Coronavirus : “La situation est exponentielle” en Guyane, selon un infectiologue de l'hôpital de Cayenne
Le département a été confiné de mi-mars à mi-mai, comme la métropole, alors que l'épidémie n'était pas encore très présente. Ces-jours-ci, le nombre de cas explose "avec des difficultés pour arriver à prendre tout le monde en charge au niveau des urgences", selon le docteur Loïc Epelboin.
L'épidémie de coronavirus est toujours très active en Guyane, où le nombre de nouveaux cas augmente tous les jours et où le pic de l'épidémie sera atteint la deuxième ou la troisième semaine de juillet selon l'agence régionale de santé. “La situation est exponentielle”, a confirmé mardi 23 juin sur franceinfo Loïc Epelboin, médecin infectiologue au centre hospitalier de Cayenne. La situation met, selon lui, en lumière “les difficultés du système hospitalier”. Le médecin estime que le reconfinement est une solution, mais cela “risque d'être difficile” en raison des conséquences économiques que cela implique.
franceinfo : Quelle est la situation sanitaire en Guyane actuellement ?
Loïc Epelboin : La situation est exponentielle, en quelques jours, on a accumulé autant de cas que depuis début mars. Les patients sévères affluent vers les hôpitaux et en particulier celui de Cayenne, avec des difficultés pour arriver à prendre tout le monde en charge au niveau des urgences. Des mesures ont été prises en urgence pour ouvrir des unités de prise en charge de ces patients Covid le plus vite possible. Pour l'instant, la réanimation tient la route, mais pour combien de temps ?
Les mesures d'urgence qui ont été prises sont-elles selon vous suffisantes ?
C'est difficile à dire. La Guyane a été confinée en même temps que la métropole, de mi-mars à mi-mai, à un moment où il y avait relativement peu de cas. On a déconfiné comme tout le monde mais à un moment où l'épidémie n'avait pas encore eu lieu, et là l'épidémie a commencé depuis trois semaines, venant de l'est de la Guyane. Les cas explosent.
La question qui se pose c'est le reconfinement certes, mais à quel prix ? On est dans un département avec une population très précaire, et qui a déjà beaucoup souffert du premier confinement.
Loïc Epelboin, infectiologue à Cayenneà franceinfo
Cela risque d'être difficile si on reconfine. Les gens ont peur [du Covid] mais ils ont aussi peur du reconfinement et de ses conséquences. Même pour les gens hors des quartiers précaires, ceux qui ont des petites entreprises qui risquent de s'écrouler, l'économie qui risque de ne pas repartir. Et puis, il y a aussi les privations de liberté qu'on subit depuis plusieurs mois et dont on nous annonce qu'elles pourraient durer jusqu'à l'automne, donc tout le monde est partagé.
Cette crise met-elle en lumière le retard pris par la Guyane au niveau des infrastructures, notamment sanitaires ?
Bien sûr. Vous avez peut-être entendu parler de ces mouvement sociaux en 2017. La Guyane a une population très éclectique, avec des groupes culturels, des ethnies très différentes, qui se sont réunis dans la rue pour dire que la Guyane avait 50 ans de retard sur tout un tas de choses, et la santé reste un des points sensibles du département, avec un hôpital qu'on aimerait mieux dimensionné, avec plus de lits, plus de possibilités, plus de services, plus de personnel. Mais comme partout en France la politique du gouvernement c'est de diminuer l'aide aux hôpitaux, de faire des coupes dans les personnels paramédicaux, et médicaux parfois. Ces phénomènes ajoutés mettent en lumière les difficultés du système hospitalier en France et de façon encore plus criante en Guyane où on est à la traîne et où on a encore beaucoup de besoins.
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