Accord sur le pétrole : Trump "a vraiment été, comme il l'est toujours, un très bon joueur de poker" en réussissant "un deal au bord du gouffre"
L'accord annoncé par l'Opep dimanche "ne sera pas le miracle attendu" pour faire remonter les prix, estime l'économiste Philippe Chalmin. Mais il "marque le retour des États-Unis sur la scène géopolitique".
Les pays exportateurs de pétrole, l'Arabie saoudite, les États-Unis et la Russie en tête, ont convenu dimanche soir d'une baisse de production d'une ampleur inédite dans l'espoir d'enrayer la chute des cours en pleine pandémie de coronavirus. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) annonce une réduction de l'offre pétrolière d'environ 10 millions de barils par jour en mai et en juin, sur 100 millions produits quotidiennement.
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Philippe Chalmin, économiste et professeur à l’université Paris-Dauphine, a estimé, lundi 13 avril sur franceinfo, que cet accord "peut être suffisant pour que le marché du pétrole trouve un plancher" mais ça "ce ne sera pas le miracle attendu" pour faire remonter les prix.
Pour Philippe Chalmin, "l'accord marque le retour des États-Unis sur la scène géopolitique. Donald Trump a quand même réussi à mettre ensemble Vladimir Poutine et l'Arabie saoudite". "Il a vraiment été, comme il l'est toujours, un très bon joueur de poker" en réussissant "un deal au bord du gouffre".
franceinfo : Cet accord inédit de l'Opep sera-t-il suffisant ?
Philippe Chalmin : Il peut être suffisant pour que le marché du pétrole trouve un plancher dans la zone des 40 dollars le baril. À court terme, il est manifestement insuffisant pour compenser la baisse de la demande, puisqu'on s'attend à ce que sur les dernières semaines d'avril et le mois de mai, la demande soit en chute de l'ordre d'un bon tiers. Et sur un marché mondial de 100 millions de barils jour, ça fait 30 millions de barils jour de moins. Or ce week-end, cet accord qu'il faut quand même saluer, a retiré une dizaine de millions de barils jour du marché. Il y aura aussi probablement une baisse de la production américaine, du fait de prix de moins en moins incitatif, on dit qu'un certain nombre d'autres pays, comme la Norvège, comme le Canada, pourraient suivre donc même au maximum, en imaginant que les Chinois se mettent à faire des stocks, on arriverait peut être à une vingtaine de millions de barils en moins par jour à court terme. Et je vous ai dit que la demande risquait elle de baisser de 30 millions barils jour. Donc, le marché va rester probablement dans la zone des 30 dollars et ça ne sera pas le miracle attendu par Donald Trump.
Les consommateurs ne doivent donc pas s'attendre à une augmentation du prix à la pompe ?
Non. Je trouve même que les prix à la pompe ont été relativement assurés dans leur baisse, ils devraient même continuer à baisser. Mais de toute manière, même dans un pays comme les États-Unis où Dieu sait si on aime rouler en voiture, etc. La baisse de la consommation d'essence sur la deuxième quinzaine de mars et le début d'avril a été presque de 50%. Des chiffres pratiquement jamais vus. Alors, il y a quand même une chose qu'il faut souligner, c'est que l'accord marque à mon sens, le retour des États-Unis sur la scène géopolitique. Donald Trump a quand même réussi à mettre ensemble Vladimir Poutine et l'Arabie saoudite qui avait quand même déclenché la crise. Et même au dernier moment, il a tendu la main à son vieil ennemi, un autre populiste, de gauche celui-ci, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador.
Donc cet accord est plus politique qu'économique ?
C'est quand même économique. On allait dans le mur : s'il n'y avait pas eu d'accord les prix tombaient à 10 dollars le baril. Donc, il y a eu quand même un peu d'économie. Mais il y a aussi énormément de géopolitique. Et finalement, je pense que l'essentiel ça a été la reconstitution d'une sorte d'axe Trump-Poutine. Ils ont tordu le bras de l'impétueux et imprévisible prince héritier saoudien qui avait déclenché la crise. Et je vous dis simplement, le dernier petit caillou à la fin c'étaient les Mexicains qui ne voulaient pas réduire leur production. Et il a dit : si c'est comme ça, les États-Unis vont compenser. Il a vraiment été, comme il l'est toujours, un très bon joueur de poker. Il a réussi un deal au bord du gouffre. Sachant que de toute manière, le contre-choc pétrolier est quand même là pour rester. Les engagements qui ont été pris de réduction de production devrait se prolonger sur la fin 2020-2021. Et là, on peut imaginer qu'une fois le coronavirus passé, la consommation reprendra. Par exemple la consommation de kérosène, qui représente quand même un peu moins de 6-7% de la consommation mondiale de pétrole, elle est en baisse de 80%. Tout ceci va reprendre et donc on peut imaginer que les prix du pétrole remonteront dans la zone peut être 50-60 dollars vers la fin de l'année ou le début d'année prochaine au mieux.
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