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Un rapport dévoile comment le pouvoir syrien a contourné l’accord de démantèlement de ses armes chimiques

Un rapport très documenté, établi par deux ONG, décrit comment le régime syrien a contourné l'accord sur le démantèlement de ses armes chimiques. Il avait été conclu après le bombardement au gaz sarin sur la banlieue de Damas, en 2013.

Article rédigé par Valérie Crova
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un Syrien marche au milieu d'immeubles très endommagés dans une rue de Zabdin, dans la région de la Ghouta orientale, à la périphérie de Damas, le 8 octobre 2018. (LOUAI BESHARA / AFP)

En août 2013, 1 200 habitants de la Ghouta, la banlieue de Damas, en Syrie, l'un des quartiers à la pointe de la rébellion contre le régime de Bachar el-Assad, succombaient par suffocation après une attaque au gaz sarin. Cette attaque avait conduit les États-Unis, la France et le Royaume-Uni a planifier des bombardements avant qu'un accord de dernière minute ne soit passé entre Washington, Moscou et Damas.

Cet accord prévoyait de détruire le stock d'armes chimiques syrien ainsi que son système de production. Un an plus tard, l'arsenal chimique existant avait été détruit, selon les conclusions l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Cet organisme avait envoyé des enquêteurs sur place. Or, les attaques chimiques se sont poursuivies après 2013. Ainsi en avril 2017 un bombardement sur la ville de Khan Cheikhoun, près d'Idlib, ville tenue par les rebelles, avait provoqué la mort de 200 personnes, elles aussi asphyxiées par du sarin.

Les réserves d'armes chimiques déplacées

Dans un rapport étayé de 90 pages, Open Society Justice Initiative et Syrian Archive démontrent que les autorités syriennes se sont jouées de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Les deux ONG qui militent contre l'impunité du régime syrien révèlent notamment que les réserves d'armes chimiques ont été déplacées avant que les enquêteurs de l'OIAC ne débarquent en Syrie en 2013. Le rapport se base sur les témoignages d'une cinquantaine de fonctionnaires syriens qui ont fait défection.

Selon ces sources, le pouvoir syrien a utilisé de nombreux stratagèmes : transfert d'une partie du stock d'armes et de substances létales dans les bases de la Garde républicaine, l'unité d'élite du régime ; arrestation et parfois même élimination des employés et de certains fonctionnaires jugés douteux par leurs supérieurs, car susceptibles de passer à l'opposition ou de fuir à l'étranger ; enfin, toujours selon ces sources, le régime a mis en place une filière d'importation de produits entrant dans la composition d'agents neurotoxiques, notamment le sarin.

Au total, 69 produits différents ont ainsi été exportés vers la Syrie selon le rapport que le journal Le Monde a pu consulter. Des produits qui venaient de 39 pays dont certains se trouvent en Europe. Ils ont fourni par exemple de l'isopropanol qui entre dans la composition du gaz sarin. Les deux ONG qui ont rédigé ce rapport ont identifié des entreprises basées en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse. Entreprises qui sont passibles de sanctions judiciaires pour violations des restrictions à l'importation imposées à la Syrie. Trois entreprises belges ont déjà été condamnées l'an dernier et le gérant de l'une d'entre elles a écopé d'un an de prison. Une enquête a par ailleurs été ouverte aux Pays-Bas.

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