Pourquoi la reconversion de Laure Manaudou vers la kinésiologie fait des vagues

L'objectif de l'ancienne championne olympique de natation de devenir kinésiologue met un coup de projecteur sur cette méthode qui n'est pas validée scientifiquement et qui peut donner lieu à des dérives.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'ancienne nageuse aux trois titres olympiques, Laure Manaudou, à La Défense Arena le 1er août 2024 lors des JO de Paris, pour lesquels elle a été relayeuse de la flamme et consultante pour France Télévisions. (FRANCOIS-XAVIER MARIT / AFP)

Reconversion surprise pour l'ancienne nageuse. Dans une interview accordée au magazine Femme Actuelle le 20 septembre dernier, Laure Manaudou, 38 ans, confie : "J'ai terminé mon cursus de formation en kinésiologie, j'ai validé mes 600 heures de stage, il ne me reste plus qu’à passer la certification”. Cette pratique fait partie des médecines dites alternatives et est dans le radar de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. En se lançant dans ce projet, alors qu'elle bénéficie d'une certaine popularité, Laure Manaudou pourrait légitimer la kinésiologie et inciter davantage de personnes à se tourner vers cette pratique pourtant non consensuelle.

Depuis sa retraite sportive définitive en 2013, l'ancienne nageuse a mené plusieurs projets. Elle a notamment lancé sa marque de maillots de bain en 2013, ainsi qu'un parfum en 2019, baptisé "4.03.03" qui correspond au temps de son record du monde sur 400m nage libre établi en 2006. Elle est aussi conférencière et régulièrement consultante sur les compétitions de natation pour France Télévisions, comme lors des derniers Jeux olympiques à Paris. Elle se tourne désormais vers la kinésiologie : "Comment gérer en groupe, comment aider les personnes psychologiquement ? C'est quelque chose qui me passionne", explique-t-elle dans Femme Actuelle.

Une méthode qui n'est pas scientifiquement reconnue

La décision de l'ancienne sportive n'est pas passée inaperçue. Un article de Sports.fr se demande même : "Laure Manaudou dans une secte ?" La kinésiologie à laquelle elle s'adonne est une pratique qui n'est pas reconnue par la communauté scientifique. La méthode qui signifie étymologiquement "la science du mouvement" est apparue dans les années 1960 aux États-Unis. D'après ses promoteurs, cités par le Conseil national de l'Ordre des médecins, la kinésiologie est une "technique de rééquilibrage psychocorporelle" qui repose sur un "test musculaire de communication". Toujours d'après ses défenseurs, elle "peut aider sur des problématiques physiques […] et psychoémotionnelles, comme le stress ou les difficultés d’apprentissage, de sommeil, d’alimentation", peut-on encore lire dans le rapport de l'Ordre des médecins de juin 2023 portant sur "Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives".

"Aucune formation n'est reconnue scientifiquement."

Le Conseil national de l'Ordre des médecins à propos de la kinésiologie

dans son dernier rapport sur les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives

Pour l'Ordre des médecins, la kinésiologie fait courir le risque à certains patients de s'écarter de traitements essentiels, "ce qui peut entraîner une perte de chance ou un risque vital". Il alerte aussi sur "la pratique du charlatanisme" et "l'exercice illégal de la médecine", autant de synonymes de dérives sectaires à surveiller.

De plus en plus d'adeptes

La kinésiologie est justement dans le radar de la Miviludes, pour qui "la radicalisation de certains adeptes de cette mouvance a conduit à des dérives à caractère sectaire". L'organisme gouvernemental rappelle que les parents d'un petit garçon ont été condamnés en 2005 pour la mort de celui-ci de malnutrition. Ils avaient adopté un régime végétalien au nom de la pratique de la kinésiologie notamment.

La kinésiologie compte néanmoins de plus en plus d'adeptes, selon un sondage d'Odoxa pour l'Unadfi, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes, réalisé en mai 2023 avec le soutien de la Miviludes. Elle fait partie des "pratiques montantes" : 58% des interrogés qui ont testé la kinésiologie l'ont fait ces dernières années. Parmi ces nouveaux adeptes se trouve désormais Laure Manaudou.

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