillir des malades sans gravité. J'ai le sentiment que les préfets et les mairies commencent à tester cette opportunité.

Jean-Virgile Crance

au "Figaro"

Le président du groupe hôtelier Accor, qui accueille déjà des soignants, a annoncé sur France Inter, jeudi, la mise à disposition d'une partie de ses établissements pour accueillir des malades sans symptômes, mais contaminants. "L'AP-HP a décidé, avec les collectivités territoriales, notamment la mairie de Paris et la Seine-Saint-Denis, de lancer trois pilotes sur l'Ile-de-France", détaille-t-il.

6Le dispositif existe-t-il ailleurs dans le monde ?

La France pourrait s'inspirer de ses voisins européens pour mettre en place ces "hôtels Covid". En Espagne, la région de Madrid a été la première à médicaliser un palace, en mars. A Barcelone, 2 500 chambres d'hôtels ont été mises à disposition des autorités.

En Italie, pays européen le plus durement frappé par le coronavirus, les hôtels Covid se multplient en Lombardie, Toscane ou encore en Sicile. Ils auraient permis de libérer 2 000 lits dans les hôpitaux, selon Les Echos.

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