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Coronavirus : cinq questions sur l'obligation de porter un masque dans les lieux clos, que le gouvernement étudie de près

Des médecins plaident pour rendre le masque obligatoire dans les lieux publics fermés, afin de limiter la résurgence du virus. Plusieurs pays européens ont déjà pris des mesures en ce sens.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une femme porte un masque de protection dans un magasin de prêt-à-porter, à Nice (Alpes-Maritimes), le 19 mai 2020. (ARIE BOTBOL / HANS LUCAS / AFP)

Pour contenir la résurgence du coronavirus constatée dans plusieurs pays d'Europe, la France va-t-elle finir par rendre obligatoire le port du masque dans les lieux publics clos ? L'idée fait son chemin. "La question de développer l'usage et le port du masque est bien à l'étude" et concernerait "prioritairement" les espaces intérieurs, a déclaré le Premier ministre, Jean Castex, dimanche 12 juillet lors de son déplacement en Guyane. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a enfoncé le clou sur franceinfo. "Est-ce que la recommandation chaleureuse doit devenir demain une obligation ? Cela fait l'objet d'une discussion", a-t-il déclaré. L'occasion de faire le tour du sujet en cinq questions.

1Pourquoi maintenant ?

Dans l'air depuis plusieurs semaines, la question a été de nouveau soulevée dans une tribune signée par 14 médecins dans Le Parisien-Aujourd'hui en France, samedi. "Contrairement au début de l'année, nous savons maintenant qu'une mesure de prévention efficace est le respect des gestes barrières dans les lieux clos très fréquentés. Le port du masque est ainsi une condition importante pour limiter la diffusion du virus", écrivent notamment le professeur Antoine Pelissolo et le docteur Jimmy Mohamed, qui cosignent le texte avec plusieurs infectiologues.

Le port du masque ne vise pas qu'à se protéger soi-même, mais aussi à empêcher la diffusion du virus ; à condition que tout le monde le porte !

Des médecins

dans une tribune publiée par "Le Parisien"

Une autre tribune d'un collectif de professionnels de santé a été publiée dans Libération, dimanche. Ils "alertent les autorités sanitaires sur l'urgence d'instaurer le port obligatoire du masque" dans les milieux fermés. Selon eux, "la règle de la distanciation de plus de un mètre en lieu clos ne suffit pas, elle a pour conséquence de faire croire à tort aux personnes qu'elles sont protégées".

Interrogé dimanche, Jean Castex a répondu à une question sur le port du masque et le rassemblement de 5 000 personnes lors d'un concert en plein air à Nice (Alpes-Maritimes). "Le port du masque est, vous le savez, l'une des manières de lutter, de prévenir la propagation de l'épidémie, et je vous confirme (...) que la question de développer l'usage et le port du masque est bien à l'étude". "La circulation du virus se constate d'autant plus que les lieux sont fermés", a-t-il fait valoir.

2Que disent les experts sur le port du masque en intérieur ?

"Les espaces confinés dans lesquels la foule s'entasse" apparaissent aujourd'hui comme le "cœur (...) de la contamination", estime le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, dans Libération (article payant). "Les espaces confinés sont un facteur de risque plus important", abonde l'épidémiologiste Pascal Crépey.

L'Académie de médecine s'est d'ailleurs positionnée très tôt en faveur du port du masque. "En l'absence de vaccin et de médicament efficace contre le Sars-CoV-2, le seul moyen de lutte consiste à empêcher la transmission du virus de personne à personne", écrivait-elle dès le 22 avril, dans un communiqué.

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Les derniers avancements semblent lui donner raison, car l'hypothèse d'une propagation du virus par voie aérienne progresse, notamment dans les espaces publics intérieurs. Un groupe de 239 scientifiques internationaux a appelé, le 6 juillet, dans une lettre adressée aux autorités de santé, à reconnaître la capacité du virus à se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres. S'il n'y a pas de consensus scientifique sur la transmission aéroportée du virus, la prudence est de mise. "La transmission par l'air de Sars-CoV-2 n'est pas universellement acceptée, mais notre opinion collective est qu'il existe bien assez d'éléments probants pour appliquer le principe de précaution", écrivent les signataires de cette lettre.

3Les lieux clos seront-ils les seuls concernés ?

Le Premier ministre a simplement indiqué, dimanche, que l'éventuelle obligation de porter un masque concernait "prioritairement (...) tous les lieux clos". "Toute la question est celle des lieux fermés où les gens sont rassemblés [et] ne peuvent pas respecter la distance d'au moins un mètre. Aujourd'hui, nous recommandons à ces Français qui risquent de ne pas pouvoir respecter la distance et donc de s'exposer à la transmission du virus de porter un masque", a ajouté Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur franceinfo.

La France pourrait-elle également exiger le port du masque dans la totalité de l'espace public ? Le gouvernement écarte l'idée pour l'instant, mais certaines voix s'élèvent en faveur d'une telle décision. "Je demande au gouvernement de décider que, même en espace extérieur, le port du masque soit obligatoire", a déclaré le maire de Nice, sur France 2, lundi.

"On ne coupera pas à l'obligation du port du masque dans l'espace public", a pour sa part estimé Jean-François Mattéi, président du conseil d'administration de l'Académie nationale de médecine et ancien ministre de la Santé (2002-2004), lundi sur franceinfo. "Il n'y a pas une personne sur cinq qui porte un masque dans le supermarché. (...) Je pense que c'est stupide et dangereux", tranche-t-il. D'après lui, "la maîtrise de l'épidémie ne pourra se faire que si le masque est porté par tous dans le domaine public".

4Qui décide d'une éventuelle obligation ?

L'état d'urgence sanitaire a pris fin le 10 juillet à minuit, mais jusqu'au 30 octobre, le Premier ministre peut ordonner par décret plusieurs mesures afin de lutter contre l'épidémie de Covid-19, explique le site officiel de l'administration française. Les préfectures sont ensuite chargées de mettre en œuvre ces mesures décidées au sommet de l'Etat.

A l'échelle locale, le maire peut imposer le port du masque de façon ponctuelle. Le maire LR de Nice, Christian Estrosi, a par exemple annoncé qu'il imposerait désormais le masque pour les grands événements que sa municipalité organise. Il demande à l'Etat d'en faire de même.

5Des pays européens ont-ils déjà imposé le port du masque ?

La Belgique a imposé, vendredi 10 juillet, le port obligatoire du masque dans la plupart des lieux fermés, comme les magasins, les cinémas ou encore les musées, comme l'a rapporté France 3 Hauts-de-France.

En Allemagne, le port du masque est requis pour emprunter les transports ou se rendre dans les magasins.

En Irlande, depuis le 29 juin, le port du masque est obligatoire dans les transports, les magasins et les restaurants.

Au Portugal, les équipements de protection (comme les masques ou les visières) sont obligatoires dans les lieux qui ne permettent pas de maintenir une distance entre les personnes, notamment les espaces fermés.

En Croatie, le port du masque est obligatoire depuis lundi dans la plupart des espaces publics fermés, c'est-à-dire dans les commerces pour les employés et les clients, ainsi que pour le personnel des bars, des restaurants et des lieux où il y a un contact étroit avec les clients.

En Catalogne, depuis le 9 juillet, le port du masque est obligatoire dans tous les lieux publics, à l'intérieur comme à l'extérieur, même si la distance de 1,5 mètre est garantie entre les individus. Seules personnes exemptées : les enfants de moins de 6 ans et les sportifs (lorsqu'ils pratiquent). Si cette consigne n'est pas respectée, les contrevenants s'exposent à une amende de 100 euros.

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