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La crise ukrainienne, enjeu géopolitique majeur

Avec le spectre de l’invasion russe et de la guerre, la crise ukrainienne ne se résume pas à une question d’experts autour des chances de la diplomatie. Encore une fois, le reportage de terrain nourrit les analyses. Entre Karkhiv et le Dombass, Éric Biegala a longé la frontière russo-ukrainienne.

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Des manifestants avec leurs banderoles "Kharkiv is Ukraine" le 5 février 2022, à Kharkiv à l'est de l'Ukraine, à 30 km de la frontière russe.  (SERGEY BOBOK / AFP)

La crise ukrainienne à la une de l’actualité internationale, à la veille du voyage d’Emmanuel Macron et de Jean-Yves le Drian à Moscou, comment travaillent les reporters sur la ligne de front ? Éric Biegala, grand reporter à la rédaction internationale de Radio France, est de retour d’Ukraine. Il s’est rendu dans plusieurs villes, du nord au sud, en longeant la frontière russo-ukrainienne.

Kharkiv, près d’1 million 500 000 habitants

La ville de Kharkiv, à quelques kilomètres de la frontière russe et 400 bornes de Kiev, fut la capitale du pays entre 1917 jusqu’à 1934. Elle demeure, encore aujourd’hui, l’une des villes les plus importantes d’Ukraine.

Véritable centre économique, scientifique, spatial et culturel, ici, la guerre de basse intensité que connaît la région de Donetsk n’existe pas. Éric Biegala l’a constaté.  C’est un conflit de propagande par médias interposés. Un conflit que la population ne semble pas comprendre, elle s’en désintéresserait presque. La guerre ? Mais entre qui et qui au juste ? Pour ces populations russophones, l’URSS est encore dans les esprits. Il y a de la famille de l’autre coté de la frontière.

A Kharkiv, dimanche 9 janvier 2022, on fête le Noël orthodoxe.  (ERIC BIEGALA / RADIO FRANCE)

En descendant vers le Dombass, la tension se ressent beaucoup plus

Et dans les conversations, les questions que l’on se pose dans la région de Luhansk sont celles qui font les gros titres. Risque de guerre réel ? Bluff de Moscou ? Manipulation de Washington ?

Éric Biegala a pu rencontrer les officiers de l’armée ukrainienne sur le front de Zolote. C’est une parole rare, il est difficile d’échanger avec eux, derrière un micro, et surtout de rester longtemps avec eux. Ici, la nuit, les positions russes tirent sur les habitations. 

Un membre des forces militaires ukrainiennes marche le long de la frontière russe dans la région de Lugansk.  (ANATOLII STEPANOV / AFP)

Le temps long de l’interview présente un avantage

Le jeu de la posture s’estompe. Sur un entretien court, l’officier fera le numéro de la diatribe militaire. Les troupes sont prêtes et mobilisées, on se battra. Mais sur la longueur de l'interview, la langue de bois fatigue, et les traces d’inquiétude se révèlent.

L’aviation russe, voilà la terreur. Que l’aviation russe sévisse ! Il faut des batteries anti-aériennes, ils n’en ont pas assez. Et puis il y a les pièges de la stratégie. Ne surtout pas tirer sur les Russes qui pourraient saisir le prétexte pour passer la frontière. Le Pentagone n’a -t-il pas déclaré que Moscou serait en train de construire des fausses preuves vidéos révélant que les Ukrainiens agressent les Russes ? Mais peut-on croire le Pentagone ?


C’est assailli de ces questions que la population du Dombass attend la visite d’Emmanuel Macron et du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, demain lundi 7 février, à Moscou et Kiev. La diplomatie peut-elle encore œuvrer ?


Éric Biegala, qui était en Ukraine en 2014, estime que les mentalités évoluent. La position dominante, à l’Est du pays, reste pro-russe mais pro-russe ne signifie pas pro-Poutine. L’invasion de la Crimée a tout changé. Vladimir Poutine est perçu comme un agresseur. Mais la Russie, elle, reste dans les cœurs. Les tiraillements sont partout.

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