Cancer du sein : des tests pour une prise en charge plus individualisée
Depuis environ 5 ans, les tests génomiques permettent d'évaluer le risque plus ou moins élevé de récidive et de métastase que présente un cancer. Ce risque est en effet révélé par l'étude des gènes de la tumeur. L'intérêt ? Assurer une prise en charge personnalisée et éviter les chimiothérapies inutiles dans les cancers du sein hormono-dépendants et dits infiltrants.
"Le but est de définir les patientes qui ont besoin d'une chimiothérapie en plus, détaille le Dr Marc Espié, cancérologue et responsable du centre des maladies du sein à l'hôpital Saint-Louis, à Paris. On fait de la chimiothérapie en plus quand le pronostic n'est pas bon." Avant les tests, l'usage de la chimiothérapie était large, dans le doute d'une récidive : on préférait ne pas prendre de risque et traiter à tout prix. "Grâce à eux, on a une meilleure sélection pour savoir quelles patientes nécessitent de la chimiothérapie. On admet que cela réduit de 30% les indications."
Des traitements supplémentaires quand les résultats du test sont mauvais
"Environ 60% des patientes atteintes de cancer du sein sont traitées par chimiothérapie, soit 30 000 femmes", estime le Dr Daniel Zarca*, gynécologue et chirurgien cancérologue. "Mais toutes les patientes ne sont pas concernées par la chimiothérapie, seules celles qui sont dites HR2 négatives, avec des récepteurs positifs aux estrogènes le sont, précise le Dr Barrière, directeur France de Genomic health, laboratoire qui produit l'un des 4 tests possibles.
Le test génomique est fait sur un échantillon de la tumeur, après que celle-ci a été retirée par le chirurgien. Le matériel génétique est alors extrait et analysé : 21 gènes (16 de la tumeur et 5 de référence) sont testés afin de déterminer un score, allant de 0 à 100. "Plus le score est bas et moins la tumeur a besoin de chimio (moins la tumeur a de risque de récidiver), reprend le cancérologue. Si le score est élevé on donnera une chimiothérapie à la patiente."
Selon le Dr Barrière, on évite 40% de chimiothérapies inutiles grâce à cette médecine de précision. "A l'inverse, vous pouvez en faire bénéficier certaines patientes à risque extrême, qui n'auraient reçu sur les critères classique qu'une hormonothérapie et chez qui le test révèle qu'elle tirera un intérêt dans les 5 ans en termes de récidive."
Un test encore peu utilisé en France
Le test génétique est effectué dans de nombreux pays, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne. L'American society of clinical oncology et l'European society of medical oncology ont émis des recommandations positives sur son utilisation. Pourtant, la France tarde à systématiser l'usage du test. "Première raison, le test n'est pas pris en charge par l'assurance-maladie, détaille le Dr Zarca. La deuxième raison s'explique par la méfiance de certains médecins vis-à-vis du test. Ce test est une révolution, qui a une valeur prédictive bien supérieure à tous les examens que l'on a." Il estime toutefois que les mentalités évoluent en France et que le retard sera comblé.
Pour le Dr Espié, ces tests soulèvent des problèmes financiers puisqu'ils coûtent tout de même 3000€ (en sachant que 1800€ sont pris en charge actuellement par le Ministère de la santé, grâce à un financement particulier mais temporaire). Un argument balayé par le Dr Barrière : "on réalise malgré le prix des économies en évitant un traitement onéreux, l'hospitalisation, le transport, les effets secondaires,… plus les répercussions sur le patient et sur son emploi…"
"Jusqu'à présent, on préfère traiter un risque statistique de rechute, en sachant qu'à l'échelle de la population on apporte un bénéfice de 20 à 30% en termes de réduction de risque de mortalité. Mais à l'échelon d'un individu donné, on n'en sait rien. Avec ces tests, on a quelques données supplémentaires mais même avec eux, la certitude absolue n'existe pas…" nuance encore le Dr Espié.
*Le Dr Zarca déclare être consultant pour Oncotype DX®.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.