Iran : le crash de l’hélicoptère d’Ebrahim Raïssi révèle un pays entre modernité et vétusté

À l'heure où se préparent les obsèques du président Raïssi, tué dimanche 19 mai dans un crash d'hélicoptère, le monde réalise que cette puissance militaire redoutée n'avait pas d’autres moyens qu'un vieil hélicoptère usé des années 70 pour transporter son président.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
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Temps de lecture : 5 min
Affiche du défunt président iranien Ebrahim Raïssi, sur la place Vali-Asr à Téhéran, le 21 mai 2024. (ABEDIN TAHERKENAREH / MAXPPP)

En considérant l'Iran, on peut être surpris par le contraste entre l’impression de modernité laissée par les drones qui ont ciblé Israël en avril et le vieil hélicoptère usé qui transportait le président Ebrahim Raïssi, mort dans un crash dimanche 19 mai 2024.

On peut presque résumer la longue histoire de l’isolement du régime iranien à travers ces deux actualités. L’hélicoptère dans lequel voyageait Ebrahim Raïssi était un Bell 214, la version militaire d’un modèle de fabrication américaine que les États-Unis utilisaient déjà pendant la guerre du Vietnam. Une antiquité récupérée en 1979 par la Révolution islamique, après la chute du Shah, date qui marque le début de la confrontation entre l’Iran et l’Occident.

Une quinzaine de crashs entre 2000 et 2010

À cette époque, Washington décide des premières sanctions contre Téhéran. Cet embargo, qui dure depuis 45 ans, n’a cessé de s’endurcir rendant impossible l’entretien, l’accès aux pièces de rechange, ou tout simplement le renouvellement des moyens de transport iraniens. L'état de l’aviation de la République islamique en est sans doute l’exemple le plus éloquent, car le crash de l’hélicoptère d’Ebrahim Raïssi s’ajoute à une longue liste de catastrophes aériennes. Selon la dernière étude disponible, près d’une quinzaine de crashs est survenue entre 2000 et 2010. Le dernier accident connu remonte à mai 2022, avec un chasseur F5, avion américain sorti d’usine au début des années 60.

Si le matériel iranien est totalement obsolète, on qualifie pourtant l’Iran de grande puissance militaire. Cette hypermilitarisation a précisément pour base cet isolement. Les Iraniens sous embargo ont très vite su qu’ils allaient devoir penser autrement. Ce fut le premier pays à se lancer dans la fabrication de drones, dès le début des années 80. Cette technologie a révolutionné les stratégies militaires ces dernières années et a surtout permis de réduire les coûts de la guerre.

Les derniers modèles de drones destinés à la vente

En avril, au moment du raid des drones iraniens sur Israël, cet expert du Carnegie Council de New York expliquait à la Deutsche Welle : "Vous n’avez pas besoin de système très cher ou d’armement compliqué, des systèmes généralement soumis à des sanctions ou des contraintes commerciales. Il vous faut juste le même matériel que pour les jouets. Sur ce point, l’Iran a fait le pari qu’une technologie simple, lente, qui vole bas, serait tout aussi efficace. Et c’est ce qui leur a donné un temps d’avance sur leurs adversaires."

Cette attaque inédite des 300 drones iraniens a donné l’image d’une armée iranienne massivement équipée et à la pointe de la technologie guerrière. Mais les drones utilisés contre Israël n’étaient pas les plus modernes. Téhéran veut garder une longueur d’avance et ne dévoile pas ses derniers modèles. Et surtout, le régime a besoin de vendre à ses alliés : Russie, Syrie, Venezuela. Les drones Shahed 136 sont très recherchés et offrent de courtes respirations au pouvoir iranien, de plus en plus asphyxié par les sanctions américaines.

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