"Nous réanimons des bébés dans les couloirs" : un rapport alerte sur la situation des soins critiques pour les nouveau-nés
Des données "préoccupantes". La Société française de néonatologie (SFN) alerte sur l'état de la prise en charge des nourrissons vulnérables ou malades, dans un rapport (document PDF) publié lundi 9 octobre. Mortalité infantile, conditions de travail, qualité des soins… Cette association d'experts a compilé, pour la première fois, des données sur cette spécialité médicale qui prend en charge les nouveau-nés vulnérables (enfants prématurés, malades de malformations congénitales ou dont l'accouchement a engendré des complications), jusqu'à 28 jours après leur naissance.
La SFN révèle d'abord que le taux d'occupation moyen des lits de réanimation réservés aux nouveau-nés est "supérieur à 100%, environ 20% du temps". "Cela veut dire que le taux est dépassé et que pendant ce temps, nous réanimons des bébés dans les couloirs", dénonce Jean-Christophe Rozé, président de la SFN et professeur au CHU de Nantes. De plus, "23% des services déclarent refuser régulièrement des entrées critiques, faute de place", note le rapport.
Des lits inégalement répartis
A cela s'ajoute une autre problématique : les lits de réanimation néonatale sont inégalement répartis sur le territoire. "Pour bien fonctionner, il faut au minimum un lit pour 1 000 naissances", explique Jean-Christophe Rozé. Or, ce taux d'équipement varie énormément d'une région à l'autre. Avec 1,28 lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances, la région Grand Est la mieux dotée, tandis que les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur ferment la marche en France métropolitaine, avec respectivement 0,8 et 0,6 lit disponible pour 1 000 naissances. "L'offre de soins critiques néonatals reste insuffisante", indique le rapport, et ce, "malgré la baisse récente de la natalité".
La SFN s'est également penchée sur le temps de travail des soignants. Côté médical, parmi les 721 pédiatres néonatologistes interrogés, une écrasante majorité (80%), a déclaré travailler plus de 50 heures par semaine, et 13% plus de 75 heures hebdomadaires. "En outre, 49% des néonatologistes interrogés ont déclaré avoir des troubles du sommeil en lien avec leur travail, et 17% ont déclaré avoir eu un épisode de burn-out ou de dépression", dénonce encore l'étude. Conséquence : "au moins un poste de pédiatre néonatologiste est vacant dans 73% des services de type 3 [les maternités équipées pour les soins de néonatalogie et pour la réanimation néonatale], et deux ou plus sont vacants dans 46% des services."
Enfin, du côté paramédical, "près de 80% des services de type 3 comptent au moins 1/3 de leur effectif infirmier ayant moins de deux ans d'expérience", alors qu'il s'agit de la durée "nécessaire pour atteindre un niveau de compétence suffisant pour exercer" dans ces services, déplore le rapport.
La mortalité infantile en hausse depuis dix ans
Dernier point inquiétant, selon les professionnels, la hausse de la mortalité infantile depuis dix ans. Contrairement à ses voisins européens, la France présente une courbe de la mortalité infantile en hausse sur la dernière décennie. "Il est frappant de voir que certains pays vont dans la bonne direction, comme la Suède, alors que d'autres se dirigent dans la mauvaise, comme la France", regrette Jean-Christophe Rozé.
La situation est si préoccupante que notre pays, qui occupait la troisième place du classement des nations européennes à la mortalité infantile la plus faible, se trouve désormais en vingtième position. "On a 1 000 enfants de moins d'un an qui meurent en plus, par rapport aux pays comme la Suède et la Norvège. Parmi eux, environ 700 ont moins d'un mois", regrette le professeur à l'université de Nantes. A noter que "cet excès de mortalité se situe [à la fois] parmi les nouveau-nés extrêmes prématurés et les nouveau-nés à terme", relève le rapport.
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