Niger : les militaires russes et américains sont hébergés temporairement sous le même toit

Niamey a exigé le retrait du pays des forces américaines. Mais le temps qu'ils fassent leurs valises, des soldats russes sont venus poser les leurs dans la même base, a indiqué jeudi le ministre américain de la Défense.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La base militaire 101 à Niamey, au Niger le 15 juillet 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)

Les soldats russes viennent de s’installer dans l’un des bâtiments de la base 101, près de l’aéroport international de Niamey. C'est ce qu'a indiqué jeudi 2 mai le ministre américain de la Défense Lloyd Austin. Au Niger, après avoir demandé aux forces françaises de quitter le territoire, la junte militaire au pouvoir a estimé que la présence des militaires américains était "illégale". Depuis la mi-avril, près d’un millier de soldats préparent donc leurs bagages. Mais ils vont devoir cohabiter un temps avec le nouvel allié du pouvoir nigérien : l’armée russe.

La base 101 est l’ancienne base aérienne projetée de l’armée française, que les militaires américains ont récupérée fin décembre 2023. Ils y entreposent, notamment, le matériel de renseignement utilisé dans le cadre de leur mission de lutte contre le djihadisme. Il y a donc, sous le même toit, des Russes et des Américains. Les premiers s’installent, les autres déménagent. Une situation irréelle, au moment où Washington et Moscou sont en opposition frontale sur la question de la guerre en Ukraine.

Pas de risque majeur, selon Washington

Au-delà du symbole humiliant pour les Américains, chassés du Niger et obligés de faire une place aux nouveaux arrivants en provenance de Russie, le risque d’incident est minime. Lloyd Austin ne semblait pas s’en inquiéter jeudi lorsqu’il a confirmé l’information. "Les Russes se trouvent dans un bâtiment séparé et ils n’ont pas accès aux troupes américaines ni à nos équipements", a-t-il déclaré, ajoutant, "je suis très attaché à la sécurité et à la protection de nos soldats. Nous allons continuer à surveiller de près cette situation, mais pour l’instant, je ne vois pas de risque majeur dans la protection de nos troupes".

Le calendrier de sortie des forces américaines au Niger n’est pas encore totalement bouclé. Les États-Unis doivent rapatrier autour de 1 000 soldats et beaucoup de matériel. Mais l’armée américaine laissera surtout derrière elle une importante base de drones, une infrastructure récente qui a coûté près de 100 millions d’euros. On ne sait pas si les Américains l’abandonneront aux Russes ou la feront partir en fumée avant leur départ du Niger.

Africa Corps, l’héritier de la société de sécurité Wagner

Aucun pays du Sahel ne semble donc s’opposer aujourd’hui à la présence russe. Leur présence est même fortement encouragée par les militaires nigériens, burkinabés et maliens. Sous cette pression des forces locales, la France et les États-Unis se montrent totalement résignés. Ils sont aussi sous la pression d’une opinion publique méthodiquement travaillée par des campagnes de désinformation en faveur de la Russie. Les sentiments antifrançais et anti-américains sont visibles sur les pancartes des manifestants à chaque mobilisation dans les rues de Niamey. La stratégie de l'organisation paramilitaire Africa Corps est en train de fonctionner : nettoyer le Sahel de la présence occidentale et "aider tous les pays cherchant à se débarrasser enfin de la dépendance néocoloniale".

Africa Corps est l’héritier de la société de sécurité privée Wagner. Désormais le Kremlin ne se cache plus comme il pouvait le faire avec Wagner. C’est aujourd’hui avec Moscou qu’il faut négocier pour anticiper l’essor de l’Africa Corps russe dans la région. C’est ce que fait, par exemple, l’Algérie qui vient de mettre en place une structure à la fois diplomatique et militaire avec la Russie. Un canal dédié pour protéger ses intérêts et limiter le périmètre d’action des troupes de Moscou. L’option choisie par le Niger, le Mali et le Burkina n’intéresse pas vraiment Alger, qui se voit plutôt comme un partenaire souverain des forces russes en Afrique du Nord.

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