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Coronavirus : "On prend un trop grand risque par rapport à ce qu'on livre", témoigne un livreur Amazon

Aucun moyen de protection n’est fourni, assure Anthony qui a dû s’acheter son propre gel hydroalcoolique. Des 15 intérimaires qui ont commencé il y a deux mois, comme lui, seuls deux n’ont pas encore abandonné.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Livraison d'un colis Amazon (illustration). (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

En ces temps de confinement, la solution de facilité est, encore plus que d’habitude, de se faire livrer chez soi des objets divers ou de la nourriture. Mais les mesures sanitaires sont souvent très difficiles à respecter pour les livreurs. Vendredi 3 avril, l’inspection du travail a mis en demeure Amazon afin que le groupe améliore la sécurité de ses salariés, dans quatre dépôts en France (Brétigny-sur-Orge, Saran, Sevrey et Lauwin Planque).

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Le ministre de l'Économie Bruno Lemaire a lui aussi mis en garde le géant américain. La direction d'Amazon a bien annoncé la mise à disposition de masques dans les entrepôts et demandé à ses employés de prendre leur température mais les livreurs, aux contrats parfois précaires, se sentent toujours seuls, sans matériel de protection élémentaire.

Des clients qui ne respectent pas la distanciation

Il est 8h30, Anthony (prénom choisi par souci d'anonymat), démarre sa tournée parisienne : "On est bien chargés", constate le livreur Amazon en désignant le contenu de sa camionnette pleine à craquer. "Plus les semaines passent, plus on a de livraisons, ça n'arrête pas d'augmenter. Moi je suis monté de 75 à 99".  Sa journée, elle, a commencé plus tôt au dépôt, pour récupérer les colis, un moment qu’Anthony craint particulièrement : "C'est un hangar fermé où on charge tous ensemble. On est tous les uns sur les autres". Le livreur affirme qu'il n'y a pas de "mesure de sécurité", "c'est chronométré".


"Bonjour, c'est le livreur Amazon. Je vous le dépose ou je vous le monte ?", demande Anthony, visage tendu vers le digicode de l'immeuble. "Si vous pouvez le monter je veux bien. C'est au cinquième", lui répond le client. "Depuis que l'on est ensemble, je ne me suis pas encore lavé les mains", nous confie le livreur, la voix essoufflée par la montée des escaliers. "Faut vraiment faire vite, 99 (colis), c'est énorme !". Poignées de portes, digicodes, les zones de potentielle contamination sont nombreuses, d’autant plus quand les clients ne respectent pas la distanciation : " Je lui ai tendu, j'ai vraiment fait exprès de faire un mètre pour qu'il le prenne et il a mis sa main sur ma main".

Normalement on a une pause non payée d'une demi-heure mais on ne la prend jamais. C'est impossible, ça fait des sacrées journées de boulot.

Anthony, livreur Amazon

Aucun moyen de protection n’est fourni, assure Anthony. Le livreur s’est acheté son propre gel hydroalcoolique. Des 15 intérimaires qui ont, comme lui, commencé il y a deux mois, seuls deux n’ont pas encore abandonné. "Quand vous avez une journée comme ça, que vous ne connaissez pas trop, même pour aller aux toilettes ça devient un problème. On n'a le temps de ne rien faire."

Des achats non essentiels

Ce qui met en colère Anthony, c’est qu’il prend ces risques pour des livraisons qu'il ne juge pas toutes essentielles : "Des horloges, des jouets pour enfants, des barbecues électriques". Dans la camionnette ce matin-là, on devine aussi, à travers l’emballage, des croquettes pour chats, un matelas pneumatique, ou des livres. "Je trouve qu'on prend un trop grand risque par rapport à ce qu'on livre. Quand je travaille je me demande pourquoi on en est là, honnêtement."


De son côté, la direction d’Amazon explique que certains produits ont été "dépriorisés" sur son site internet, avec des délais de livraison allongés et que les équipements de protection pour les salariés vont arriver dans les jours prochains.

Le témoignage d'un livreur pour Amazon, avec Noémie Bonnin

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