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Aux Philippines, le retour de la dynastie de l'ex-dictateur Marcos

Dans ce pays d'Asie du Sud-Est, le résultat des élections générales peut surprendre : un raz-de-marée électoral en faveur du fils de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos.  

Article rédigé par franceinfo
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Des soutiens de Ferdinand Marcos Junior, vainqueur de l'élection présidentielle aux Philippines, brandissent un portrait de leur candidat, le 7 mai 2022. (JAM STA ROSA / AFP)

Dans cet archipel très peuplé (110 millions d’habitants au Sud-Est de la Chine), tout le monde l’appelle "Bongbong". "Bongbong", c’est le surnom de Ferdinand Marcos Jr, 64 ans, et homonyme de son père chassé du pouvoir il y a 36 ans. Avec lui, les Marcos sont donc de retour au palais présidentiel de Malacanang à Manille. Et de retour avec tambours et trompettes: dès le 1er tour de scrutin, "Bongbong" a décroché 56% des voix, deux fois plus que sa rivale, Leni Robredo.

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"BongBong", malgré son surnom, est un personnage assez terne. Il a boudé les débats pré-électoraux. La patronne, la diva même, c’est sa mère, Imelda Marcos, 92 ans, célèbre pour ses goûts de luxe et ses 3 000 paires de chaussures. Mais les Marcos, ce n’est pas seulement du bling bling et des anecdotes. Pendant les 20 ans de leur règne précédent (entre 1965 et 1986), 70 000 personnes ont été tuées ou détenues arbitrairement selon Amnesty International. Arrestations et tortures étaient monnaie courante. Et le clan familial a dérobé des milliards de dollars dans les caisses du pays pour son enrichissement personnel avant de prendre la fuite pour Hawaï en 1986.  "Bongbong" est revenu au pays quelques années plus tard. Il n’a jamais exprimé le moindre regret pour les pratiques du régime de son père. Loin : il vante même son "génie politique".  

La réécriture de l'Histoire par les réseaux sociaux

Ce succès impressionnant est la conséquence d’une curieuse nostalgie pour le régime autoritaire des Marcos, et aussi d’un désaveu de la classe politique, vue comme responsable de la stagnation économique de ces dernières années. Et surtout, le clan Marcos a réussi ces derniers mois, à déployer une véritable toile de désinformation avec des investissements colossaux dans des télévisions et plus encore dans les réseaux sociaux (TikTok en particulier, omniprésent dans la vie des Philippins).

Les Marcos ont progressivement propagé une révision de l’Histoire, assimilant les années de dictature à des années de prospérité et cultivant le côté glamour de leur famille. Sur certaines vidéos, la richesse des Marcos est même présentée comme un atout pour redresser le pays, et non plus comme la preuve de leur corruption. Les moins de 35 ans, accrocs aux réseaux sociaux et qui n’ont jamais connu la dictature, ont mordu à l’hameçon.  

Le clan Duterte associé au clan Marcos

Et puis il y a un dernier paramètre : les Marcos ont passé un accord avec un autre clan, les Duterte, qui étaient au pouvoir depuis six ans, six années marquées par une lutte ultra-violente contre la drogue. Et là aussi c'est une histoire de famille: le président sortant Rodrigo Duterte n’avait pas le droit de se représenter. C’est donc sa fille Sara, qui a formé un ticket avec Marcos Junior. Elle a brigué la vice-présidence. Le poste était lui aussi soumis au vote, un vote séparé mais lors du même scrutin avant-hier.

Résultat : même raz de marée. Sara Duterte a 43 ans. En coulisses, elle devrait jouer un rôle important. En particulier s’assurer que son père soit protégé, alors qu’il fait l’objet d’une enquête internationale, précisément pour sa "guerre" meurtrière contre la drogue. Tout ça n’est pas très rassurant sur l’état de la démocratie dans une région du monde, l’Asie du Sud-Est, où elle est mal en point.    

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