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Eric Zemmour et la scolarisation des enfants handicapés : retour sur la polémique en cinq actes

Le candidat d'extrême droite estime que les enfants en situation de handicap doivent être scolarisés dans des établissements spécialisés, et non avec les autres enfants. Devant la controverse, il a nuancé son propos, mais dénonce toujours "l'idéologie égalitariste".

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Eric Zemmour, candidat du parti Reconquête ! à la présidentielle, à Honnecourt-sur-Escaut (Nord), le 14 janvier 2022. (JAAK MOINEAU / HANS LUCAS / AFP)

Ses propos ont fait un tollé dans le monde politique. Eric Zemmour s'est attiré une bronca générale, samedi 15 janvier, après avoir dénoncé "l'obsession de l'inclusion" des enfants handicapés et défendu des "établissements spécialisés" pour les scolariser. Face aux nombreuses critiques, il a nuancé ses propos, tout en condamnant "l'idéologie égalitariste". Retour sur cette polémique en cinq actes.

Acte 1 : Eric Zemmour dénonce "l'obsession de l'inclusion" 

Tout commence à Honnecourt-sur-Escaut (Nord), vendredi 14 janvier. Le candidat d'extrême droite discute avec des enseignants acquis à sa cause. Sur la scolarisation des enfants handicapés, Eric Zemmour estime qu'"il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés, évidemment".

"Pour le reste, oui, je pense que l'obsession de l'inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu'il faut des enseignants spécialisés qui s'en occupent."

Eric Zemmour

lors d'une discussion avec des enseignants

Acte 2 : les critiques des politiques fusent

Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée du Handicap, a fustigé samedi sur Twitter "une déclaration pitoyable". "Très en colère" sur BFMTV, elle a critiqué une "vision misérabiliste" et "excluante" du handicap. "Bien sûr que c'est compliqué, mais c'est vraiment l'honneur de la France de pouvoir scolariser ces enfants avec les autres, au milieu des autres", a-t-elle ajouté.

Lui-même en situation de handicap, Damien Abad, chef de file des députés Les Républicains, a dénoncé des propos "scandaleux" et une "ségrégation à tous les étages". "Oui, nous devons avoir l'obsession de l'inclusion. Je demande des excuses publiques", a-t-il lancé sur Twitter"Mon projet, c'est plus d'inclusion pour les enfants fragiles", a déclaré Valérie Pécresse en marge d'un déplacement en Grèce, fustigeant "la brutalité" des propos d'Eric Zemmour. De son côté, Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national, a jugé "impardonnable" de "s'attaquer aux enfants fragilisés par un handicap".

A gauche, les critiques ont été nombreuses : "Il est comme toujours dans l'outrance, la violence et l'injure", a déclaré Anne Hidalgo, la candidate du PS. Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France insoumise, a fustigé "une vision du monde opposée" à la sienne. Fabien Roussel, le candidat communiste, s'est dit "révulsé" par les propos d'Eric Zemmour, condamnant une "société d'apartheid".

Acte 3 : le monde associatif monte au créneau

Les réactions ont également été vives dans le milieu associatif. Le président national de l'Association pour adultes et jeunes handicapés, Jean-Louis Garcia, s'est ému sur BFMTV de ce qu'il considère être une "ségrégation", une "mise à part", tandis que la présidente de SOS autisme France, Olivia Cattan, s'est "indignée" de propos jugés "discriminatoires" qui montrent une "méconnaissance" du candidat Zemmour sur le sujet. Ils l'ont renvoyé à la loi de 2005 qui garantit l'égalité des chances pour les enfants handicapés. Comme l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM), qui dénonce aussi un manque de moyens spécialisés.

Le président de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP) Matthieu Annereau, par ailleurs élu local LREM et non-voyant, a quant à lui estimé que "l'exclusion des 12 millions de personnes handicapées en France évoquée par monsieur Zemmour [était] profondément nauséabonde".

Acte 4 : Eric Zemmour nuance son propos

Face au tollé, l'ancien polémiste est revenu sur ses propos. Il s'est d'abord expliqué, samedi, à Villers-Cotterêts (Aisne). "Bien sûr, il y a des cas où le fait de les mettre dans un établissement ordinaire est une bonne chose car ça leur permet de progresser, de se socialiser. Et puis il y a d'autres cas, réels, plus nombreux qu'on ne le dit, où c'est une souffrance pour ces enfants" handicapés, a-t-il déclaré. "Ce que j'ai voulu dire, c'est que je ne veux pas que l'obsession de l'inclusion nous prive et nous conduise à négliger la nécessité d'établissements spécialisés", a-t-il poursuivi. 

Samedi, il a publié un message vidéo dans lequel il a dénoncé des "propos détournés" par des "politiciens" coupables selon lui de "mensonges" et "d'hypocrisie".

Il s'est une nouvelle fois expliqué, dimanche. Invité de l'émission "Dimanche en politique", sur France 3, il a une nouvelle fois dénoncé "l'idéologie égalitariste", et a reprécisé ses propos : "Qu'est-ce que j'ai voulu dénoncer ? Sous le prétexte de l'inclusion à tout prix, on ferme de nombreux établissements spécialisés", a-t-il déclaré. Il a assuré avoir voulu dénoncer le manque de moyens pour les structures spécialisées. Selon lui, en mettant les enfants handicapés dans les établissements non-spécialisés, "l'Education nationale fait des économies sur le dos des enfants qui souffrent le plus".

Acte 5 : Emmanuel Macron défend la France, "une nation solidaire, humaniste"

On "ne peut se prétendre amoureux de la France et nier à ce point ce que nous sommes", a réagi Emmanuel Macron devant des proches, après les propos d'Eric Zemmour sur le handicap, a appris franceinfo, dimanche, confirmant une information du journal Le Parisien. La France est "une nation solidaire, humaniste, qui ne divise ni ne stigmatise. Une nation qui, par-delà les sensibilités politiques, a toujours su faire des différences une richesse et une force", a ajouté le président de la République.

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