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Coronavirus : est-il possible de réhabiliter le Val-de-Grâce pour accueillir plus de malades à Paris ?

Professionnels de santé et responsables politiques réclament la réouverture de l'ancien hôpital militaire, fermé en 2016. Cette option, qui éviterait de multiplier les transferts de patients vers d'autres régions, est complexe à mettre en œuvre à court terme.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Entrée de l'hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, le 19 mars 2015.  (MAXPPP)

Près de trois hectares endormis en plein cœur de Paris. Les derniers patients ont quitté l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à l'été 2016 et deux ans plus tard, des militaires de l'opération "Sentinelle" ont quitté l'îlot Saint-Germain pour élire domicile dans une partie des bâtiments. Alors que plusieurs dizaines de malades du Covid-19 ont dû être transférés de l'Ile-de-France vers la Bretagne par TGV pour désengorger les établissements parisiens, certaines voix réclament aujourd'hui la réouverture du prestigieux hôpital. "On pourrait loger les militaires ailleurs dans Paris (...), libérer cet hôpital et le réarmer pour accueillir des patients", a notamment suggéré sur BFMTV l'infectiologue Eric Caumes, jeudi 2 avril.

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Une hypothèse envisageable ? Le Val-de-Grâce ne manque pas d'atouts. Au centre de Paris, sur le boulevard de Port-Royal, dans le 5e arrondissement, l'hôpital, qui a compté plusieurs centaines de lits, comporte des accès faciles à contrôler. Il faudrait toutefois commencer par mener un chantier titanesque pour pouvoir accueillir de nouveau des malades.

"La structure a été débarrassée du matériel médical et de tout l'environnement pour faire fonctionner un service de pointe, explique Yves Buisson, membre de l'Académie nationale de médecine. Les chambres de malades sont aujourd'hui devenues des chambres d'hôtel militaire et certaines zones de l'ancien hôpital sont plus ou moins utilisées comme débarras."

Des "problèmes d'infiltrations et d'humidité"

Par ailleurs, un hôpital doit être régulièrement entretenu pour garantir l'étanchéité et la propreté de la structure. Même dans une fonction réduite à la réanimation, "il y a aujourd'hui des problèmes d'infiltrations et d'humidité à résoudre au Val-de-Grâce", poursuit Yves Buisson, qui connaît bien les lieux. "Il faudrait donc prévoir un nettoyage, des travaux, installer les réseaux de fluides médicaux et remettre en état certains circuits électriques qui n'ont plus fonctionné depuis des années." De tels travaux nécessiteraient plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant de pouvoir y installer des respirateurs.

Les murs du Val-de-Grâce pourraient tout de même accueillir un hôpital de campagne, comme celui installé à Mulhouse, mais il faudrait être en mesure de répéter cette opération qui a déjà mobilisé d'importants moyens. "Il faut être pragmatique", estime le député MoDem des Landes Fabien Lainé, membre de la commission de la défense. "Est-il plus simple de réhabiliter les lieux ou de transférer les malades ? C'est une opération lourde de les transporter en avion militaire ou en TGV vers la Bretagne ou le Centre, mais cela permet aujourd'hui, même partiellement, de désengorger les hôpitaux parisiens".

Carte des transferts inter-régionaux de patients en réanimation réalisés entre le 18 mars et le 1er avril. (DIRECTION GENERALE DE LA SANTE)

"On abandonne des sites, mais il s'écoule tellement de temps… Il n'y a plus d'entretien minimum, regrette le sénateur LR Albéric de Montgolfier. C'est bien gentil d'armer un hôpital de campagne, mais nous avions une structure en plein Paris avec des normes hospitalières de haut niveau."

J'espère que les capacités hospitalières d'Ile-de-France et les transferts de patients permettront de passer le cap épidémique, mais à l'avenir, il faudra réfléchir à des endroits de gestion de crise.

Albéric de Montgolfier, sénateur LR

à franceinfo

Quid, enfin, d'un déménagement en urgence de plus de 300 militaires installés sur les lieux ? Contacté à ce propos, le ministère des Armées n'a pas encore apporté de réponse. De son côté, l'agence régionale de santé précise à franceinfo que les capacités d'accueil sont passées de 1 200 lits de réanimation "en routine" à plus de 2 400 lits opérationnels en Ile-de-France. "Cette crise nous montre qu'il faut savoir envisager toutes les hypothèses. Le recours à d'anciens hôpitaux pour accueillir des patients pourrait être envisagé, mais pas pour la prise en charge de patients en réanimation."

Plus que les lits, ce sont les ressources humaines, le matériel de ventilation artificielle et les produits de santé qui sont les principales sources de tension pour augmenter la prise en charge de nouveaux patients en réanimation.

Agence régionale de santé

à franceinfo

"Il faut mettre ce chantier en route"

Le sujet agite plusieurs élus, notamment dans l'opposition. Dans une question adressée au ministre de la Santé, le député LFI Eric Coquerel a évoqué l'urgence de rouvrir l'hôpital militaire, ainsi que des urgences de l'Hôtel-Dieu. "Si on pense que la crise peut durer plusieurs mois, il faut très vite mettre ce chantier en route, car nous risquons de le regretter dans les prochaines semaines, explique-t-il à franceinfo. Quand on voit l'impréparation du gouvernement au début de l'épidémie, il serait bien d'anticiper enfin un peu les choses."

"La capacité de lits de réanimation a été triplée en île-de-France depuis le début de l'épidémie, a également réagi la maire de Paris Anne Hidalgo. Des projets sont à l'étude, je les soutiendrai en intégrant si besoin Hôtel-Dieu et Val-de-Grâce." La première option semble toutefois plus réaliste à court terme. "Les urgences ont été fermées il y a dix jours, mais nous avons tout : l'oxygène et un scanner", explique l'urgentiste Gérald Kierzek. Le médecin propose un centre d'urgences de 60 à 100 lits, par exemple en post-réanimation, pour dégager des places dans les unités des autres hôpitaux parisiens.

Seule une mobilisation pharaonique pourrait aujourd'hui réveiller le Val-de-Grâce, ce qui laisse un goût amer à certains responsables politiques. La décision de vendre l'établissement a été prise en 2014, pour des raisons budgétaires. "Il aurait fallu engager 700 millions d'euros afin de le remettre aux normes de sécurité, pour une utilité militaire pas forcément justifiée", justifiait alors le ministère de la Défense dans Le Figaro. Les activités de l'hôpital d'instruction des armées ont alors été redistribuées entre les hôpitaux Percy (à Clamart, dans les Hauts-de-Seine) et Bégin (à Saint-Mandé, dans le Val-de-Marne), avant la vente prévue du bâtiment en 2021, pour environ 150 millions d'euros.

"Fermer a sans doute été un mauvais choix"

Cette échéance a été reportée après les JO de 2024. La partie dite "historique" (la chapelle, les bâtiments abbatiaux et les jardins à la française), elle, n'est pas destinée à la vente. Aujourd'hui, le doute est toutefois permis sur une future opération immobilière. "Ces revirements et l'indécision actuelle quant à l'avenir de l'édifice laissent toutefois penser que le ministère des Armées s'achemine vers une conservation, sans l'avouer clairement", soulignait un rapport du Sénat il y a encore quelques mois.

En novembre dernier, l'Académie nationale de médecine militait notamment pour un projet d'institut afin d'offrir "l'indispensable maintien d'une capacité hospitalière spécialisée complémentaire" aux soldats et aux grands blessés civils et militaires français et étrangers. "Nous nous en étions déjà rendu compte lors des attentats du Bataclan, fermer le Val-de-Grâce a sans doute été un mauvais choix, d'ailleurs motivé par des raisons budgétaires non confirmées", résume Yves Buisson.... "Le Val-de-Grâce aurait pu jouer un rôle très important pendant cette épidémie", conclut l'épidémiologiste.

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