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L’Éthiopie s'enfonce dans la guerre civile

Dans ce pays d'Afrique de l’Est, les rebelles du Nord du pays, que l’on a cru un temps en déroute, ont engagé une contre-offensive couronnée de succès. Et la situation humanitaire est très préoccupante.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des ambulances de la croix-rouge à Mekele en Ethiopie le 24 juin 2021.  (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

Les rebelles de la région dissidente du Tigré dans le Nord de l’Ethiopie ont complètement renversé le rapport de force ces derniers jours. Ils ont pris le contrôle des principales villes de la zone, Adigrat, Shiré et depuis mardi 29 juin la capitale régionale Mekele, qui compte 500 000 habitants. C’est un tournant dans un conflit qui dure depuis maintenant huit mois et un sérieux revers pour les forces gouvernementales du premier ministre Abiy Ahmed, qui avaient conquis la région fin novembre.

C'est bien davantage qu'un conflit localisé, puisque l'on parle d’un géant d’Afrique : avec 110 millions d’habitants, l'Ethiopie est le 2e pays du continent par la population. Ce pays, en plein essor économique, est traversé par de fortes divisions ethniques. C’est aussi un point de bascule géopolitique, non loin de plusieurs zones d’instabilité et de conflit : le Soudan, la Somalie et de l’autre côté du Golfe d’Aden et le Yémen dans le Golfe Persique. Sans oublier le voisin du Nord, l’Erythrée, ce régime très autoritaire et impliqué directement dans le conflit, puisque les troupes érythréennes combattent aux côtés de l’armée éthiopienne contre les rebelles du Tigré. Aujourd’hui, l’Ethiopie est menacée de dislocation, et les effets en chaine sont imprévisibles dans toute la région.  

Les humanitaires pris pour cible

À court terme, c’est la situation humanitaire qui inquiète : elle est catastrophique dans cette zone du Tigré. Avant même le conflit, cet endroit comptait déjà de nombreux camps de réfugiés avec une pauvreté endémique. Désormais la famine touche 350 000 personnes et 90% de la population dépend de l’aide alimentaire, d'après les chiffres de l’ONU. Les risques d’épidémie sont réels. Les civils continuent de fuir devant les exactions, les tueries et les viols. Pour ne rien arranger, les ONG sont prises pour cible. Le 24 juin, trois membres de Médecins sans frontières ont été tués dans la région. Les deux parties en conflit se rejettent la responsabilité de ce drame, qualifié "d’assassinat brutal" par MSF. De nombreux humanitaires cherchent à quitter la région, devenue trop dangereuse.  

Un prix Nobel de la paix devenu chef de guerre

Les événements pourraient à nouveau s'accélérer en ce début d'été. D’un côté, les rebelles pourraient se laisser griser par leurs récentes victoires militaires et chercher à poursuivre leur offensive, soit vers l’Erythrée au Nord, soit vers la capitale éthiopienne Addis Abeba au Sud. De l’autre côté, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed mise sur la publication imminente du résultat des élections législatives d’il y a dix jours pour restaurer sa légitimité, et peut-être lancer une nouvelle attaque.

Les grands acteurs internationaux semblent pour l’instant impuissants. Une réunion du Conseil de sécurité de l’Onu pourrait avoir lieu ce vendredi 2 juillet. Mais les Occidentaux sont surtout en train de réaliser qu’Abiy Ahmed, couronné du prix Nobel de la paix il y a deux ans, s’est transformé en chef de guerre, soupçonné de favoriser une seule des ethnies du pays, les Amharas. Les risques sont très élevés.

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