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Syrie : quatre questions sur la nouvelle attaque aux armes chimiques attribuée à Bachar Al-Assad

Les Occidentaux, l'Arabie saoudite, le Qatar et Bahreïn accusent le régime syrien d'avoir mené une attaque chimique à Douma, samedi, ce que dément Bachar Al-Assad. Alors que la Syrie devait avoir détruit son arsenal chimique, les frappes au chlore et au gaz sarin semblent pourtant se poursuivre.

Article rédigé par franceinfo
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Une femme syrienne dans la Ghouta orientale, près de Damas, la capitale syrienne, le 27 février 2018. (SAMER BOUIDANI / DPA / AFP)

Au fil des ans, les accusations se poursuivent contre le régime syrien. Après les bombardements menés à Douma (Syrie), Donald Trump et Emmanuel Macron ont "vivement condamné [une] horrible attaque chimique", tout en accusant Bachar Al-Assad d'en être le "responsable", assène la Maison Blanche, lundi 9 avril. Cette annonce intervient à la suite de plusieurs témoignages faisant état d'une frappe aux gaz toxiques, deux jours plus tôt, dans l'ultime poche rebelle de la Ghouta, une région stratégique située aux abords de la capitale.

L'Union européenne estime que les indices pointent "vers une nouvelle attaque chimique perpétrée par le régime", tandis que le régime syrien, la Russie et l'Iran démentent les accusations de recours aux gaz dans les attaques. Comment de telles frappes peuvent-elles encore être possibles et comment réagit la communauté internationale ? Explications.

Que sait-on de cette dernière attaque ?

Une vidéo diffusée par les rebelles sur les réseaux sociaux montre les corps d'une douzaine d'enfants, de femmes et d'hommes dont certains ont l'écume aux lèvres. "Douma, 7 avril (...). Il y a une forte odeur ici", dit une voix non identifiée, dans un enregistrement impossible à authentifier. La Syrian American Medical Society (SAMS) assure qu'une bombe au chlore a fait six morts dans un hôpital de la ville et qu'une autre contenant un agent neurotoxique s'est abattue sur un bâtiment voisin.

>> Syrie : une nouvelle attaque chimique ?

Dans un communiqué commun avec la protection civile, elle dit avoir pris en charge un demi-millier de personnes victimes de difficultés respiratoires et dégageant une odeur de chlore. "Les patients montrent des signes de détresse respoiratoire, de cynaose centrale, de moussage oral excessif, de brûlures de la cornée et [on note] une odeur de chlore", selon la Syrian American Medical Society (en anglais). L'Observatoire syrien des droits de l'homme ne se prononce pas sur l'usage d'armes chimiques, mais il évoque lui aussi de nombreux cas de suffocation, liés à la fumée des bombardements.

Pour la presse syrienne, les rebelles cherchent, avec ces accusations, à retarder la reconquête inéluctable de Douma. "Les terroristes du Djaïch Al-Islam sont en déroute et leurs organes de communication parlent à nouveau d'attaques à l'arme chimique fabriquées de toutes pièces pour tenter en vain d'enrayer la progression de l'armée syrienne", écrit l'agence de presse officielle SANA.

La Syrie n'a pas déjà été sanctionnée pour avoir utilisé ces armes ?

La question arrive très tôt sur la table. En 2012, Barack Obama estime que l'usage d'armes chimiques constitue une "ligne rouge" à ne pas franchir, sous peine d'une intervention des Etats-Unis. Mais cela ne semble pas dissuader le régime syrien. En mars 2013, du gaz sarin est employé dans des zones rebelles de la Ghouta orientale, comme le montre une enquête du journal Le Monde, dont les résultats seront confirmés par un rapport de l'ONU.

En septembre, une résolution de l'ONU oblige Bachar Al-Assad à livrer ses armes chimiques à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). En cas de nouvelle attaque chimique, une nouvelle résolution est toutefois nécessaire pour autoriser le recours à la force contre le régime syrien. Par ailleurs, la Syrie adhère à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. En août 2014, Washington annonce finalement que 581,5 tonnes de DF – un agent précurseur du sarin – et 19,8 tonnes de HD – composant du gaz moutarde – ont été neutralisées à bord du Cape Ray, un navire américain stationné en Méditerranée. Officiellement, la destruction de l'arsenal chimique syrien est terminée.

Le "Cape Ray" arrive dans le port de Gioia Tauro (Italie), le 1er juillet 2014. (MARIO TOSTI / AFP)

Comment peut-elle encore s'en servir ?

Le régime semble pourtant toujours recourir à des armes chimiques. En septembre 2014, les enquêteurs de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques évoquent l'usage de chlore dans le nord et le centre de la Syrie, sans nommer les coupables. En août 2016, un rapport des Nations unies et de l'IOAC conclut à la responsabilité de Bachar Al-Assad dans deux bombardements chimiques, et à celle du groupe Etat islamique pour un autre.

Ligne rouge franchie ? Toujours pas. En 2017, le régime syrien est de nouveau accusé d'avoir recouru à l'usage de gaz sarin, lors d'une attaque menée contre le village de Khan Cheikhoun, tenu par l'opposition. Avec 83 morts, cette attaque est considérée par l'OSDH comme la deuxième "attaque chimique" la plus meurtrière depuis le début de la guerre. En réponse, Donald Trump a ensuite mené une frappe contre une base aérienne syrienne. Bachar Al-Assad, lui, évoque "une fabrication à 100%" : "Nous ne possédons pas d'armes chimiques (...) Il y a plusieurs années, en 2013, nous avons renoncé à tout notre arsenal".

"Une très grande partie de l'arsenal chimique syrien a été démantelée, assurait à franceinfo Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques. Néanmoins, la plupart des experts n'écartent pas la possibilité que le régime ait dissimulé quelques tonnes, quelques centaines de kilos d'agents chimiques militaires." Ainsi, le Syrian American Medical Society assure avoir documenté près de 200 utilisations d'armes chimiques depuis 2012 – "sur ce point, les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ont échoué à faire cesser leur utilisation".

Selon les experts, les attaques au chlore sont 5 000 à 10 000 fois moins puissantes que celles au gaz sarin, mais elles peuvent tuer. A la différence des attaques au gaz sarin, elles n'ont encore jamais entraîné de réponse militaire des Occidentaux.

Quelle est la réaction de la communauté internationale ?

Deux jours après l'attaque de Douma, plusieurs missiles ont frappé tôt la base aérienne Tiyas, ou T-4, située dans le gouvernorat de Homs (Syrie), rapporte la télévision d'Etat syrienne. Washington et Paris ont aussitôt démenti être à l'origine de l'attaque et Moscou accuse désormais Israël. Selon les forces russes, deux F-15 ont tiré huit missiles à partir de l'espace aérien libanais. Au moins 14 personnes ont été tuées dans les frappes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, dont plusieurs combattants de diverses nationalités.

En attendant d'en savoir davantage, Donald Trump a promis de faire payer le prix fort au régime de Bachar Al-Assad et a convenu d'une "réponse forte" avec Emmanuel Macron. La France a par le passé menacé la Syrie de représailles en cas de nouvelle attaque chimique avérée, le président Emmanuel Macron parlant à ce sujet de "ligne rouge"

"Il semble que l'Elysée et Washington soient décidés à agir de manière importante, estime sur franceinfo Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des armes chimiques et biologiques. "Si l'Occident ne décide pas de frappes contre les hiérarques du régime, contre Bachar Al-Assad, lui-même physiquement, des frappes sur des infrastructures syriennes ne serviront à rien."

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