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Covid-19 : les chiffres avancés par Emmanuel Macron pour justifier le confinement sont-ils exacts ?

Le président de la République a dressé un tableau noir de la situation mercredi pour justifier un nouveau confinement, évoquant notamment les seuils d’alerte, les contaminations, ou encore le nombre de morts... Franceinfo passe ces chiffres en revue.

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Emmanuel Macron annonce le reconfinement du territoire français depuis l'Elysée (Paris), le 28 octobre 2020.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le président de la République a aligné les chiffres et les phrases choc, mercredi 28 octobre. De fait, alors que l'épidémie de Covid-19 ne parvient pas à être endiguée, provoquant un nouveau confinement, les indicateurs sont aujourd’hui au rouge. Pour autant, Emmanuel Macron a-t-il toujours été précis dans ses affirmations lors de son allocution ? Franceinfo a repris ses déclarations pour les vérifier.

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"L'ensemble des régions se trouve aujourd'hui au seuil d'alerte"

EN PARTIE VRAI. En prenant en compte les départements et régions d'Outre-mer, seule la Guyane n'a pas atteint un seuil d'alerte. Par ailleurs, à l'exception de la Guadeloupe, de Mayotte, de La Réunion, du Finistère, du Morbihan, des Côtes-d'Armor et de la Charente-Maritime, tous les départements se trouvent au moins en alerte renforcée. Pour classer les territoires face à la circulation du virus, le gouvernement s’appuie sur trois indicateurs : le taux d’incidence pour la population dans son ensemble, le taux d’incidence pour les plus de 65 ans, et le taux d’occupation des services de réanimation. A partir de ces indicateurs, les départements peuvent être classés selon trois seuils différents : alerte, alerte renforcée et alerte maximale. Les dernières données analysées par franceinfo montrent que 54 départements sont en alerte maximale et 39 en alerte renforcée.

"Le nombre de contaminations a doublé en moins de deux semaines"

VRAI. Pour suivre la vitesse de propagation du virus, les épidémiologistes recommandent d’évaluer le temps nécessaire au doublement du nombre de nouveaux cas positifs recensés chaque jour. Le graphique ci-dessous, réalisé par franceinfo, permet de mesurer cet indicateur à l’aide des courbes des nouvelles contaminations des pays européens. On peut déduire la vitesse de progression du virus en comparant les trajectoires des pays avec les lignes de référence en pointillé (qui permettent de visualiser si les cas doublent toutes les 1, 2, 3 ou 4 semaines).

Actuellement, la courbe de la France montre que le nombre de nouveaux cas double en moins de deux semaines. "Aujourd’hui, la progression du virus est telle qu’on ne peut plus suivre. Les contaminations augmentent à un rythme exponentiel", constate Renaud Piarroux, professeur de médecine à la Pitié-Salpêtrière, auprès de franceinfo.

Rythme de progressiondu Covid-19 en Europe (FRANCEINFO)

Les experts s’accordent par ailleurs pour dire que le nombre de contaminations est probablement très sous-estimé. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, estimait jeudi le nombre de personnes infectées à "probablement un million". Pour arriver à ce chiffre, le ministre se base sur le nombre de nouveaux cas positifs par jour, réévalué avec les cas non détectés, et multiplié par la période de contamination. Il y a "40 000 à 50 000 diagnostics par jour (...) sept à dix jours de contamination, et on estime qu'on en attrape un sur deux", détaille-t-il. Une méthode de calcul validée par les experts : "Le nombre de cas positifs [recensés] ne représente qu’une fraction. Beaucoup de gens ne se font pas tester. On estime qu’un peu moins de la moitié des contaminations sont repérées", confirme Renaud Piarroux. Interrogé par franceinfo, Guillaume Rozier, data scientist qui suit l’évolution de la pandémie sur le site covidtracker.fr, arrive au même ordre de grandeur qu'Olivier Véran.

"Près de 9 000 patients seront en réanimation à la mi-novembre"

VRAI. Ce chiffre est issu des dernières projections mises à jour par l’Institut Pasteur. Dans un rapport soumis mardi au conseil de défense, que le journal Les Echos a pu consulter, les modélisateurs estiment que les patients atteints du coronavirus pourraient occuper plus de 40 000 lits d’hospitalisation et plus de 9 000 lits de réanimation à la mi-novembre. Des chiffres très largement au-dessus des capacités normales des hôpitaux, qui étaient de 5 080 avant la pandémie, et qui s'élèveraient aujourd’hui à 5 800. En croisant ce chiffre avec le bilan quotidien des hospitalisations de Santé publique France, le taux d’occupation des services de réanimation par des patients Covid serait actuellement de 52% au niveau national, comme le montre le graphique ci-dessous.

Pour absorber cet afflux de patients, le gouvernement affirme que les capacités d’accueil en réanimation peuvent être augmentées au moins jusqu’à 12 000 places. Les hôpitaux peuvent en effet transformer d’autres unités de soins, équipées d’arrivées d’oxygène et disposant d'un personnel capable de s’occuper des malades, comme l’explique franceinfo. Au plus fort de la première vague, ces capacités supplémentaires avaient permis de faire passer le nombre de lits de réanimation de 5 000 à près de 10 000. Mais les médecins craignent de ne pas pouvoir reproduire cet exploit. "Le contexte n’est pas le même aujourd’hui. Beaucoup de malades non-Covid sont encore à prendre en charge. Nous n’avons pas la même marge de manœuvre qu’au printemps", s’inquiète notamment Renaud Piarroux.

La deuxième vague "sera sans doute plus dure et plus meurtrière que la première"

C'EST POSSIBLE. D’après un recensement réalisé par l’Institut national d'études démographiques (Ined), le Covid-19 avait fait 33 885 victimes en France en date du 20 octobre. Les épidémiologistes craignent que ce bilan ne s’alourdisse fortement pendant la deuxième vague, notamment parce que le virus touche aujourd’hui une plus large partie du territoire. Une situation qui rend plus complexe la redistribution des patients à travers le pays.

La stratégie de l'immunité collective conduirait à "au moins 400 000 morts supplémentaires"

VRAI. L'immunité collective consiste à laisser s’infecter naturellement une part de la population moins vulnérable. Le chiffre donné par le président se base notamment sur les travaux des épidémiologistes Arnaud Fontanet et Simon Cauchemez, publiés en septembre dans le journal Nature Reviews Immunology (article en anglais). Les deux chercheurs se basent sur le fait qu’il a fallu 30 000 morts pour atteindre 5% d’immunité collective à l’issue de la première vague en France. "Si on applique ce même taux de mortalité pour la suite, on s’attend à 300 000 morts pour atteindre 50% d’immunité collective et 396 000 morts pour atteindre 66%", expliquent à franceinfo Arnaud Fontanet et Simon Cauchemez. "Il est clair pour nous que la seule façon d’atteindre le seuil d’immunité collective requis est grâce à un vaccin, d’autant qu’on ne sait pas combien de temps l’immunité acquise par infection naturelle se maintient."

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