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Pénurie de médicaments : la Ligue contre le cancer demande des "punitions financières" contre les laboratoires pharmaceutiques

75% des patients atteints de cancer disent avoir été confrontés à une pénurie de traitements, selon une enquête de Ligue contre le cancer.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Les locaux de la Ligue nationale contre le cancer à Lille. (SEBASTIEN JARRY / MAXPPP)

Jean-Paul Vernant, professeur émérite d’hématologie, vice-président de la Ligue contre le cancer, demande lundi 20 septembre sur franceinfo qu'il y ait des "punitions financières" contre les laboratoires pharmaceutiques alors que les pénuries de médicaments sont de plus en importantes. 75% des patients atteints de cancer disent avoir été confrontés à une pénurie de traitements, selon une enquête de Ligue contre le cancer. Il s'agit de médicaments tombés dans le domaine public pas assez rentables pour les industriels. Jean-Paul Vernant préconise de créer "un établissement français du médicament".

franceinfo : Ces pénuries sont-elles de plus en plus en importantes ?

Jean-Paul Vernant : Elles s'aggravent. Il y a vingt ans, il y avait 50 ou 60 pénuries par an. Actuellement, près de 2 500 sont recensés par l'Agence du médicament. Ces pénuries ne touchent que des médicaments qui sont dans le domaine public, des médicaments anciens qui existent depuis 20 ans, 30 ans, 40 ans, 50 ans. Ces traitements ne sont pas chers et les marges bénéficiaires pour les industriels sont peu importantes. Cela ne rapporte plus assez d'argent, contrairement aux innovations thérapeutiques qui, elles, ont des marges bénéficiaires énormes. Ce sont des médicaments qui sont dans le domaine public et qui représentent 70% ou 80% des traitements que nous utilisons pour traiter le cancer. Or, pour ces médicaments, l'industrie pharmaceutique, afin de garder des marges bénéficiaires satisfaisantes, fait des économies sur leur production. C'est ainsi que les principes actifs, c'est-à-dire la molécule qui est efficace, sont désormais fabriqués dans les laboratoires de chimie en Inde et en Chine. Le façonnage, la fabrication du produit fini avec l'adjonction d'excipient, avec la bonne concentration dans des ampoules, dans des gélules, est fabriqué par des sous-traitants dans nos pays.

franceinfo : Les conséquences peuvent-elles être dramatiques pour les malades ?

Gravissime ! Il y a une pénurie chronique et actuellement encore un contingentement concernant le BCG. Ce vaccin est extrêmement efficace lorsqu'on l'injecte en intravésicale pour les cancers de la vessie. Compte tenu des tensions qu'il y a encore actuellement sur la production de BCG, au lieu de d'administrer un traitement médical efficace comme le BCG ou un autre médicament qui est également sous tension, on est parfois contraint de faire des ablations de la vessie à certains patients. C'est absolument dramatique.

Il y a deux ans, le gouvernement a décidé d'imposer une obligation de stocks de deux mois pour les laboratoires. Cela n'a-t-il pas eu d'effet ?

Cela a été voté il y près de deux ans. Le temps que les décrets d'application soient mis en place, en avril ou mai dernier, ils entrent en fonction seulement ce mois-ci. Bien évidemment, cela met un temps fou et nous demandions des stocks de quatre à six mois. Nous n'avons obtenu que des stocks de deux à éventuellement quatre mois. Or, lorsque la pénurie dure six mois, huit mois, un an, le stock de deux mois est très vite épuisé.

Faut-il tordre le bras aux laboratoires ?

La Ligue contre le cancer souhaite que l'information soit transmise aux patients, qu'on leur explique pourquoi lorsqu'il y a une pénurie, on donne un traitement alternatif plutôt que le bon traitement. La deuxième chose : il convient de rapatrier en Europe la production des principes actifs. En France, en particulier, certains laboratoires de chimie sont prêts à faire cela. Ils le faisaient, il y a vingt ans. On leur a retiré ce travail pour le confier, par souci d'économie, à des pays d'Extrême-Orient. Et puis, il convient d'imposer des stocks. Si ces stocks ne sont pas fournis, il faut qu'il y ait des punitions financières données aux industriels. Troisième point : puisque ces vieux médicaments n'intéressent plus tellement les industriels, nous sommes un certain nombre à souhaiter que soit créé en France ce qu'on pourrait appeler un établissement français du médicament, c'est-à-dire une structure donneuse d'ordre qui travaille dans le cadre d'une association public-privé. Il faudrait que cette structure publique fasse travailler des laboratoires de chimie privés français et des façonniers français qui travaillent déjà actuellement pour l'industrie pharmaceutique, mais dans le désordre le plus complet.

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