75 ans de l'Otan : les États-Unis lorgnent vers l'Indo-Pacifique pendant que l'entente se craquelle avec l'Europe

Jeudi 4 avril, c'est la date anniversaire de la naissance de l'Otan. Le Traité Atlantique Nord, conçu pour défendre l’Europe contre une agression soviétique, a été signé en 1949 par 12 pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Depuis, l'intérêt des États-Unis semble s'être déplacé.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
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Cérémonie de dépôt de couronnes lors du 75e anniversaire de l'alliance, au cercle des drapeaux devant le siège de l'OTAN, à Bruxelles le 4 avril 2024. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Les festivités liées aux 75 ans de l'Otan n'auront lieu qu'en juillet à Washington, à l’occasion du sommet réunissant les 32 membres. Mais cette alliance militaire a de plus en plus de mal à cacher ses différences de point de vue. Non seulement les membres sont de plus en plus divisés, mais ils le sont sur de plus en plus de dossiers.

Il y a bien sûr le dossier brûlant de l’intégration de l’Ukraine à l’organisation. Il y a également la vision stratégique du pivot vers l’Asie voulu par les États-Unis. Et un dossier "structurel" vient s'ajouter à la pile : ce que les Américains appellent la "part du fardeau", à savoir le déséquilibre entre la contribution de Washington dans l’alliance et celle des Européens.

L'enjeu du Pacifique et la vocation de l'Otan

Le dossier a priori le plus urgent est l’intégration de l’Ukraine à l'organisation, mais c'est une urgence pour une partie seulement des alliés. Les pays baltes et la Pologne sont en première ligne pour accélérer le processus, alors que les États-Unis ne veulent pas d’une adhésion rapide. Le secrétaire général de l’alliance a tenté mercredi 3 avril une formule consensuelle : la création d’une "mission ukrainienne" au sein de l’Otan. Il est peu probable que Joe Biden cède à la pression et soutienne la moindre annonce dans ce sens : dans trois mois à Washington, les Américains seront en pleine campagne présidentielle, et Donald Trump est récemment parvenu à bloquer le vote au Congrès du dernier paquet d’aide militaire à l’Ukraine.

En revanche, Joe Biden confirmera à ses alliés la volonté américaine de renforcer leur position dans le Pacifique. Les Européens répondront que ce n’est pas la vocation de l’Otan. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs opposé à la création d’un bureau de l'Otan au Japon l’an dernier. En réalité, depuis la fin des années Bush, les Américains considèrent l’Indo-Pacifique comme une priorité. C'est d'ailleurs le seul sujet sur lequel démocrates et républicains sont d’accord aux États-Unis.

L'Europe encore loin de l'autonomie

Ainsi, d’une manière ou d’une autre, les Américains font comprendre aux Européens qu’ils souhaitent se désengager de la mission première d'Otan. Et même retirer les troupes américaines du continent européen, si on écoute Donald Trump dans un meeting le mois dernier, où il rapporte une conversation ayant eu lieu quand il était président : "Le président d’une grande nation européenne s’est levé et m’a dit : 'Monsieur, si nous ne payons pas et que la Russie nous attaque, est-ce que vous nous protégerez ?' Et j’ai dit : 'Si vous ne payez pas, vous êtes un délinquant. Non je ne vous protégerai pas et je les encouragerai à faire ce qu’ils veulent'."

Pourtant, en matière de défense, tous les pays européens ont multiplié leurs efforts ces dernières années. Mais trop peu et trop tard. Selon les règles de l’Otan, chaque membre doit consacrer 2% de son PIB aux dépenses de défense. Or l’an dernier, moins de la moitié des alliés européens ont respecté le contrat. La récente pénurie de munitions a aussi démontré que l’Europe était encore loin d’être autonome. Et sur le plan stratégique, la défense de 80% des alliés européens dépend, encore aujourd’hui, directement de la protection de l’armée américaine.

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