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Covid-19 : comment les intervenants du documentaire "Hold-up" réagissent-ils à sa diffusion polémique ?

La sortie du film de Pierre Barnérias, la semaine dernière, a mis dans l'embarras certains de ses intervenants, estimant que leurs propos ne s'inscrivaient pas dans la tonalité générale du documentaire accusé de complotisme.

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Philippe Douste-Blazy, lors d'une conférence de presse à l'occasion de l'Assemblée mondiale de la Santé, le 23 mai 2016, à Genève (Suisse). (FABRICE COFFRINI / AFP)

"Ma seule intention était de proposer enfin un autre son de cloche sur la gestion de cette épidémie et d'ouvrir le débat." Quelques jours après la sortie du documentaire Hold-up, Pierre Barnérias, son réalisateur, s'est expliqué sur Twitter samedi 14 novembre. Et pour cause, certains intervenants ont émis de vives critiques à l'encontre du film de 2h43 prétendant dénoncer les "mensonges" autour de la pandémie de Covid-19, dans lequel ils apparaissent. Hold-up défend notamment la thèse selon laquelle les puissances mondiales étatiques ou les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) organisent une manipulation des populations à travers le Covid-19 qui serait un virus créé de toute pièce.

Parmi la trentaine de personnes interrogées en qualité de politiques, professionnels de santé ou citoyens en alerte sur la crise, plusieurs d'entre elles ont donc émis un droit de suite à leur intervention. Franceinfo fait le point sur la position des principaux intervenants, qu'ils se désolidarisent du documentaire ou qu'ils en assument la tonalité complotiste malgré la polémique.

Ils regrettent leur passage

La sociologue Monique Pinçot-Charlot, présente pendant quelques minutes à la fin du documentaire et reprise dans la bande-annonce de celui-ci, a évoqué ses "regrets" dans une série de 12 messages postés sur le compte Twitter qu'elle partage avec son mari, lui aussi sociologue. Elle avait évoqué un "holocauste" des "3,5 milliards de pauvres" de la planète au profit "des plus riches". Un terme qu'elle a regretté d'avoir utilisé. "Mon objectif de faire comprendre la gravité de notre avenir sur la planète, m'a conduit à employer le terme inapproprié d'holocauste au lieu de celui d'extermination, et je vous présente mes excuses très sincèrement."

Elle a également critiqué la narration du film dans son ensemble, dénonçant une "instrumentalisation" de ses propos pour illustrer un "montage choc au service de l'émotion et de la colère". Alors qu'elle affirme avoir "été interviewée pendant plus d'une heure", elle déplore que son passage ne dure que "deux minutes". Enfin, elle affirme aussi que, contrairement à l'engagement des réalisateurs et producteur du film, aucune copie ne lui a été transmise avant sa diffusion. Une affirmation démentie par l'équipe du film sur Twitter.

Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé sous le dernier quinquennat de Jacques Chirac, s'est lui aussi désolidarisé de ce documentaire. Dans un entretien sur RMC lundi 16 novembre, il a même demandé à ce que le réalisateur "retire" son intervention du film car il estime être en désaccord avec trois thèses développées dans celui-ci. "D’abord, que la pandémie serait connue et prévue depuis 3, 4, 5 ans. Que Bill Gates, patron de Microsoft, avec qui j’ai travaillé dans l’association que j’ai fondée, l’Unicef, profiterait de la pandémie pour gagner de l’argent. Ça, j’avoue que je n’en reviens toujours pas. Et enfin que c’est l’institut Pasteur, qui est l’un des plus grands fleurons de la science mondiale, qui aurait fabriqué le virus."

Il assume, mais reconnaît le caractère complotiste du film

Pour d'autres, à l'image de Laurent Toubiana, chercheur à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et épidémiologiste, il n'est pas question de se désolidariser du film. Il confie à franceinfo être "très fier d'y avoir participé" et "qu'on lui ait demandé d'y participer", car il est important pour lui "que des gens s'expriment même s'ils sont un peu à côté de la plaque. Cela permet de renforcer le débat".

Classé dans la catégorie des "rassuristes", ce chercheur assume ainsi avoir dit, dans le documentaire, que la seconde vague de l'épidémie de Covid-19 en France et en Europe ne "viendrait pas". Il y affirme avoir analysé au printemps que cette épidémie n'était pas "différente" des autres. Il indique également avoir "pu donner le moment où l'épidémie allait atteindre son pic" ainsi que "la fin de l'épidémie" en l'ayant "déduit de ses connaissances de la maladie".

Il estime néanmoins que le documentaire contient "des aspects complotistes". "Le fait qu'on puisse accuser des gens d'avoir prémédité tout un plan pour assujettir les populations, ça me gêne énormément parce que je n'y crois pas du tout. Mais il y a des choses intéressantes dans ce film et les gens sauront faire la part des choses de la même manière qu'ils font la part des choses dans toutes les informations qu'ils reçoivent depuis des mois sur l'épidémie et dont la plupart sont fausses".

Ils assument leur passage

De son côté, la députée du groupe Libertés et Territoires Martine Wonner, psychiatre de profession, a pour sa part affirmé sur Twitter le 11 novembre "soutenir" la sortie du film dans lequel elle apparaît. Dans le documentaire, elle fait notamment l'apologie du traitement à l'hydroxychloroquine, défendu par le professeur Didier Raoult. Membre de la commission des affaires sociales, elle a plusieurs fois été amenée à poser des questions à l'Assemblée nationale au ministre des Solidarités, Olivier Véran. Les positions anti-masques de la députée ont d'ailleurs souvent provoqué la colère du ministre à l'hémicycle.

Violaine Guérin, endocrinologue et gynécologue, ne regrette pas non plus son apparition. Dans le documentaire, elle déplore que son association "Laissons les médecins prescrire" n'ait pas pu administrer l'hydroxychloroquine aux patients pendant la première vague de l'épidémie. Dans un tweet posté le 14 novembre, elle critique même les revirements de Monique Pinçot-Charlot et Philippe Douste-Blazy. "Quand on donne son accord pour une interview, on agit en grand garçon ou grande fille et on prend ses responsabilités", a-t-elle commenté.

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