Cet article date de plus de deux ans.

"20 millions de Français vivent en couple, mais presque 10 millions vivent tout seul : une montée de la solitude qui est réelle"

La Saint-Valentin, c'est demain, lundi 14 février, la fête des amoureux. Avec le sociologue Jean Viard, on évoque aujourd'hui le modèle du couple dans notre société. Un modèle qui évolue, en particulier depuis la crise sanitaire. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La Saint-Valentin, le couple, l'amour, le développement de la solitude... Notre société évolue, en particulier depuis les confinements et la crise sanitaire. (Illustration) (SIMONA DUMITRU / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, on décrypte à l'occasion de la Saint-Valentin, qui célèbre l'amour et le couple aussi, ce modèle du couple justement, qui a de plus en plus de plomb dans l'aile ou qui, en tout cas, évolue. Et la crise sanitaire n'y est pas pour rien.

franceinfo : Avec le recul, est-ce qu'on sait combien de couples n'ont pas résisté au confinement ? 

Jean Viard : On estime à un million, le nombre de couples qui n'ont pas résisté au confinement, mais on fera les comptes à la fin. Et puis, on estime surtout que presque un couple sur deux, chez les moins de 30 ans, a été fortement secoué par la situation. Parce qu'un couple, ce n'est pas forcément d'être enfermé en tête-à-tête, pendant deux mois. Et dans nos sociétés, les couples, les hommes et les femmes travaillent, ont leur vie chacun de leur côté. Au fond, c'est une espèce de système ouvert sur la société, sur la famille, sur les amis...

Je pense qu'il y a plein de couples qui ont été très heureux durant cette crise. De jeunes couples en ont profité pour découvrir tous les plaisirs de la vie à deux. Et puis, il y a aussi effectivement ce phénomène de séparations, de fragilité des couples. Alors, il faut rappeler qu'en France, il y a 20 millions de gens qui vivent en couple. Le couple reste de loin le système dominant, mais c'est vrai qu'il y a un développement de la solitude. Il y a un développement des célibataires.

Les hommes aussi se mettent plus tard en couple, que les femmes. Et puis, il y a un développement réel de la solitude. A Paris, la moitié des logements sont occupés par une personne seule. Donc dans les très grandes métropoles, où il y a une multitude d'opportunités de sorties, de rencontres, de culture, de travail, etc., il y a beaucoup de gens qui développent des pratiques de solitaires. Ils ne sont pas vraiment solitaires, mais ils habitent tout seul.

Mais est-ce que le couple est encore un modèle vraiment solide dans notre société aujourd'hui ? 

Oui, mais c'est un modèle qui est devenu très tribal, parce que plus la vie s'est allongée, plus on la vit par séquences courtes. Pourquoi ? Parce que même à 60 ans, vous avez le temps de refaire votre vie, il n'y a plus d'âge pour changer de structure.

Jusqu'aux années 60, le but, c'était d'installer les enfants avant de mourir. Pour schématiser, on voulait marier la fille et que le fils reprenne l'exploitation. Mais nous, quand les enfants s'en vont, il nous reste 20 ou 30 ans à vivre. On n'est plus du tout dans la même logique temporelle. Et donc, le couple peut à tout moment changer. On déménage plus souvent, on change de métier, on fait du sport, on milite, on se met à autre chose.

On est une société de mobilité, parce qu'on a gagné 20 ans depuis la guerre, en espérance de vie, et on ne vit pas 20 ans de la même manière. Alors évidemment, les couples sont plus souples, les relations plus discontinues. Mais ne rêvons pas non plus sur le côté "obligé" des couples. Avant, ils étaient en apparence plus stables, mais les vies parallèles étaient sans doute plus importantes. Mais il y a une montée de la solitude qui est réelle. On n'y est pas assez attentif, c'est une vraie question.  

Et justement, la période n'est pas forcément évidente pour les célibataires. La crise sanitaire a aussi joué un rôle dans notre rapport à l'autre. Plus de bises, plus d'embrassades, plus de câlins. Ça peut être quoi, les effets de ce manque de tendresse, de gestes d'affection dans une société ? 

Qu'est-ce qu'on va garder demain ? La bise, moi, quand j'étais jeune, les garçons ne s'embrassaient jamais. Maintenant, c'est devenu courant. La bise, avant la crise, était devenue un rituel quasi obligatoire à plein d'endroits. Aujourd'hui, plus du tout. Et il est possible que demain, pendant 10, 20, 30 ans, on ne s'embarrasse plus de la même manière. Les codes de relations changent. Le fait de se saluer en mettant les poings plutôt que de serrer la main, ça va peut être rester ?

Donc, il faut se dire que ces codes n'existent pas depuis toujours. Ça ouvre une période sans doute de changement, mais de prudence, parce qu'on craint d'autres pandémies, et on se dit quand même qu'on est un peu entré dans le siècle des pandémies. Cela peut entraîner des modèles de relations physiques qui peuvent avoir changé. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.