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Coronavirus : le collectif Inter-Urgences dépose une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui"

Les soignants du collectif déplorent les "manquements" des autorités administratives françaises dans la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Ils entament cette démarche en justice pour obtenir des explications.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des soignants manifestent devant l'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de Paris, le 4 juin 2020. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS)

"Tout ce qui s'est passé autour des manques de moyens a créé beaucoup de méfiance et de défiance au sein de nos professions", constate Yasmina Kettal, infirmière à l'hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et membre du collectif Inter-Urgences, le CIU. Nous nous sommes retrouvés sans rien alors qu'on pensait a minima pouvoir se protéger."  

C'est pourquoi le collectif a décidé de porter l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris, le 2 juillet. Il s'agit, selon le CIU, de porter la voix des soignants assurant leurs missions dans des "conditions dangereuses" et "parfois au péril de leur vie". En se constituant partie civile, le collectif porte plainte contre X pour "abstention volontaire de prendre les mesures visant à combattre un sinistre", "homicide involontaire", "violences involontaires" et "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

"Une chaîne de dysfonctionnements"

"C'est important pour nous de pouvoir lancer cette action, souligne Yasmina Kettal. Pour pouvoir comprendre, vivre et se reconstruire, nous avons besoin de faire toute la lumière et en toute indépendance sur cette sombre partie de nos vies professionnelles et personnelles."

Aujourd'hui, alors que l'épidémie de Covid-19 semble s'atténuer dans l'Hexagone, le collectif ne baisse pas la garde. Depuis plus d'un an, il alerte "sur la crise que traverse l’hôpital public dans le plus grand des silences et depuis trop d’années". Le 25 mars, il avait déjà déposé une première plainte contre X pour les mêmes faits. Transmise au parquet en avril, cette plainte est "demeurée sans réponse", précise l'avocat Arié Alimi à franceinfo. 

Une enquête préliminaire est déjà ouverte suite à notre précédente plainte. Mais comme à présent nous nous portons partie civile, nous attendons l'ouverture d'une instruction avec la nomination d'un juge d'instruction indépendant. Et cela peut être fait rapidement.

Arié Alimi, avocat

à franceinfo

Le collectif, dans sa plainte, estime que les mesures adoptées par les autorités administratives n'ont pas été suffisantes pour lutter contre la propagation du virus. Le CIU souhaite que toute la lumière soit faite sur cette "chaîne de dysfonctionnements". "Nous, personnel soignant, sommes tenus pénalement responsables de nos actes, alors pourquoi pas elles ?" souffle l'infirmière. 

Nous ne sommes pas là pour faire une chasse aux sorcières. Nous voulons une reconnaissance de ce qui s'est passé et des défaillances.

Yasmina Kettal, infirmière membre du collectif

à franceinfo

Dans le document de 23 pages, que franceinfo a pu lire, est pointée une série de "manquements", notamment "l'abstention volontaire de prendre des mesures visant à combattre un sinistre". Ces manquements "caractérisent des comportements pénalement répréhensibles", estime Arié Alimi. "Des personnels soignants ont été contaminés et certains en sont morts, il y a clairement une faute caractérisée avec le non-approvisionnement en masques du personnel soignant alors qu'ils étaient en contact avec des malades atteints du Covid-19."

"Une impréparation structurelle"

Car pour les plaignants, "les autorités administratives avaient connaissance de la gravité de la situation, notamment des recommandations de l'OMS émises depuis le 17 janvier". "Il y a eu une impréparation structurelle de la part des autorités administratives, souligne l'avocat Arié Alimi. Alors qu'en 2015, un rapport sénatorial pointait déjà du doigt les graves insuffisances des autorités administratives en matière de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et notamment le manque 'dramatique' de masques dans les stocks."

Ce n'est pas l'avis de l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a été auditionnée par la commission d'enquête chargée d'évaluer la réponse gouvernementale à l'épidémie, mardi 30 juin. Selon Agnès Buzyn, "l'anticipation" face à l'épidémie a été "sans commune mesure avec les autres pays européens" et était "toujours en avance" par rapport aux alertes des organisations internationales.

La plainte du collectif pointe également le maintien du premier tour des élections municipales ou encore l'absence de dépistage automatique de toute personne présentant des symptômes du Covid-19. Quant aux responsables de ce que le collectif désigne comme des "manquements", "c'est au juge d'identifier qui n'a pas pris ces décisions en connaissance de cause pour réduire au maximum le risque"  souligne Arié Alimi.

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