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C'est dans ma tête. Quand les problèmes économiques viennent s'ajouter aux problèmes sanitaires

Si le déconfinement nous a permis de retrouver en grande partie le monde extérieur, nous réalisons que ce monde témoigne d'une situation très préoccupante, notamment sur le plan économique. De nombreuses personnes s'inquiètent pour leur santé et aussi pour leur avenir.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La crise sanitaire inquiète encore, les problèmes économiques et professionnels s'ajoutent aux angoisses de nombreuses personnes. Photo d'illustration. (GETTY IMAGES)

Le déconfinement nous a rouvert les portes du monde extérieur, mais elles se sont rouvertes sur une situation économique très préoccupante. Et de nombreuses personnes voient s’ajouter, aux craintes qu’elles avaient déjà pour leur santé, et celle de leurs proches, des angoisses, très importantes, quant à leur avenir économique.

franceinfo : nous aimerions revenir avec vous, Claude Halmos, sur ces craintes qui se font jour, de plus en plus, dans notre pays

Claude Halmos, psychanalyste : Le déconfinement apparaît à beaucoup de gens, comme une libération. Mais il est très difficile pour ceux qu’il confronte à des angoisses majeures, quant à leur avenir économique, alors même qu’ils sont déjà très éprouvés par celles qu’ont fait naître en eux la pandémie, et le confinement. Et ces deux types d’angoisses, qui pour eux s’additionnent, ont en commun, il faut le souligner, d’être dans notre société, notablement sous-estimées.            

Que voulez-vous dire ?        

Notre société fonctionne sur la croyance - implicite, mais très ancrée - que les êtres humains ne pourraient être affectés profondément, sur le plan psychologique, que par ce qui se passe dans leur vie privée. Et que ce que leur fait éprouver leur vie sociale ne serait pour eux, que mineur.

On attribue rarement, par exemple, le suicide d’un chômeur, aux souffrances liées au chômage, et on cherche, dans sa vie privée, ce qui pourrait l’y avoir poussé. Cette conception du psychisme humain est fausse (parce que nous sommes des êtres doubles : mi-"privés" (si l’on peut dire), mi-sociaux. Mais elle a des conséquences graves.              

Lesquelles ?          

Elle explique sans doute - en partie - la brutalité avec laquelle nos gouvernants, qui semblent les considérer comme des êtres sans émotions ni sentiments, continuent à traiter les citoyens. Alors même que le mouvement des Gilets jaunes a montré combien ils pouvaient s’en sentir humiliés.

La prolongation, proposée, de leur confinement a été vécue, par exemple, par les personnes âgées, comme non seulement discriminatoire, mais humiliante. Voir certains privés de prime, alors que tous se sont donnés sans compter, conduit les soignants à se sentir non seulement lésés, mais trahis et, là aussi, humiliés. Et provoque une colère qui peut d’ailleurs les conduire à se jeter demain, avec beaucoup d’autres, dans les bras de quiconque saura la manipuler.

Et au niveau individuel ?            

Cette conception conduit les individus à sous-estimer le poids de ce que leur fait vivre la société, et donc à attribuer leurs souffrances à des faiblesses personnelles ; ce qui bien sûr les fragilise. Or, devoir fermer son entreprise, ou perdre son emploi, c’est être atteint au cœur même de ce qui fonde sa certitude d’avoir, dans la société, une identité, une place, et une utilité. C’est une blessure majeure et toujours, même si l’on est psychologiquement solide, dangereuse.

Il serait donc urgent que, même si les souffrances liées au chômage ou à la précarité, n’intéressent pas les pages "psy" des magazines, on accepte, enfin, d’entendre leur importance, et celle de leur prise en charge.                              

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