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Crise de l'hôpital : rémunérations trop faibles, manque de personnel... Pourquoi des syndicats et des collectifs appellent-ils à manifester ce mardi ?

Des rassemblements sont prévus dans au moins cinquante villes de France pour dénoncer un "hôpital désespérément maltraité". La situation critique dans 20% des services d'urgences est au cœur des revendications.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un soignant manifeste à Paris, le 19 mars 2022. (MARTIN LELIEVRE / HANS LUCAS / AFP)

Les blouses blanches sortent dans la rue. En pleine crise des urgences et à quelques jours des élections législatives, neuf syndicats (dont la CGT, SUD et la CFE-CGC) et collectifs (dont Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences) organisent une journée de mobilisation, ce mardi 7 juin, dans au moins cinquante villes en France. A Paris, les manifestants sont attendus devant le ministère de la Santé à partir de 13h30. Franceinfo fait le tour des raisons de la colère des soignants.

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Parce que la situation est critique dans les urgences

Les urgences craquent de toutes parts. Près de 120 services d'urgences sont en grande difficulté en raison d'un manque de personnel, selon une liste établie début juin par le syndicat Samu-Urgences de France (SUdF). Cela représente près de 20% des 620 établissements – publics et privés – qui disposent de telles unités en France. Conséquence : celles-ci sont déjà contraintes de limiter leurs activités ou s'y préparent.

Dans ces conditions, "l'accès aux soins de premiers recours est de plus en plus compliqué, s'indignent dans un communiqué commun les neufs syndicats et collectifs qui appellent à une journée de manifestation ce mardi. La crise est déjà là, mettant en danger la santé de la population."

Parce que les soignants réclament des recrutements et des augmentations

Rien de nouveau sur les pancartes des soignants. "Les revendications sont
inchangées depuis trois ans", clament les syndicats et collectifs hospitaliers dans leur communiqué. Celles-ci portent principalement sur deux points : le recrutement immédiat de professionnels supplémentaires et la revalorisation générale des salaires.

Sur le premier point, les organisations syndicales demandent également un plan de formation pluridisciplinaire, ainsi que des ratios de professionnels adaptés à la charge de travail et le respect des équipes et des plannings. Concernant les hausses de salaires, elles doivent permettre la reconnaissance des contraintes et des pénibilités horaires ainsi que des qualifications des professionnels, selon les organisateurs de la journée de mobilisation. Ces derniers réclament également un renforcement des moyens financiers pour les établissements. 

Ces mesures sont très attendues par les professionnels. "Dans mon service, j'ai été obligée de fermer dix lits sur trente par départ de personnel", souligne la professeure Agnès Hartemann, cheffe du service de diabétologie de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ce qui me soucie, c'est que les gens soient bien au travail pour bien soigner les patients."

Parce que le Ségur de la santé a déçu

C'était l'un des plans phares du précédent quinquennat d'Emmanuel Macron : le Ségur de la santé, doté de 19 milliards d'euros, devait permettre d'investir massivement dans les hôpitaux, avec des recrutements, des revalorisations et des ouvertures de lits à la clé. Mais il a été jugé défaillant. "Le Ségur a accouché d'une souris, balaie la professeure Agnès Hartemann. Le président dit qu'il est là, mais il n'est pas là."

Les investissements insuffisants du Ségur sont pointés par de nombreux professionnels qui peinent toujours à recruter du personnel adapté. Et ce n'est pas tout : certains soignants hospitaliers se considèrent également oubliés par ce grand plan, quand d'autres critiquent le fait que le mode de financement de l'hôpital, avec la tarification à l'activité, ne soit pas remis en cause. "Malgré le Ségur, on est dans une catastrophe hospitalière", a renchéri la docteure Jehane Fadlallah, médecin à l'hôpital Saint-Louis à Paris, sur BFMTV.

Parce que "la mission flash" lancée par Emmanuel Macron ne convainc pas

Face à ces difficultés, Emmanuel Macron a tenté une nouvelle approche. Le chef de l'Etat a annoncé, mardi 31 mai, le lancement d'une "mission flash" "d'un mois sur les soins non programmés", avant d'entamer une table ronde avec "tous les acteurs de la santé [urgentistes, infirmiers, médecins généralistes, administration] de l'accès aux soins urgents et non programmés"Mais la démarche n'a pas convaincu.

Les opposants y voient surtout un stratagème pour "repousser les décisions après les législatives" des 12 et 19 juin, alors que le système de santé est déjà "en situation de catastrophe", a dénoncé l'urgentiste Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé, lundi sur RFI"On s'attend à un mois de juillet particulièrement difficile et à un mois d'août horrible" et "cette mission flash, c'est un peu une insulte pour nous", a même estimé Pierre Schwob-Tellier, du collectif Inter-Urgences, lors d'une conférence de presse jeudi.

Certaines pistes de cette "mission flash" inquiètent particulièrement, comme l'obligation d'appeler le 15 pour filtrer l'accès aux urgences, mise en œuvre à Cherbourg ou à Bordeaux. Un scénario "injouable" pour Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui prédit une explosion des appels vers des Samu "déjà débordés". Avec un risque de perte de chance pour les patients, c'est-à-dire un risque direct pour leur vie.

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